Le Blog du Merdier

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Le Voyage en Guyane

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jeudi, avril 16 2009

Sous la bulle demi sphérique, sur son habituel plancher des vaches...

...Ce que je peux encore dire, après cette "expérience d'un ailleurs", c'est que, une fois revenu sous la "demi bulle sphérique" de son habituel "plancher des vaches" ... On ne peut plus "penser" ou "réfléchir" ni d'une manière générale, vivre tout à fait comme avant... "ça laisse des traces!" Des traces qui ne peuvent disparaître...

Je pense (mais cela n'est peut-être après tout qu'un préjugé)... Que le touriste "toutou" (ou "lamda camescope sac de voyage bus climatisé hôtel 4 étoiles circuits formatés") "revient sous sa bulle demi sphérique" comme si de rien n'était - avec de beaux souvenirs certes - et que dès le lendemain dans sa bagnole pris dans un embouteillage, il klaxone avec fureur son voisin trop lent ou trop maladroit ou trop hésitant...

J'ai aussi, cependant, une pensée pour toutes les personnes du monde, lourdement handicapées, qui ne peuvent ni se déplacer ni voyager, et qui n'ont que leur poste de télévision pour voir l'ailleurs, cet ailleurs dont ils rêvent, qu'ils ne verront sans doute jamais au vrai...

Et je me dis que, en ce qui me concerne, étant en bonne santé et de surcroît peu sensible ou tributaire du confort (je peux dormir sur un tapis de sol et sous une tente et me nourrir d'une "bouffe d'explorateur")... C'est donc "facile" pour moi de dire et d'écrire tout ce que j'ai vécu...

Je pense aussi à Jules Verne qui, n'ayant jamais quitté la région d'Amiens où il demeurait, et depuis son bureau, a été capable de rédiger ses "voyages extraordinaires" (en "visionnaire", érudit qu'il était, curieux et documenté en toutes choses)... Il a écrit "l'Ile mystérieuse" tout de même, un livre qui parle de cette contrée du fin fond de l'Amérique du Sud, par 50 degrés de latitude Australe, le long de cette côte éclatée en mille et mille petites îles, battue par les vents du Pacifique Sud...

Je pense encore à cette Italienne de mon enfance (qui me gardait quand j'étais petit) et qui me racontait (alors qu'elle ne savait ni lire ni écrire) des histoires passionnantes qui se passaient dans des pays de la Terre lointains... Elle en parlait comme si elle y avait vécu!

... En quelque sorte, ayant un jour été dans cet ailleurs qu'est la Guyane, j'ai, très curieusement, "reconnu" ce que je n'avais encore jamais vu au vrai...

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mercredi, avril 15 2009

Huit jours après...

Retour de Guyane

     Huit jours après mon retour de Guyane sous le ciel chaotique du Sud Ouest de la France, par une température “hivernale” en comparaison des trente degrés de Guyane, avec ce soleil qui “roule” d'Est en Ouest en un arc de cercle orienté vers le Sud (et donc vers l'équateur), alors qu'à 20h 30 il ne fait pas encore nuit et que le soleil “descend” en diagonale sur l'horizon ; avec ces paysages “rachitiques” à peine teintés d'un vert émergeant et timide sur les branches des arbres à feuilles caduques ; avec tous ces pins fracassés aux alentours par la dernière tempête du 24 janvier ; avec ces herbes dans mon jardin qui n'ont de ressemblance avec celles des savanes Guyanaises du littoral que leur couleur verte... Je me sens un peu “étranger” et comme en “exil” dans un pays où je suis cependant né et où j'ai vécu.

La pluie y a ici le chant à peine audible du froissement d'un drap mortuaire, alors que là bas sous le ciel de l'équateur elle était une orchestration...

La Guyane est sans doute un pays où l'on vit tout aussi bien ou tout aussi mal qu'ailleurs... Mais la différence avec la France, c'est d'abord cet environnemment naturel souverain et démesuré où l'homme paraît plus petit voire un intrus... Et ensuite cette misère, cette vraie misère de beaucoup de gens, bien plus évidente qu'en France...

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vendredi, avril 10 2009

Le voyage en Guyane, sections 1 et 2

SECTION 1

Introduction ou avant le départ...

Le mardi 17 mars 2009 à 8h 40 je « m'envole » avec ma femme vers la Guyane, depuis l'aéroport de Bordeaux Mérignac.

Une heure de vol pour rejoindre Paris Orly, puis départ Orly 10h 45 pour Cayenne Rochambeau.

Arrivée Cayenne 17 mars à 15 h 55 (heure locale)

Nous demeurons 3 semaines en Guyane jusqu'au 7 avril chez notre fils Tanguy qui réside à Matoury (15 km de Cayenne)...

Nous serons en Guyane pendant la “petite saison sèche de mars” (qui se traduit par des précipitations plus courtes et moins fréquentes) : cela est du au déplacement de la Zone Intertropicale de Convergence, qui “navigue” entre le 10ème Nord et le 10ème Sud (Cayenne est située sur le 5ème Nord)...

Les régions équatoriales sont pour moi, avec les régions du cercle polaire et les régions de latitude moyenne de l'hémisphère austral, mes destinations préférées. Car dans ces régions, le ciel, les plantes, les paysages et les animaux sont différents de là où j'ai passé ma vie...

... Ah, voir le mouvement apparent du soleil entre le matin et le soir dans l'hémisphère Sud avec l'équateur au Nord! Et des étoiles et des constellations différentes! Le jour “qui ne finit jamais” dans les régions du cercle polaire et au delà ; le passage du soleil à midi au centre de la voûte céleste dans les pays de l'équateur!

... J'ai parfaitement conscience devant un projet de voyage, que “tout peut s'écrouler”... Par la venue d'un évènement malheureux (maladie, accident, drame familial, guerre, tremblement de terre, tempête...)

Comme disait Laurence Parisot (dont je ne partage pas la “vision du monde”) : tout est précaire, la vie est précaire, la santé est précaire, le bonheur est précaire, le travail est précaire...

Par contre ce qui ne me semble jamais précaire, c'est bien le rêve... Le rêve à l'état pur, le rêve grand, beau et fort, difficile à transformer en réalité ; le rêve avec les moyens que l'on se donne pour le réaliser, avec tout ce que l' on arrache du sol sur lequel on est rivé, touffe après touffe, motte après motte, pierre après pierre, racine après racine...

S'il faut rêver réaliste, il faut aussi oser rêver grand...

SECTION 2

... Ce petit territoire – enfin pas si petit que cela, puisqu'il est d'une superficie égale à celle d'une grande région Française ou comme un pays tel que le Portugal... Ce “petit territoire” donc, perdu dans l'immensité du continent Sud Américain, un morceau du plateau des Guyanes tout au bout de la forêt Amazonienne, délimité à l'ouest par le fleuve Maroni, à l'est par le fleuve Oyapock, au sud vers la forêt Amazonienne par les monts Tumuc Humac (635m)... Et la “zone interdite” - une zone de “non droit”, aux frontières encore imprécises entre la Guyanne Française et le Brésil – ce “petit territoire” délimité au nord par l'Atlantique, l'immensité de l'Atlantique... Est donc un “petit bout du monde de France équatoriale”, avec dans sa partie littorale de St Georges de l'Oyapock jusqu'à St Laurent du Maroni... Ses routes, ses infrastructures, ses “grandes surfaces” commerciales ; Cayenne et Kourou, ses quartiers périphériques résidentiels, ses espaces urbanisés, ses panneaux routiers et ronds-points... Tout comme en France...

Et cela est tout à fait étonnant, de voir ces panneaux, ces infrastructures, ces enseignes lumineuses le soir, exactement comme dans n'importe quelle région Française!

Il n'y a pour vraiment différencier, que la végétation, le climat, la hauteur du soleil dans le ciel à l'heure méridienne.. Et les gens aux peaux noires ou cuivrées, sans doute pour beaucoup d'entre eux, originaires de pays Africains, d'Amazonie, du Brésil, ou Amérindiens venus de partout, du grand continent Américain....

Dès le 1er millénaire Av JC, les premiers peuples Amérindiens venus du bassin de l'Amazone ou des rives de l'Orénoque s'étaient installés en Guyane. Et lors des premiers débarquements des Européens au 16ème et 17ème siècle, ces peuples Amérindiens furent décimés en grande partie par les maladies importées, les soldats, les luttes tribales consécutives à la politique des envahisseurs...

Christophe Colomb avait croisé au large du plateau des Guyanes dès 1498, et au tout début du 16ème siècle, navigateurs Anglais et Portugais suivirent les traces de Christophe Colomb...

C'est en 1633 que débute l'implantation des Français en Guyane au fortin de Cépérou (du nom d'un chef Amérindien avec lequel des négociations furent menées)...

En 1643 arrivent Poncet de Brétigny et 400 hommes chargés de coloniser durablement la Guyane. Mais les Amérindiens se révoltèrent en réaction à la brutalité des colons, Poncet de Brétigny et ses troupes furent massacrés et quelques Français survécurent puis quittèrent la Guyane.

Une autre expédition menée par Royville en 1652 et soutenue par Mazarin connut le même sort que l'expédition de Poncet de Brétigny... En dépit de ces échecs, la colonisation finit par s'organiser tout au long des 17ème et 18ème siècles et c'est finalement avec la “fièvre de l'or” à partir de 1855, qu'une “certaine prospérité” (toutefois aléatoire et déstabilisante pour la vie sociale et économique) s'installe en Guyane...

Je passe sur la période du bagne, de 1852 à 1954, qui fut à mon sens, “une des plus grandes hontes de l'histoire de notre pays, la France” (soit dit en passant, L'Angleterre n'a pas fait mieux avec les bagnes d'Australie et surtout, de Tasmanie et les déportations d'enfants)...

C'est à Kourou que l'on rencontre actuellement le plus d'Européens ou de “métropolitains”, dont beaucoup sont des enseignants, des chercheurs, des scientifiques, des gens travaillant sur le site de la base spatiale... Mais l'on rencontre aussi à Kourou, des Brésiliens venus s'embaucher pour les travaux de construction et d'aménagement de la base spatiale, et qui, une fois installés à Kourou dans des stuctures résidentielles assez sommaires, se sont sédentarisés et ont repris d'autres activités diverses... Ainsi ces gens, bien que pauvres, vivent-ils “mieux” ici, que de l'autre côté du fleuve Oyapock...

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Le voyage en Guyane, sections 3-4-5

SECTION 3

Une fois franchie et parcourue la bande littorale “civilisée” (avec routes, villes, internet, téléphone fixe ou mobile, eau, canalisations, électricité, infrastructures, belles maisons aux toitures métalliques et beaux espaces et parcs et circuits de promenades aménagés...) commence la forêt équatoriale, une nature sauvage et vierge, sans aucun pylône, fil électrique, pont ou route... Une nature belle et sauvage, inchangée depuis des millions d'années... Mais des gens y vivent, dans cette nature : regroupés en des villages perdus dans la forêt, ne circulant et ne communiquant entre eux que par pirogue le long de cours d'eaux “labyrintiques”... Des enfants se lèvent à 2h du matin pour aller à l'école en pirogue jusqu'à la “ville” distante de plusieurs heures de navigation parfois périlleuse et toujours difficile...

Quoiqu'il en soit de ce “petit bout de France équatoriale”, la Guyane... Il n'en demeure pas moins que nous sommes bel et bien ici en Amérique du Sud, en “Amérique tout court”...

Vers l'océan Pacifique, vers les terres lointaines de Patagonie et du Cap Horn au Sud, et vers les terres lointaines du Nord de l'Amérique, il n' y a que des immensités à perte de vue... A ce qu'un “vertige” vous prenne et vous emporte, tant ces immensités sont diverses, bouleversantes, et d'une si grande beauté, d'une si grande pureté, d'une si grande violence... Nous sommes là dans une dimension “surréaliste” (la beauté, la très grande beauté, a assurément quelque chose de “surréaliste”)...

L'on ne peut qu'imaginer, lorsque la pensée prolonge le regard... Au delà de l'Amazonie, du plateau Brésilien, et des pampas de l'Argentine... La cordillière des Andes, les hauts plateaux Boliviens et du Pérou, L'Aconcagua, les vallées Chiliennes, l'extrémité des Andes au Sud du continent Américain, recouverte d'un immense glacier disloqué, cisaillé et hurlant comme milles violons de musiciens géants... Et cette côte tourmentée du Sud du Chili, éclatée en mille et mille petites îles, battue par les vents et les pluies venus du Pacifique Sud, recouverte de forêt primaire, pratiquement inhabitée... (Là il y tombe plus de 8 mètres de pluie par an, alors qu'en Guyane il n'en tombe que 2 mètres et demi!)

La Guyane n'est pas si “chaude” qu'on le dit : à Paris ou à Lyon par exemple, le thermomètre peut monter jusqu'à plus de 40° à l'ombre en été, alors qu'à Cayenne il fait au maximum 34 ou 35 ° à l'ombre à 4h de l'après midi et 23/24 à 6h du matin, la moyenne annuelle et constante étant de 26 degrés...

Durant le mois de mars, puis de septembre, au minimum des pluies, les averses bien que quotidiennes, sont brèves et espacées... Par contre de fin avril à mi juillet, durant la “grande saison des pluies”, c'est “des cordes” pendant des heures! Et durant la “petite saison des pluies”, de mi novembre à mi février, un peu moins... Mais les “saisons” en fait, fluctuent beaucoup d'une année sur l'autre (prennent de l'avance ou du retard) au gré du déplacement irrégulier dans sa progression, de la Zone Intertropicale de Convergence (ZIC) entre le 2ou 3ème sud et le 10/15ème nord... Cayenne étant située au 5ème Nord... Parfois la ZIC “descend” jusqu'au 10ème Sud ou encore plus bas, ou “remonte” plus rapidement vers le 10ème Nord...

Par exemple en ce moment (mars 2009) la ZIC stationne encore au voisinage de l'équateur géographique et “épargne” la Guyane (sans doute cette année jusqu'à début avril)...

“El Nino” ce courant du Sud Pacifique venu de l'Antarctique et logeant la côte d'Amérique du Sud (qui influence tout le climat de la Terre) génère cette année dans la zone intertropicale et équatoriale, des “saisons de pluies” plus marquées, et un hiver rigoureux en Europe Occidentale, et Amérique du Nord...

SECTION 4

Le trajet de Bordeaux Mérignac à Paris Orly, ne fut en comparaison du vol Paris Orly – Cayenne, qu'un “saut de puce”... Ce mardi 17 mars 2009 entre 8h 40 et 9h 50. A quelque sept mille mètres d'altitude, par ce temps magnifique, dans ce ciel tout bleu sans nuages, à bord d'un petit Air Bus d'Air France et un peu “gâtés” que nous fûmes par de charmantes hôtesses (c'était pour Irène le 1er voyage en avion – soit dit en passant les femmes d'Air France et des Aéroports sont “super chic/super classe” dans leurs uniformes bleus bien coupés, et ont de fort jolis visages - )

... A quelque sept mille mètres d'altitude donc, c'est cent fois mieux qu'une vue de la France sur Google Earth réglée à l'échelle correspondant à l'altitude de 7000 mètres! Comme quoi le réel en l'occurrence, surpasse de loin le virtuel...

Dans les vingt premières minutes c'est l'ascension puissante et rapide au dessus de l'estuaire de la Gironde puis de la région Poitou Charentes ; et dans les vingt dernières minutes la descente tout aussi rapide mais graduée, vers le site de l'aéroport d'Orly Sud... A peine un quart d'heure, en définitive, pour “sauter” à 7000 mètres maximum entre deux régions de France distantes de 500 km tout de même! Juste le temps de prendre un café...

... Ce n'est pas - du moins c'est ainsi que je l'ai ressenti – la question de savoir si “c'est sûr et sans danger” (de prendre l'avion) qui me préoccupait : cela m'était et me sera toujours indifférent et “sans problème”...

La seule “inquiétude” qui me viendrait, si je puis dire, ne tient qu'à tout ce qui a trait aux contrôles, à l'information, à la signalétique, à la communication, aux automatismes ; le fait de savoir exactement où, dans quelle direction aller, se diriger, se positionner... Cette espèce d'appréhension, dirais-je, d'un univers “formaté” (peut-être un peu “Kafkaïen”)...

Mais je dois reconnaître que cette 1ère expérience d'un grand vol intercontinental, avec un “transit” entre deux terminaux à Orly, fut “assez heureuse” par ce si beau 17 mars 2009... En grande partie due à la gentillesse, à la prévenance des hôtesses, femmes des aéroports et stewards et autres personnes d'équipage... (dont beaucoup étaient de la France du bout du monde)...

L'on monte dans un avion en passant dans un “tunnel” vitré entre le hall de départ et l'intérieur de l'avion : l'extrémité du “tunnel” est un “sas” (comme entre 2 rames de TGV)... Là on vous accueille, puis vous vous faufilez dans un couloir de passage entre des rangées de fauteuils et vous cherchez votre place... ( j'avais lors de l'achat de mon billet électronique, opté pour un siège près d'un hublot)...

Pour le passage d'un avion à l'autre à l'aéroport d'Orly, il suffisait de suivre un couloir, une fois sorti du “tunnel vitré”, qui conduisait directement vers le hall des différentes connexions, puis de là,vers le hall d'embarquement pour Cayenne...

SECTION 5

L'Air Bus A 340 pour Cayenne était bien plus gros, bien plus imposant, que celui de Mérignac à Orly : trois immenses espaces chacun divisé en 3 parties soit les rangs du centre, et les rangs latéraux... l'espace de l'avant de l'avion, puis celui du milieu avec de chaque côté les ailes de l'avion et les réacteurs, et enfin l'espace de l'arrière de l'avion... Tout cela d'un bout à l'autre me paraissant “à perte de vue”...

Si le hublot est petit, et si l'aile de l'avion ne permet pas de distinguer quoi que ce soit vers l'avant, il n'en demeure pas moins que le champ de vision par le hublot, est tout de même immense, une fois en altitude!

Fermeture et verrouillage des portes à 10h 45 heure de Paris, manoeuvres d'accès à la piste d'envol, accélération au sol, décollage... Et en quelques minutes seulement pour tout cela, voici très vite une “carte Google Earth en vrai” de la région Ile de France à 7000 mètres d'altitude, puis une carte encore à plus grande échelle de tout l'Ouest de la France à quelque 9000 mètres d'altitude, sans aucune formation nuageuse et dans une luminosité exceptionnelle... Il n'était pas 11h 30 que je distinguai très nettement l'estuaire de la Loire, puis les côtes de Vendée, et le rivage disparut dans une brume de lumière...

L'Atlantique... L'Atlantique jusqu'à la côte Espagnole du Nord Ouest... Une étendue lisse, bleue comme le ciel, avec des “rides” aussi fines que des cheveux de femme... Et de temps à autre, le tout petit point noir d'un cargo suivi d'une “chevelure blanche de minuscule comète”!

Je savais que nous survolerions le Nord Ouest de la péninsule Ibérique... J'avais déjà bien avant le départ, regardé sur ma “grosse et belle Téterre”située à côté de mon ordinateur, à Tartas, quel serait le trajet vers la Guyane...

Et c'était exactement ce trajet là, tel que je pouvais le suivre selon le plan de vol en face de mon siège, sur un petit écran personnalisé avec des écouteurs, permettant au voyageur de visionner des films, des clips vidéo, des informations, des journaux de télévision, ou encore de jouer à des jeux vidéo...

Une hôtesse emplie à notre égard, à Irène et à moi, d'une touchante sollicitude, nous expliqua les fonctions de la télécommande... Je n'utilisai que la touche me permettant de suivre le plan de vol avec les informations sur l'altitude... Et la température extérieure... de moins 53 degrés à 10650 m d'altitude! Impressionnant, la température de l'air à l'extérieur de l'avion sous ce soleil éclatant à la lumière violente et aveuglante!

Je me suis dit alors : “Hors de question d'aller bourrer une pipe, assis sur l'aile de l'avion!”...

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Le voyage en Guyane, sections 6-7-8

SECTION 6

Moins de deux heures après le départ d'Orly, apparurent les côtes du Nord Ouest de la péninsule Ibérique, la région de la Corona, puis le cap Finisterre et vers le Portugal, une partie très découpée de la côte, avec de nombreuses baies et anses... Une vraie carte de géographie “muette” mais surtout naturelle... C'était très impressionnant de distinguer aussi nettement les détails du paysage de cette région du Cap Finisterre et de St Jacques de Compostelle, dans cette extraordinaire luminosité de l'air à 10500 m d'altitude et bien au dessus de quelques nappes floconneuses de nuages blancs ...

Puis le rivage de l'extrémité de l'Europe se dilua dans la brume argentée et aveuglante, se fondit en une ligne imprécise, grise et vacillante... Alors commença l'Atlantique à l'infini, durant sept heures à 10900 m d'altitude, sur une distance de 6000 km en direction de l'Amérique du Sud au niveau de l'Equateur...

L'Atlantique à l'infini sans aucune terre en vue... Je pensai à ces navigateurs des 16ème, 17ème et 18ème siècles qui, lorsqu'ils dépassaient le Cap Finisterre ou l'extrémité du Portugal, voyaient s'éloigner peu à peu les côtes de l'Europe, se demandant si un jour ils pourraient revenir dans leurs pays...

C'est au large des Açores que parurent les premières grandes formations nuageuses, les systèmes dépressionnaires, les longs enroulements ou rubans de nuées sombres en écharpes ou en bourgeonnements blancs et gris en hauteur... Mais ces immenses formations nuageuses semblaient très basses, presque au niveau de l'océan, et elles se déchiraient, s'espaçaient, se diluaient ... Et dans le franchissement un à un, des degrés de latitude, en direction du tropique Nord, flamboyait toujours plus en hauteur le soleil car nous “allions contre la rotation de la Terre” dans une sorte de “midi perpétuel”. Les systèmes nuageux disparurent, l'océan prit la même teinte que le ciel, les “fines, très fines rides comme des cheveux de femme” à la surface de l'océan, s'effacèrent et sur le petit écran en face de mon siège, je lus “altitude 10950 mètres, température extérieure moins 47 degrés” (entre la France et l'Espagne au dessus de l'Atlantique Ouest Européen il faisait moins 55 degrés)

SECTION 7

C'est à ce moment là, en plein milieu de l'Atlantique à 10950 mètres d'altitude entre l'Afrique du Nord Ouest et l'Amérique du Sud, que l'hôtesse vint nous annoncer que nous pouvions nous rendre accompagnés par elle dans le poste de pilotage auprès du commandant de bord et de son copilote... Parce que c'était pour moi mon premier vol intercontinental, et le premier vol pour Irène...

J'avais déjà, enfant, de 1959 à 1962, “pris l'avion” mais seulement pour traverser la Méditérranée de Marseille à Tunis à bord d'un gros “Bréguet deux ponts” (qui ne volait qu'à 3000 m et mettait 2h 45 pour se rendre de Marseille à Tunis) et ensuite à bord d'un “Constellation” entre Marseille et Alger ou entre Alger et Bordeaux...

Dans le poste de pilotage l'on se serait cru à l'intérieur d'une “nacelle de montgolfière” (fermée évidemment) tant la stabilité était aussi évidente que sur le “plancher des vaches”... Et en face des quatres grands hublots rectangulaires ce ciel, cette immensité, ce bleu, ces traînées floconneuses blanches à l'infini, et l'avion semblait immobile, immobile comme une planète-satellite en forme de baleine géante en suspension dans l'espace... Une immobilité toute relative puisque la vitesse était de 837 km/h! Tout droit devant, à perte de vue, du bleu, du bleu à l'infini, le bleu du ciel confondu avec celui de l'océan, sans horizon défini, comme dans un espace interstellaire tout empli du ciel de la Terre, avec des “voies lactées” de brumes... Et le soleil, éblouissant, dont le rayonnement depuis le centre du ciel, emplissait la moitié de la voûte céleste...

La beauté, dans ce qu'elle a de plus pur, de plus grand par la dimension de ce qu'elle suggère à l'esprit, de plus universel et en même temps de si singulier et de si émouvant... Est “surréaliste”... Elle est bien au delà de tout ce qui dans la vie que nous vivons, nous brasse et nous emporte, nous élève ou nous abaisse, nous motive, nous anime et nous passionne au jour le jour... Elle n'a que faire de certaines de nos aspirations, de bon nombre de nos convictions, de nos repères culturels et de nos habitudes... Elle se fout des hommes et de leurs prodiges... Il n'y a peut-être que la science, la philosophie et la poésie... Et sans doute Dieu pour les croyants... Pour “tenir compagnie” avec une infinie reconnaissance et beaucoup d'humilité, à la beauté...

Que de boutons, de voyants, de cadrans, de manettes, de commandes électroniques, partout dans toute la cabine!

Je demandai au commandant de bord si nous approchions du Tropique Nord : il consulta une carte aux tracés assez complexes, avec de nombreuses indications chiffrées et de points colorés et me dit “nous sommes sur le 24ème”...

Et je répondis : “Nous y sommes presque : il ne manque plus que 33 minutes d'angle, soit environ une cinquantaine de kilomètres”... (il y a 111 kilomètres entre chaque degré de latitude).

Les deux lignes appelées tropiques, celle de l'hémisphère Nord et celle de l'hémisphère Sud de notre planète, de part et d'autre de l'équateur, sont situées très exactement à 23° 27' ... Pour le moment, un moment d'une durée tout de même de “quelques siècles courant”... Rappelons que l'inclinaison de la Terre varie de 3 degrés en une période de 41000 années (41000 révolutions terrestres). Tropiques et cercles polaires “oscillent” donc en 41000 ans, entre 22 et 25 degrés d'inclinaison..;

Je vous demande pardon pour ces considérations techniques et ces précisions... Mais l'univers est d'une extrême complexité et aussi d'une grande logique : c'est “autre chose” encore, que le plus élaboré des mouvements d'horlogerie tel celui par exemple, de la cathédrale de Strasbourg, une véritable horloge et machinerie astronomique!

Passionné que je suis, et presque “fanatique” de ce genre de précisions relatives à la Terre et à l'univers... Je me sens ainsi, d'une certaine manière, par la connaissance de ces précisions et de ces données astronomiques, relié à ma planète d'origine et à l'univers tout entier...

Je dis qu'il y a “une certaine poésie” et “une certaine dimension de réflexion”... Et bien sûr, “une très grande beauté” dans les mathématiques, la géométrie, la physique et la chimie... Et toutes les sciences de la vie, de la Terre et de l'univers...

SECTION 8

Les degrés de latitude l'un après l'autre franchis, nous pénétrâmes plus en avant dans la zone intertropicale en direction de l'équateur... Alors le ciel changea d'aspect et les formations nuageuses reparurent... Ce furent tout d'abord de longues et épaisses masses blanches floconneuses, déchirées, bourgeonnantes ou en nappes étirées, qui semblaient presque flotter tout juste au dessus de l'océan... A plus de 10000 mètres d'altitude, ce paysage de nuages tout en bas, paraissait déchiré comme un grand désert blanc suspendu et tout troué de bleu...

Ensuite surgirent, échappées de la gigantesque muraille nuageuse de la Zone Intertropicale de Convergence, des formations complexes et étrangement architecturées, de cumulo-nimbus... Dont les sommets, cette fois, étaient tout proches, au dessous de l'avion... Et quel spectacle que ces énormes masses de nuages, mouvantes, changeant de couleurs et de formes ; aux bourgeonnements et aux étirements en hauteur... Dont les développements pouvaient tout aussi bien atteindre une altitude de douze mille mètres!

A ce moment là je pus observer que la température extérieure était de moins 43 degrés à 10900 m d'altitude...

L'on imagine alors la surface de l'océan surchauffée par le rayonnement solaire, l'évaporation, l'accumulation de la vapeur d'eau, les violents courants ascendants à l'intérieur de la masse de nuage, le refroidissement en altitude... Et la brutalité, l'intensité de la pluie retombant...

Depuis l'anticyclone des Açores dans l'hémisphère Nord sur l'Atlantique, souffle l'alizé du Nord Est vers l'équateur, et depuis l'anticyclone de Sainte Hélène au large de l'Afrique sur l'Atlantique, souffle l'alizé du Sud Est dans l'hémisphère Sud vers l'équateur... De la rencontre brutale entre les deux alizés, nait une “cellule” dépressionnaire appelée “zone intertropicale de convergence” (une bande de très grosses formations nuageuses, un véritable “mur” oscillant tout au long de l'année avec l'inclinaison de la Terre entre le voisinage de l'équateur et le tropique).

Mais cette “muraille” de nuages n'est cependant pas continue et elle se meut avec quelques différences d'une année sur l'autre...

Alors que nous n'étions plus qu'à 1700 km de la Guyane, il y eut un “éclaircissement” et les formations de nuages se dispersèrent, se réduirent... Et dans le lointain, sans doute de l'autre côté de l'équateur, comme un “mirage de terre”, flottait au ras de l'horizon la “muraille” grise, blanche et bourgeonnante de la “zone intertropicale de convergence” : il devait bien manquer deux ou trois degrés de latitude pour que la ZIC touche la Guyane par le Sud... (en principe la “grande saison des pluies” en Guyane, c'est de mi avril à mi juillet)...

A quelque 400 km de Cayenne environ, l'on nous annonça que les manoeuvres d'approche allaient commencer. D'ailleurs l'altitude n'était plus que de 9000 m au dessus de l'Atlantique à ce moment là, trois quarts d'heure avant l'atterrissage. Mais depuis le hublot je ne voyais rien vers l'avant, à part l'aile de l'avion... Il était donc hors de question de voir apparaitre la côte de Guyane.

Toujours sous un soleil éblouissant encore très haut dans le ciel à cette heure là, vers 16h locale, d'importantes formations de nuages surgirent peu à peu et le ciel tout entier devint un immense espace en trois dimensions, et comme “urbanisé” de gigantesques “monuments” aux nombreux étages, dômes et terrasses ou “jardins suspendus” ; séparés les uns des autres par de larges et profonds “couloirs” bleus... Tout en bas, couraient de petites bandes plus modestes, mais plus sombres, de nuées mouvantes et déchirées...

Et c'est alors qu'à 3000, puis 2000 m d'altitude, se révélèrent à ma vue, l'île Royale, l'île St Joseph et l'île du Diable (îles du Salut en face de Kourou)... Et enfin la côte ou plus précisément, la mangrove...

Dans une trajectoire en spirale nous survolâmes la ville de Cayenne, et toute la zone urbaine aux alentours : les routes, les ronds points, les lotissements... Du côté du littoral, la “civilisation”dans un paysage équatorial ; et de l'autre côté vers l'intérieur des terres, un “océan vert”, une nature totalement vierge, sauvage, puissante et infinie : de ce côté là, aucun pylone, aucun fil électrique, aucune trace de civilisation du 21ème siècle!

Quel contraste entre ces deux mondes, celui de la “civilisation occidentale” que l'on retrouve en Europe, Amérique du Nord et en d'autres pays de la Terre d'une part ; et celui d'une nature sauvage et vierge d'autre part, qui depuis un million d'années n'a pas changé...

L'aéroport de Cayenne Rochambeau en comparaison de celui d'Orly ou de celui de Roissy, est de dimension bien modeste mais néanmoins “ultramoderne” quoique d'atmosphère un peu “exotique” ou “France des tropiques”... En un rien de temps, nous récupérâmes nos valises, et dehors, le soleil brillait encore au dessus de palmiers et d'arbres dont je ne connaissais pas le nom...

Le premier oiseau que je vis fut un petit “merle” noir très élancé avec un oeil dans un fin cercle blanc, très familier, ayant un comportement de moineau : il y en avait partout aux abords de l'aéroport, de ces oiseaux!

Par la suite je devais, du côté de la crique Austerlitz là où demeure mon fils à Matoury, rencontrer un autre oiseau très familier mais moins “citadin” : le “zozo diable” (une “corneille” fine et élancée, au bec assez gros)...

J'ai tout de suite touché et pris entre mes doigts les herbes au sol (que j'ai trouvé différentes de celles d'Europe) , apprécié les 30 degrés de température et le petit vent d'Est, l'air ambiant et la “descente à la verticale” du soleil sur l'horizon... J'étais en Amérique du Sud, dans un “gros/petit bout” de France Equatoriale...

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Le voyage en Guyane, sections 9 et 10

SECTION 9

Matoury, à quelque 15 km de Cayenne et du littoral, proche de l'aéroport de Rochambeau, est une commune très étendue, de différents quartiers et résidences, avec des routes et de petites voies de part et d'autre des accès principaux, menant aux propriétés et aux maisons d'habitation... Tout accès est en “cul de sac” jusqu'à un groupe de maisons, et les maisons sont toutes “assez belles et confortables” dotées de tout ce que la civilisation apporte en ce début de 21ème siècle, entourées d'espaces aménagés et entretenus... Toutes les toitures sont vastes, prolongées d'auvents ou d'avant-toits, en plaques de tôle ondulée (pas de toitures en tuiles, ici..)

Les gens installent autour de leurs maisons et sous les vastes avant-toits, de grands salons/salle à manger et de loisirs, et vivent toute la journée au dehors, protégés des fréquentes averses par ces immenses avancées de toiture...

Le lieu où je séjourne chez mon fils à Matoury se nomme allée de la crique Austerlitz (une crique, ici en Guyane, c'est une rivière ou parfois un modeste ruisseau)... Les cours d'eau sont nombreux et sinueux... Et partout, dès que l'on quitte les “jardins” et les parcs privés, le bord des routes ; règne la forêt, la jungle équatoriale dans son immense diversité d'espèces d'arbres (tous à feuilles vertes persistantes et très hauts, des “sous bois” absolument impénétrables ; toutes sortes de plantes grimpantes ou inextricablement emmêlées... Que ce soit au abords des routes ou plus en avant dans les épais fourrés, l'on peut voir de nombreux points d'eaux stagnantes ou de marécages dans lesquels poussent arbres et plantes.

Les arbres que l'on aperçoit le plus souvent ici, et sur tout le littoral Guyanais de St Georges de l'Oyapock à St Laurent du Maroni, sont les manguiers, de toutes tailles et formes, parfois aux troncs de plus d'un mètre de diamètre et assez ramifiés ou tordus, à l'écorce rude et en morceaux avec des creux sous les embranchements, aux feuilles vert foncé et allongées... Certains de ces manguiers ont des troncs plus lisses et sont de grande hauteur et élancés...

Et l'on voit aussi des “bois cathédrale”, des amandiers très gros aux larges feuilles formant un véritable et vaste “abri” contre le soleil et la pluie, puis des Angéliques au tronc gris, moussu, élancé et dont la base est constituée de volumineux contreforts plus ou moins entremêlés... Bois cathédrale et Angélique ont des feuilles plus petites mais ce sont vraiment des “géants”, et leurs troncs servent à fabriquer des pirogues...

Et n'oublions pas les innombrables palmiers tout aussi géants et d'espèces diverses, chargés de noix de coco en grappes : sous les palmiers, il y a d'impressionnants amas de noix de coco tombées en vrac, creusées pour la plupart d'entre elles ou desséchées et dures comme des ballons ovales en bois...

Dans les belles et “riches” maisons de locataires ou propriétaires aisés, entourées de parcs ou d'espaces en herbe et plantations diverses, l'on y vit apparemment “mieux” qu'en métropole, tant il y a de l'espace et parfois des dépendances tout autour, et des équipements ultramodernes... Deux à trois salles de bains par exemple, des cuisines équipées, une architecture et des ouvertures adaptées à l'environnement climatique...

... Sous la douche, je n'ai utilisé que de l'eau froide : il ne me serait pas venu à l'idée de faire couler de l'eau chaude en région équatoriale!

Par contre, les maisons des habitants à revenus très modestes sont en bois, en planches, en matériaux de récupération, recouvertes de tôles, entourées elles aussi de toutes sortes de “dépendances”, cabanons, auvents, garages... Et constituent de vastes quartiers d'urbanisation précaire, habités par des descendants d'esclaves “marrons” d'origine Africaine, ou encore par des Asiatiques... Ces gens circulent à pied, en vélo, scooter ou en “auto stop”, et aux heures d'entrée et de sortie d'école, règne une grande animation de jeunes, d'enfants et de familles car il y a beaucoup d'établissements scolaires.

... Cette disparité entre “deux mondes” est encore plus nette et plus marquée dans l'ouest de la Guyane (région proche du Surinam) de St Laurent, Awala, Mana, Iracoubo, et vers la frontière Bésilienne (St Georges de l'Oyapock)... Quoique là, cependant, les populations “privilégiées” n'y aient pas des maisons aussi “riches”... (maisons en bois d'architecture “coloniale” par exemple).

La guerre civile qui a sévi au Surinam dans les années 1980, menée par le gouvernement central (Hollandais, Indonésien et Chinois) contre les populations révoltées de descendants d'anciens esclaves Africains et de minorités exclues, a jeté de l'autre côté du Maroni, des milliers de familles fuyant les persécutions et les massacres. Tous ces gens se sont donc sédentarisés dans l'ouest de la Guyane Française et vivent dans de vastes zones d'urbanisation très précaire et les maisons sont en matériaux préfabriqués, en bois, planches, recouvertes de plaques de tôle ondulée... l'on voit dans ces villages pauvres aux rues de terre battue des magasins genre “huit à huit” ou petits bazars tenus par des Asiatiques, notamment à Jahouvey, un village proche de Mana, habité par des Hmong (une communauté Asiatique de réfugiés installés en Guyane). Là, le paysage est plutôt une savane humide de marécages boisés et d'arbres peu élevés... J'ai été surpris du nombre d'écoles dans ce pays : les enseignants sont tous venus de France et vivent là au milieu des populations depuis plusieurs années...

Les marchés sont colorés, bruyants, animés, vivants : nombreux étalages sommaires de fruits, poissons... Et produits venus de métropole. Des gens même, au bord des routes exposent ce qu'ils récoltent ou ramassent, et même des quartiers de viande boucanée ; des animaux morts, des poulets...

Les cultures sont rares et disséminées dans des zones “agricoles” de terres défrichées où les arbres ont été coupés à 2 mètres puis brûlés (culture sur abattis déjà pratiquée depuis des temps immémoriaux par les Amérindiens). Les Hmong et les Haïtiens réfugiés en Guyane pratiquent ce genre de culture et exploitent d'une manière tout à fait informelle, voire ”anarchique”, des bouts de terrain conquis sur la forêt impénétrable... Mais les Hmongs pratiquent aussi une culture plus intensive, organisée, de grande étendue et motorisée, et vendent leurs produits qu'ils transportent dans des camions sur les marchés des villes du littoral.

J'ai eu l'occasion de visiter l'un de ces “jardins équatoriaux” derrière le lotissement où demeure mon fils : que d'ingéniosité pour arriver à faire pousser des courges, des potirons, des haricots, du maïs, du riz... L'on y voit aussi dans ces “jardins” des bananiers, des orangers, des citronniers... Les plantations de courges et de haricots prennent pied sur des buttes de terre noire ou grise entourées d'herbes et de racines...

SECTION 10

Ce qui m'a le plus surpris durant mon séjour en Guyane, ce fut d'une part le contraste énorme et brutal, sans aucune transition ni séparation graduée, entre cette nature vierge, sauvage, inchangée depuis des millions d'années d'un côté et ce paysage urbanisé, “occidentalisé” du littoral autour de Cayenne essentiellement ; et d'autre part cet autre contraste très brutal qui existe entre les “privilégiés” jouissant de tout le confort dans des maisons ultramodernes ; et ces populations vivant dans la misère et le chômage, d'expédients, de petits trafics illicites, et habitant des zones dépouvues de “commodités”... Cela me rappelait certains documentaires que j'avais vus sur des villages Africains de la savane, sur des banlieues de villes Sud Américaines ou sur des campagnes de l'Inde profonde , par exemple...

J'ai même vu un bidonville,un vrai bidonville! A Cayenne même, tout proche du Rectorat!

Il ne se passe pas un quart d'heure, quand tu te promènes dans une rue à Cayenne (et ailleurs c'est pire) sans que tu ne te fasses aborder par un type qui commence à te débiter un grand “bonjour monsieur/bonjour madame” puis ensuite te demande “un petit euro”!

Les “baraques des riches” du côté de Remire Montjoly (le quartier le plus résidentiel et le plus cher de Cayenne) sont entourées de murs et de hautes grilles (comme des enceintes de pénitentiers) avec des portails à code ou des fermetures à commandes électroniques)...

... Un autre contraste, celui là assez absurde et illogique, qui m'a beaucoup surpris, c'est celui de la “fracture numérique” existant entre les régions du littoral...

Ainsi à Matoury, une zone bien urbanisée où demeurent des gens relativement aisés dotés de tout le confort dans les maisons modernes, il n'y a que du “bas débit” en Internet, pas de wifi ni d'adsl!

Par contre à Awala, à Jahouvey dans l'ouest sauvage et peu urbanisé, il y a du wifi et de l'internet haut débit. (Un copain de mon fils demeurant à Jahouvey qui vit dans un bungalow en pleine nature, utilise un ordinateur connecté à live box!)

... J'ai l'impression que la Guyane depuis 4 siècles n'a pas été mise en valeur ni aménagée comme elle aurait dû l'être par la France, qu'il y a ici de vraies richesses et ressources naturelles en “souffrance” et que ce territoire n'a surtout servi que pour faire du commerce, de l'orpaillage, du trafic d'esclaves et s'est essentiellement transformé en bagne entre 1852 et 1954!

Tout ce qui se vend et s'achète vient du marché Européen ou de la mondialisation... Et pourtant quand on observe ce que font les Asiatiques et les Haïtiens réfugiés, et les Amérindiens, l'on se dit que les moyens, les méthodes de culture et d'exploitation des ressources et produits naturels, existent bel et bien!

Sans doute dans ce siècle ci, le 21ème, les Asiatiques, industrieux, entrepreneurs, ingénieux, commerçants et agriculteurs... Dont les enfants fréquentent les établissements scolaires et poursuivront des études supérieures, domineront-ils ce pays et le mettront-ils en valeur, fût-ce à leur profit...

Cayenne est une ville de 40000 habitants (aussi importante donc, que par exemple Mont de Marsan dans les Landes ou qu'Epinal dans les Vosges)... Avec Matoury, et Remire Montjoly et les autres localités environnantes, la zone urbaine de Cayenne regroupe environ 53000 habitants.

Une “4 voies” de 4 km entre deux immenses ronds points (complètement saturés par une intense circulation automobile à 7h du matin et à 6h du soir) mène à la ville, et de part et d'autre de cette “4 voies”, l'on distingue, tout comme aux abords des grandes villes de France, des “ZIC”, des “ZAC”, des parkings géants et des “Grandes Surfaces” commerciales (les mêmes qu'en France). C'est là un “paysage” tout à fait impersonnel, sans “magie” d'une “épuisante banalité”... Qui ne fait pas plus Amérique du Sud qu'Europe!

Les stations d'essence sont ici “Texaco” et “Total”... Et l'on “se fait servir” !

L'on entre dans Cayenne par l'une ou l'autre des deux grandes rues principales qui traversent la ville et sont coupées à angle droit par les autres rues transversales... C'est “géométrique”, quadrillé, comme dans les villes d'Amérique du Nord.

Un “Mac Donald” “trône” majestueusement à proximité du rond point de la rocade...

Les maisons et immeubles n'ont que peu d'étages, sont souvent en bois, avec des colonnades et des balcons, et surtout de grandes avancées de toitures en tôle... De part et d'autre des rues, magasins de vêtements, d'artisanat local et petits commerces, puis au bout de la ville, le vieux port (très “mal famé”), le marché, la mairie, la préfecture, la bibliothèque municipale (avec internet) , la place des Amandiers (géants), le fort Cépérou, et la place des Palmistes (qui le soir et la nuit est squattée par des drogués, des trafiquants et des marginaux de toutes sortes)... Soit dit en passant, la “célèbre place des Palmistes” à Cayenne n'est pas du tout “Champs-Elyséenne”!

Seul peut-être le bar des Palmistes, à l'architecture coloniale 19ème siècle, est une “originalité” (cela fait un peu artiste, bohème et romantique... Si l'on peut dire!)

Les palmiers sont vraiment hauts, droits, et d'un fort diamètre, bien espacés sur une “pelouse équatoriale” d'un vert magnifique... A l'heure de midi, pas d'ombre et un soleil en plein centre du ciel...

Toutes ces toitures immenses en tôles ondulées grises, bleu métallique ou de couleur rouille, qui “débordent” largement au dessus des trottoirs ; ces colonnades, balcons, volets à lamelles amovibles, ces maisons en planches et ces boutiques et échoppes climatisées par d'énormes ventilateurs... Donnent une “atmosphère” équatoriale à la ville de Cayenne.

Sous le soleil écrasant et d'une puissante luminosité au milieu de la journée, les gens circulent sous des parapluies pour se protéger...

A l'entrée de Cayenne par l'une des deux voies principales, l'on peut voir des “HLM équatoriaux” aux balcons et aux murs couverts de traces d'humidité... Ce sont bien des bâtiments ressemblant à nos “HLM” de banlieues en France, mais surmontés de gigantesques toitures à deux pans en tôle ondulée...

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Le voyage en Guyane, sections 11 et 12

SECTION 11

En qualité de “touriste de passage” en Guyane (je n'aime pas beaucoup ce terme de “touriste” car il évoque trop pour moi, dans ma sensibilité si je puis dire, ce “prototype” de l'Européen “nanti” super équipé d'appareils de loisirs, descendu d'un avion “grandes lignes” et séjournant dans des hôtels ou palaces)... Je pense qu'une certaine discrétion de comportement, d'habillement, de propos... S'impose, et qu'il me paraît “ostentatoire” par exemple, de se “trimballer” dans les rues ou dans des quartiers “chauds” avec un appareil photo ou un camescope en bandoulière, des bijoux ou des colliers de perles au cou ou au poignet ; un sac à main ou des chaussures de marque, un sac de voyage luxueux...

Il y a dans un tel contraste entre la richesse ou même tout simplement l'aisance des uns, et la pauvreté des autres, l'immense et générale pauvreté de tant et tant de gens... Une insolence assez choquante, et d'une grande violence dans le fait “ostentatoire” et “provoquant” de cette richesse ou de cette aisance ainsi affichée au vu et au su de tous ... Et je n'adhère pas du tout, dans mon esprit et dans ma sensibilité de “poète” et d'homme d'écriture, à cette idée si communément répandue selon laquelle “c'est normal, on ne peut rien changer, il en sera toujours ainsi...”

Beaucoup de gens, dans la pesanteur habituelle et permanente de cette “réalité incontournable et immuable coulant de source”... Se sentent tout à fait à l'aise, “bien dans leur peau”, irresponsables, anonymes, indifférents, sans complexes... Et se disent que, “ne pouvant rien changer, autant profiter et jouir soi même dans les meilleures conditions possibles de tout ce qui est bon à prendre... Et tant pis pour les autres qui sont du mauvais côté de la barrière”!

Personnellement, je ne puis me sentir tout à fait heureux, ni parfaitement serein ni sans souffrance, dans la pesanteur habituelle et permanente de cette “réalité incontournable qui coule de source et s'impose”...

N'ayant jamais de ma vie réalisé quoique ce soit de “probant” ou de “significatif” en matière d'oeuvre humanitaire, n'ayant jamais conçu de projet ni participé à quelque action d'envergure... Ma seule et modeste “contribution” si j'ose dire, est celle du penseur, du poète que je suis, et qui s'exprime par l'écriture... Peut-on dire de l'écriture qu'elle est dans une certaine mesure, une forme d'action et de combat?

Ecrire, donc... Et diffuser. C'est là tout mon “agissement”, ne pouvant “mieux faire”!

La situation d'un copain de mon fils, professeur dans un collège du district de Mana (Ouest de la Guyane près du Maroni) m'a paru, contrairement à la situation d'autres fonctionnaires, enseignants, militaires installés en Guyane... Beaucoup plus “conforme” si je puis dire, au genre de relations qui devrait à mon sens, s'établir dans ce pays...

En effet, ce camarade de mon fils, a fait semble-t-il, le choix d'une vie “retirée en pleine nature”, une vie sobre (il vit dans un bungalow à Jahouvey près de Mana et de St Laurent du Maroni), une vie très “relationnelle” avec ses élèves (des jeunes de 12 à 15 ans), une vie communicative et de partage avec les gens du pays (pour la plupart des réfugiés du Surinam, des Hmongs et des Amérindiens)...

Il fait la classe de 7h du matin à 12h 30 puis de 13h 30 à 15h (cet horaire là est “universel” en Guyane dans les écoles). Et les bureaux, les administrations, sont ouverts de 7h à 14h...

SECTION 12

Lorsque l'on se promène le long des petites routes et de quelques chemins (pour la plupart se terminant en “cul de sac”)... Avec partout autour de soi, ces fourrés impénétrables, ces arbres immenses ou ces hautes herbes ; il faut faire attention où l'on pose son pied, en particulier autour de la maison où l'on demeure...

De “petites bêtes” (crapauds, minuscules lézards noirs, mille-pattes, fourmis grises, noires assez grosses et volantes, ou rouges et de taille moyenne ; sauterelles, petits batraciens...) circulent et apparaissent sans cesse... Et je ne suis pas venu en Amérique du Sud (et sur une autre planète ce serait pareil) pour tuer même sans faire exprès, ne fût-ce qu'une fourmi!

De jolis lézards à la peau rugueuse presque transparente, de couleur jaune orangé pénètrent dans les maisons et demeurent un long moment immobiles sur les cloisons ou sur les murs...

D'autres variétés de lézards surgissent dans les herbes et aux abords des maisons : de gros lézards verts, et sur les murs en pierres disjointes trônent parfois des iguanes (au soleil)...

Dans les “jardins” (uniquement de plantes et d'arbres) de Cayenne l'on voit voler à toute vitesse de nombreux bleuets (ou tangaras) qui sont comme de “jolis et élégants moineaux bleus”se posant et frétillant sur les branches, et d'autres passereaux tels que le Tyran quiquivi, le cacique cul-jaune, le quiscale merle... Sans oublier les colibris!

J'ai vu également voler autour d'amandiers aux troncs creusés de cavités, des sortes de “guêpes-sauterelles” (mais qui ne piquent pas)... Mais pour ce qui est des insectes en général, bien que la vie entomologique soit d'une grande richesse et diversité, dès que l'on pénètre sous le couvert forestier, on a l'impression de ne voir que des diptères (mouches, moustiques, taons) et des hyménoptères (guêpes et fourmis)...

L'hyménoptère le plus féroce est une grosse guêpe noire, de dimension équivalente à celle de l'index de la main ; prédatrice de la mygale. Cette guêpe pénètre dans le terrier de la mygale, engage avec cette dernière un combat dont l'issue est en général favorable à la guêpe qui pique la mygale et la paralyse, puis pond un oeuf sur son abdomen. La larve se développe à l'intérieur de la mygale, qui finit par mourir... Et oui, la nature c'est aussi cela! Mais ce ne sera jamais pire que dans le monde des humains!

Deux papillons en particulier sont faciles à observer : le Morpho aux grandes ailes bleues, et le “bleu barré” avec du noir et du bleu sur la face dorsale...

Le soir et au début de la nuit, dans la moiteur et dans la chaleur ambiantes, non loin des habitations entourées de marécages, de taillis, de bois et de fourrés, sous un ciel en partie étoilé (et différent de celui de l'Europe ou de l'Amérique du Nord) l'on entend toutes sortes de bruits : coassements graves et sonores des crapauds buffles, ou plus “discrets” de grenouilles ; et des caquètements, des stridulations, des bruits de crécelle, “à n'en plus finir”... Mais sous les averses torrentielles et brutales, l'on n'entend plus ces bruits là...

Il est assez difficile d'apercevoir de petits mammifères, rats, rongeurs, tapirs, agoutis (espèce de petit cochon à tête de rat), pécaris, paresseux (petits singes)... Parce que la plupart des animaux sauvages ne séjournent pas là où demeure l'être humain... Le seul endroit où l'on peut voir courir dans les bois et sous les palmiers des agoutis “en pagaille”, c'est sur les îles du Salut...

Une autre attraction (mais très réglementée et sujette à de nombreuses restrictions d'approche) est celle de l'arrivée des tortues luth, des tortues vertes et des tortues olivâtres venues pondre en deux lieux bien précis de la côte Guyanaise : sur la plage d'Awala près de l'embouchure du Maroni et sur la plage de Montjoly à Cayenne, entre avril et juillet à marée haute... Mais je n'ai pas réussi à voir ces tortues... Seulement aperçu dans le sable de la plage de Cayenne Montjoly, leurs traces et les emplacements où elles ont pondu chacune environ une centaine d'oeufs : des tas de sable entourés de “rigoles” creusées avec leurs pattes en forme de nageoire. La dimension des traces laisse supposer que ces tortues sont vraiment énormes. Les oeufs sont enfouis à un mètre de profondeur et mettront deux mois pour éclore...

A trois reprises selon les informations recueillies auprès de gens demeurant près du site de ponte, je suis venu aux heures propices, c'est à dire le soir après le coucher du soleil et la marée haute, mais aucune tortue en vue! Et la dernière fois j'ai vu un grand trou creusé par des chiens errants, et des coquilles éclatées d'oeufs vidés de leur contenu par les chiens...

Quand on pense qu'il n'y a le long de la côte Atlantique d'Amérique, que deux sites de ponte des tortues luth, l'un à Awala près de l'estuaire du Maroni et l'autre à Cayenne Montjoly, et que la tortue luth est en voie de disparition... L'on se dit que c'est absurde de laisser ces deux seuls sites sans aucune surveillance à l'époque de la ponte!

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Le voyage en Guyane, section 13

SECTION 13

A quatre jours de pirogue sur l'Oyapock, fleuve frontière avec le Brésil, vivent à Trois Sauts, au sud de la Guyane en pleine forêt Amazonienne, des communautés de Wayampi, peuples Amérindiens des grands bois, venus par les affluents de l'Amazone, du Nord du Brésil... Semi nomades, ils vivent de chasse et de pêche, et sont aussi artisans en objets de vannerie.

Six groupes ethniques peuplent la Guyane : les Galibi, les Palikour et les Arawack vivent près du littoral et aux abords des estuaires ; tandis que les Wayana et les Wayampi, et les Emerillons vivent dans la forêt profonde.

Les Emerillons sont les derniers arrivés en Guyane Française, au 18ème siècle, du Paraguay.

Les Arawacks sont venus d'Amérique du Sud, depuis la côte Nord du Vénézuela.

Et les Palikour vivent au Sud Est de la Guyane près de l'estuaire de l'Oyapock, région quasi inhabitée, et se sont tout récemment sédentarisés et leurs enfants sont scolarisés.

Les autres populations d'origines autres que celles des Amérindiens sont pour l'essentiel les Bushinenge (hommes des bois) anciens esclaves de Guyane Hollandaise qui ont fui les plantations des colons Européens. Vers la fin du 18ème siècle après des dizaines d'années de luttes, de révoltes, et de tentatives d'implantation, ils obtiennent le droit de s'installer sur des territoires de la forêt où ils organisent leur vie de la même manière que dans leur pays d'Afrique d'origine... L'on appelle aussi les Bushinenge “Noirs marrons” ou Noirs réfugiés.

Toutes ces populations n'ont que peu de contacts, même aujourd'hui encore, avec les Européens, les Asiatiques, les Noirs et les Créoles de la civilisation “occidentale”... A l'exception peut-être des “Noirs marrons” qui vivent en grand nombre dans l'Ouest Guyanais, de St Laurent du Maroni à Mana et Iracoubo et dont les enfants et les jeunes sont bien scolarisés...

J'ai été très surpris par le nombre de Chinois qui tiennent la plupart des commerces, restaurants et hôtels : à eux seuls, ils représentent peut-être les trois quarts de la vie économique en Guyane. Les Chinois d'ailleurs, ont économiquement investi toute la région des Caraïbes, du Nord de l'Amérique du Sud et en particulier les trois Guyanes... “On les voit partout”, absolument omniprésents et fort nombreux, de conditions sociales diverses, mais très entrepreneurs en “affaires”...

Dans l'ensemble, qu'ils soient Blancs, Créoles, Noirs, Amérindiens, Chinois ou autres Asiatiques, ou encore réfugiés venus du Surinam ou d'ailleurs... Tous ces gens de Guyane sont de commerce et de relation “assez facile”, très polis, agréables, vêtus proprement ; d'un langage parfois un peu “chaotique” (mais on arrive à se faire comprendre pourvu que l'on désigne les choses simplement)...

Les conducteurs dans leurs voitures (on voit énormément de 4X4) sont “lestes et acrobatiques” mais très respectueux des piétons et des cyclistes, s'arrêtent même pour te laisser passer en dehors des bandes de traverse! Et ils ne klaxonnent pas rageusement comme dans les villes de France! (sauf si tu es trop lent)

Les femmes sont très belles mais on n'en voit peu d'âgées : elles sont très bien habillées, peu maquillées, n'ont pour bijoux que des colliers de perles ou des bracelets artisanaux. Toutes sont Noires, ou fortement métissées, pas “grosses” mais de belle stature, les cheveux lisses coiffés “à l'Européenne” ou ramassés en de jolis chignons. Il y a bien là, dans ce pays, une élégance, une simplicité et des couleurs de vêtements, une féminité “belle et émouvante”...

Je me suis même fait “draguer” en présence de ma femme (draguer et sifflé, oui!) par une femme jeune (qui n'avait rien, mais rien de l'apparence d'une femme de “petite vertu”)...

A Cayenne (la capitale tout de même) c'est encore là que la “civilisation occidentale” est la plus apparente... Par comparaison, l'Ouest Guyanais fait beaucoup plus “Afrique Equatoriale” ou “Amérique du Sud” pauvres (avec les maisons en planches, tôles, matériaux de récupération, rues et places en terre battue et bazars où l'on vend de tout)...

La bibliothèque municipale de Cayenne a du “cachet” (de l'exotisme et de l'atmosphère) : en grande partie en bois et d'architecture “19ème”... L'on y trouve quantité d'ouvrages littéraires, historiques, scientifiques, outre des romans et livres pour enfants... Les salles de lecture sont bien aérées, l'accueil agréable, et elle est “assez fréquentée” cette bibliothèque (par de nombreux jeunes)... Il y a même un “point Net” (gratuit mais “verrouillé” pour le courrier électronique personnel, les pièces jointes, les téléchargements)...

En dépit de cette “occidentalisation” apparente, à Cayenne, il n'en demeure pas moins qu'ici, tu es bien sur un autre continent, l'Amérique du Sud, proche du Brésil, de l'Amazonie, et des autres pays d'Amérique Latine... Et qu'ici, le “Blanc” est minoritaire (mais ce n'est absolument pas gênant tant les cultures et les diversités coexistent assez bien dans l'ensemble)... Il n'y a qu'à observer un moment ces nuées d'enfants, de jeunes et de familles à la sortie des écoles!

La seule chose, si je puis dire, qui m'a vraiment choqué, c'est lorsque j'ai vu dans les vitrines des magasins de prêt à porter, ces mannequins de femme “comme en France” : le vrai “prototype” de la femme blanche Européenne élégante et “occidentalisée”! Je m'attendais (et c'eût été plus logique, plus naturel) de voir dans les vitrines des mannequins de femme Noire ou Créole ou Amérindienne!

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Le voyage en Guyane, section 14

SECTION 14

Les Iles du Salut sont situées à environ 15 km au large de la côte, en face de Kourou...

L'île du Diable, qui du temps du bagne de 1852 à 1954, était le lieu d'isolement des prisonniers “politiques” ; puis l'île Royale, la plus grande, et où se tenaient les bâtiments d'administration et de gestion et de prisons ; et enfin l'île St Joseph sur laquelle étaient déportés en “réclusion” les bagnards condamnés pour des meurtres et des délits commis durant leur “séjour” en Guyane...

L'on accède à l'île Royale depuis l'embarcadère de Kourou, en “excursion”, par un Catamaran qui fait l'aller le matin à 8h et le retour le soir à 17h... La traversée dure un peu plus d'une heure.

Au départ, à mesure que l'on s'éloigne de l'estuaire du Kourou, et que l'on avance vers le large, une petite houle “balance” le catamaran et l'océan atlantique est couleur de boue claire. Sur les rives de l'estuaire et le long de la côte ce n'est que verdure luxuriante : racines, branches, arbres et végétaux enchevêtrés forment une barrière infranchissable d'un vert puissant surgi de la vase et de la boue... Je comprends que les premiers navigateurs venus aux abords de ces côtes aient été effrayés, et ont hésité à pénétrer dans ces estuaires envasés, car sur des dizaines de kilomètres, se profile cette côte inhospitalière. Néanmoins il y a à Kourou, tout de même, une belle plage assez vaste... Mais les fonds, jusqu'à une trentaine de kilomètres au large de la côte Guyanaise, ne dépassent pas les vingt mètres et sont très envasés, donc peu propices au mouillage...

Déjà depuis la sortie de l'estuaire du Kourou, l'on aperçoit dans le lointain les îles : des “rochers verts” dont l'un est nettement séparé des autres...

Durant la traversée souffle un vent presque “frais” et assez “fort” si l'on peut dire... Et la houle se renforce, l'océan devient “bleu turquoise”... Vers 9h, le catamaran accoste en face d'un modeste “quai”... Alors commence la promenade du tour de l'île Royale par un chemin qui longe une côte de rochers noirs et chaotiques, sous une haie de très hauts palmiers garnis de noix de coco... Puis le chemin s'éloigne un peu pour “monter” vers l'intérieur de l'île à travers les arbres géants, les fourrés, les sous bois touffus, et une végétation luxuriante... Ici dominent partout sur ces îles, les palmiers géants, et l'on en voit pousser directement à partir d'une noix de coco au sol...

Lorsque les taillis s'éclaircissent l'on voit courir en grand nombre des agoutis, peu farouches mais lestes... Mais ces animaux totalement inoffensifs, ne sont pas cependant “de très bonne compagnie” : ils véhiculent dans leur pelage des colonies de puces, et ces puces sautent dans les herbes puis s'infiltrent sous la partie supérieure de l'épiderme des promeneurs qui frôlent les herbes de leurs chevilles... D'où la nécessité de porter un pantalon qui descend jusqu'au talon.

Sur la partie la plus élevée de l'île Royale, l'on trouve bien sûr les vestiges du pénitentier (mais ici ces vestiges sont entretenus), les maisons des anciens gardiens et administrateurs “refaites à neuf” et aujourd'hui occupées ; une auberge et de grands espaces herbeux ombragés sous le feuillage de gigantesques manguiers... Et la citerne (ou du moins ce qu'il en reste) : cette citerne a été creusée par les bagnards, elle contenait 6000 mètres cubes d'eau et elle était empierrée et cimentée sur son pourtour... Aujourd'hui elle n'est plus qu'une nappe d'eau verte, noire et croupissante totalement recouverte de sortes de grands nénuphars, de végétaux, de racines et de mousse...

C'est là, sur un pan de mur disjoint, tout gris, tout fissuré, en plein soleil de midi, que j'ai pu observer un long moment, et d'assez près, une “troupe” d'iguanes en lents mouvements, la tête bien relevée, évoluant le long de ce mur fracassé...

Le bagne de Hobbart en Tasmanie, du temps de l'empire colonial Britannique au 19ème siècle, était-il plus terrifiant que le bagne de Guyane Française?

L'on peut penser que nos “brillantes” civilisations Européennes et “blanches” ont rivalisé en matière d'emprisonnement, de travaux forcés, de bagnes, de tortures et de traitements inhumains à l'encontre de “gueux”, de voleurs et d'assassins...

Mais je crois aussi que les autres peuples dits autrefois “sauvages” et “non civilisés”, ont eux aussi dans leur histoire, dans leur passé millénaire, fort maltraité leurs exclus, leurs prisonniers, leurs ennemis... Et que nous ne savons sans doute “pas grand chose” de leurs “pratiques” en ce qui concerne les traitements qu'ils devaient s'infliger entre eux...

De toute manière, subsistent de nombreuses traces, d'écrits, de documents et de vestiges, de la cruauté, de la barbarie, de la violence, des misères et de la souffrance imposés à des êtres de tous les pays du monde, tout cela pratiqué depuis le début de l'histoire de l'humanité...

Le monde animal et le règne végétal sont sans doute moins “barbares” que le monde de l'humanité, même si s'impose en un âpre combat pour survivre, la violence, la cruauté et la loi du plus fort...

Il y aurait dans le monde de l'humanité, “quelque chose de démoniaque”... Comme venu du fin fond d'une “intelligence du mal”, souveraine et endémique, traversant les millénaires d'histoire et toutes les civilisations, les plus “brillantes” comme les plus “primitives”...

Le “voyage en Guyane” en “billet aller seulement” des bagnards du pays de France (et de ses colonies) durait à peu près un mois depuis St Martin de Ré, à fond de cale et enchainés qu'ils étaient dans la crasse et dans la vermine, tels sur les “négriers” du 18ème siècle... Le siècle des Lumières, de Voltaire et des philosophes...

Le voyage vers la Tasmanie était autrement plus long (plus de vingt mille kilomètres jusque de l'autre côté de la Terre et cinq ou six mois de navigation...)

60% des prisonniers mouraient en route dans les bateaux-bagnes de la grande nation Britannique porteuse de la civilisation à travers les océans du monde...

L'évasion du bagne d'Hobbart était encore plus problématique, et quasi impossible, en comparaison des “espérances” que l'on pouvait avoir de quitter le bagne de l'île St Joseph en Guyane Française... Car un détroit vingt ou trente fois plus large que la distance séparant Kourou des Iles du Salut, sépare la Tasmanie de la pointe méridionale d'Australie du Sud. Un détroit battu par des vents d'une puissance extrême, hérissé de hauts fonds rocheux et de récifs, et sous un climat quasi polaire en hiver...

C'est dire, de la France comme de l'Angleterre, à quel point ces deux pays en particulier, avaient à coeur et en esprit, de déporter aussi loin leurs “rebuts de l'humanité”... Et de les y faire crever...

L'on accède à l'île St Joseph par un canot pneumatique à moteur pouvant transporter douze personnes au maximum... La traversée est courte mais tumultueuse et l'on est “bien douché”! Le départ a lieu à 14h 15 et le retour est prévu à 16h 15, ce qui est largement suffisant pour faire le tour de l'île et voir les ruines du “plus terrible” des bagnes Français...

Même paysage, mêmes rochers noirs, même eau “bleu turquoise” qu'à l'île Royale... Mais les grands arbres (angéliques, bois-cathédrale, manguiers, fromagers,palmiers géants) et autres espèces végétales y sont encore plus impressionnants... Et que de noix de coco par terre!

Dans un décor de “science fiction épouvante sur une planète chaude sur laquelle règne un “enfer vert”, dans un silence qui “vous prend aux tripes” et vous glace... Dans les enchevêtrements et la démesure de ces branches en “bras de pieuvre” et de ces arbres aux racines qui rampent au sol comme de longs tuyaux tordus en tous sens... Surgissent des pans de vieux murs couverts de traces noires et brunes, des grilles et des barreaux, des charpentes de fer rouillées et disjointes, d'anciens hangars disloqués au sol cimenté et fissuré que la végétation a envahi... Et à l'entrée du bâtiment principal, au dessus d'une voûte surmontée d'un fronton de pierre moisie, cette inscription en grosses lettres gravées et encore bien lisibles : RECLUSION...

Ce mot “RECLUSION”, m'a atteint au plus profond de moi même, comme une bombe qui aurait éclaté dans mon âme et m'aurait “vidé la tête”...

J'ai imaginé, sous la couche épaisse et noire de moisissure qui recouvre les murs des cellules, ces inscriptions de bagnards qui jadis témoignaient de leur “vie intérieure”, de leurs rêves, de leur folie... Mais tout cela, disparu à jamais, anonyme et sans aucune “postérité”... Peut cependant être perçu et comme “écouté”, de nos jours et pour toujours...

Albert Londres, dans son oeuvre d'écrivain et de journaliste en son temps, au début du 20ème siècle, a recueilli lors d'un reportage sur le bagne de Guyane, les paroles de quelques bagnards... Certains, certes, étaient des “bêtes féroces” ayant commis des crimes atroces, mais d'autres n'étaient que des malheureux (innocents ou condamnés sans preuves)... Les témoignages sont véridiques, bouleversants et “immortalisés” dans son livre “Au bagne”...

J'ai vu de part et d'autre d'un long couloir et de murs éclatés, dans ce silence oppressant et comme suspendu dans le temps, dans cette moiteur étouffante et sombre d'un air confiné sans aucun souffle de vent, ces cellules de réclusion “spéciales” ou plus précisément ces cachots étroits, totalement fermés, destinés aux bagnards condamnés par le “tribunal maritime” du pénitentier à vingt premiers jours d'isolement absolu dans le noir... Ces terribles cachots n'ayant d'autre ouverture que le “trou de cheminée” au dessus, laissant passer l'air, et un autre “trou” dans la porte du cachot, obturé par un petit volet glissant afin de faire passer la “pitance”... (au delà de 20 jours d'obscurité absolue, le prisonnier devenait aveugle)...

Et à la suite de ces cachots, les autres cellules d'isolement, surmontées de grilles et de barreaux de fer sur lesquels marchaient les gardiens afin de ne laisser aucune intimité possible au bagnard... Qui était insulté, humilié, recevait urine et crachats des gardiens...

Toutes ces cellules à grilles et à barreaux sont aujourd'hui envahies de troncs d'arbres, de racines ; couvertes sur leurs murs épais de moisissure noire, et c'est étrange de voir à quel point les branches et même les troncs ont “négocié” dans leur développement anarchique, sauvage et brutal, leur passage au travers des barreaux (qui sont non pas écartés mais pris dans le bois)...

... Je crois qu'il n'y aura jamais de “conclusion possible” dans aucune évocation littéraire ou autre, dans aucun récit, aucune description, et cela de tout temps à jamais... De cet “enfer des hommes” dont la trace témoignera toujours de son absurdité, de sa démence, de son inutilité...

Aux yeux de la plupart des gens en France et en Europe et sans doute de partout dans le monde, lorsque l'on parle de la Guyane, c'est pour dire qu'il y avait là l'un des bagnes les plus terrifiants de l'histoire de l'humanité... Et c'est l'image du bagne, qui prédomine... Et aussi, avec le bagne, les moustiques, la chaleur étouffante, les pluies diluviennes, les serpents... Et “l'enfer vert” de la forêt Amazonnienne...

La Guyane, ce n'est “pas tout à fait cela”... C'est un pays de la Terre, notre planète... Même si pour un Européen des latitudes moyennes cela paraît être “une autre planète” avec d'autres paysages, d'autres arbres, d'autres animaux...

C'est un pays où vivent des gens ; des peuples qui sont là, mélangés certes et parfois “occidentalisés”... Des peuples venus aussi d'Afrique et d'Europe et d'Asie, d'Indonésie...

C'est un pays où l'on peut vivre aussi bien (ou aussi mal) qu'ailleurs... Un pays où l'on parle, où l'on rencontre, où l'on échange, où il n'y a pas “d'étranger”, où l'on travaille, où l'on demeure... Un pays qui est beaucoup plus d'Amérique du Sud, y compris la ville de Cayenne, que de nulle part ailleurs sur la Terre...

C'est un pays que les “Tour-opérateurs” et les agences de voyage n'ont pas “programmé” dans leurs listes de destinations touristiques, et ne vendent donc pas à leurs clients Européens ou Nord Américains, qui pour la plupart d'entre eux se voient proposer des “séjours idylliques” dans des palaces 4 étoiles avec en prime ou surprime des circuits organisés en cars climatisés...

Du point de vue purement touristique, la Guyane n'a rien à voir avec la Guadeloupe, la Martinique ou l'île de la Réunion... Les infrastructures de tourisme sont peu développées. Les seuls lieux fréquentés et quelque peu aménagés sont ceux qui ont été ingénieusement arrangés par des Européens, des Asiatiques ou des Amérindiens ou des Créoles “un peu aventuriers” (et amoureux de la nature) vivant en Guyane...

Il existe bien cependant des livres, des guides, des brochures, vendus en librairie sur la Guyane mais certains de ces ouvrages donnent parfois des indications, des précisions, des informations essentielles qui diffèrent entre elles ou même se contredisent...

Ici s'ouvrent des espaces de communication étrangement fluides et intemporels, alors que d'autres espaces ailleurs semblent fermés ou cloisonnés – pour ne pas dire “barricadés”- ou devenus inaccessibles parce qu'on les a quittés pour un temps...

Dans le département des Landes en France, on dit “adichat” pour “adieu”...

En Guyane je ne sais pas comment on dit... Je ne sais plus très bien d'ailleurs, ce que veut dire “adichat” ou “adieu”...

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Le voyage en Guyane, annexe

     Il m'eût certes, été impossible lors de ce séjour de trois semaines en Guyane (le long du littoral uniquement) de découvrir dans son immense diversité, la faune Guyanaise... Sans effectuer la visite du parc animalier situé en direction de Montsinery à proximité de Cayenne...

C'est à peine si l'on rencontre le long des routes, dans les parcs et jardins, autour des maisons et en ville... Ou aux abords des quelques chemins de terre “qui ne mènent nulle part”... Quelques lézards verts et quelques oiseaux (dont cette espèce de petite corneille, le Zozo diable ; les nombreux bleuets et “petits merles noirs et élancés”) ; un grand nombre de fourmis de diverses tailles (dont une toute noire, longue de 3cm et peu leste), d'insectes volants (dont ces fameuses “guêpes sauterelles” en formations autour des creux des arbres) ; de batraciens (crapauds boeufs, crapauds plus “ordinaires” si l'on peut dire, grenouilles au cou et au ventre rouge)...

Dans le parc animalier j'ai vu de “très beaux minous” ( le majestueux jaguar dans un “territoire” aménagé, l'Ocelot, le chat Margay, le puma) ; quelques singes ( capucins blancs et bruns, atèles, paresseux...) ; de belles tortues, dont la tortue charbonnière ; des serpents (anaconda, boas verts et jaunes, boa constrictor) ; de gros oiseaux de proie, des tapirs, des pécaris... Et de magnifiques aras (bleus, verts, jaunes et rouges...). A noter que celui qui “parle le mieux” est le petit perroquet vert, le plus “ordinaire” de tous...

Nombre de ces animaux sont protégés, mais hélas en voie de disparition du fait du déboisement et de la réduction de leurs territoires naturels...

En face de cette diversité animale et végétale, de cette profusion et de cette intensité de la vie sous toutes ses formes... Et en tant que l'un des représentants de la race humaine, je me sens un peu “étranger” sur cette planète... Et aussi un peu “jeune” puisque mes plus lointains ancêtres “humanoïdes” n'ont que trois millions d'années d'ancienneté et sont la dernière espèce venue sur une Terre qui déjà à l'époque, avait “hébergé” les fourmis depuis plus de cent millions d'années, et les dinosaures durant 140 millions d'années...

J'ai “risqué” de me promener, tout seul et sans “portable”, sans un couteau et en “petites savates”, bras nus, sans casquette, sans lunettes, sans appareil photo en bandoulière... Totalement désarmé donc, suivant l'un de ces “passages” ne menant nulle part, sous cette voûte végétale et arborescente...

J'avais moins peur (peut-être pas du tout peur)... Sous ce couvert végétal “d'un autre monde”, que dans la pénombre d'une rue de faubourg de grande ville après le coucher du soleil... Moins peur, oui, et plus de confiance si je puis dire... Et pourtant je suis un étranger au milieu de toute cette vie non humaine... Toute cette vie qui existe et que je ne vois pas mais qui elle, me voit...

Il y a toujours de l'ailleurs dans le dedans... Mais il est bien difficile de trouver de l'ailleurs dans le dedans lorsqu'on vient d'un ailleurs...

L'ailleurs n'est jamais ce que l'on croit quand on l'imagine ou le rêve...

L'ailleurs est ce que l'on vit quand on le perçoit : c'est un espace qui s'ouvre et qui contient ces gens, ces paysages, ce ciel, toute cette vie autour de soi, tout ce que l'on n'avait encore jamais vu mais que, tout à fait étrangement l'on “reconnaît”...

L'ailleurs est sans exil...

Dans l'ailleurs il y a comme une perte du sentiment d'exister ou de ne pas exister ; une perte, aussi, du sentiment de ne pas être existé par ce qui nous entoure et en particulier par les autres gens proches de nous, que l'on rencontre...

Dans l'ailleurs il n'y a pas plus de reconnaissance de la part des autres, que d'indifférence ou d'anonymat...

Dans l'ailleurs ce qui remplace les repères et la culture, dilue les préjugés... Et sans doute “assainit” ou libère la pensée... Et qui en même temps fait de toi un être “seulement de passage”, c'est cette intemporalité universelle des êtres et des choses dans la relation qui s'établit ; donnant ainsi à ton “passage” une dimension plus élargie que celle qui existe mais demeure figée, réduite, à l'intérieur d'un dedans où l'on ne voit jamais ou rarement un ailleurs, où l'on ne fait que croire par habitude, et, au mieux, imaginer...

L'exil, l'exil avec de la solitude de surcroît... Est dans le dedans... Dans ce dedans vécu sans y avoir vu d'ailleurs, ou dans ce dedans que l'on peuple d'impossibles ailleurs...

... Oui, j'ai aimé ce pays, moi qui d'ordinaire préfère les déserts, les grands espaces infinis, les terres nues, les hauts sommets rocheux, les paysages d'Afrique du Nord ou du Sud de la France... J'ai aimé ce pays si végétal, si arborescent, si impénétrable avec ses immenses forêts, ses grands fleuves sinueux, ses savanes humides et boisées... Sa côte Atlantique si “avare” de plages ; ce pays encore vierge dans sa plus grande partie... Ce pays d'Amérique du Sud.

Il y a même des “montagnes”! Cayenne a ses “hauteurs” tout autour, du côté de Matoury, de Montjoly... Et plus loin sur la route de Régina et de St Georges de l'Oyapock, vers le Brésil, il y a là, perdu dans un paysage un peu tourmenté, le bourg de Cacao que l'on atteint par une route complètement défoncée, de treize interminables kilomètres après avoir quitté la nationale 2... Cacao, un village de Hmongs ingénieux et agriculteurs, où chaque dimanche se tient un grand marché populaire et pittoresque... Le “produit principal” (local) y est là, le ramboutan (un “oursin” à poils rouges dont le fruit à l'intérieur de la “carapace” ressemble à un lytchee Chinois)

... Oui j'ai aimé ce pays, ce pays que le “grand tourisme de masse palace 4 étoiles piscine autocars de luxe” n'a pas encore envahi...

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