masques

Épilogue

L'interrogatoire de Natacha fut fructueux. En tant que femme toujours attentive au physique de toute rivale potentielle, elle sut donner une description précise de ses quatre collègues. Qui furent rapidement retrouvées : l'une parce qu'elle avait laissé son numéro de téléphone à la russe, et les trois autres par leur site Internet, selon la méthode utilisée par Bénédicte.

Bon gré, mal gré, elles racontèrent par le menu tout ce qui avait précédé la soirée et retrouvèrent en s'aidant l'une l'autre des lambeaux de mémoire de ce qui s'était ensuivi. L'assouvissement de fantasmes sexuels typiquement masculins par des hommes d'âge mûr, au sexe de dimensions bien supérieures à la moyenne et d'une puissance qui avait sans doute recours à la pharmacie. Le tout sous couvert d'un galimatias érotico-religieux auquel elles n'avaient rien compris. Elles confirmaient l'utilisation de masques qu'aucun des hommes n'avait quitté un seul moment.

Toutes professionnelles qu'elles étaient, elles confessaient s'être réveillées éreintées, bouche pâteuse et mémoire pleine de trous. Elles avaient bu, c'était sûr, mais enfin, d'ordinaire, cela ne leur faisait pas cet effet-là.

Les analyses sanguines confirmèrent la présence de GHB dans leurs veines à toutes. Il y avait donc eu contrainte, au sens de la loi française. Mais elles refusaient de porter plainte, en ce qui les concernait. C'étaient les aléas du métier, dirent-elles.

Les chauffeurs les avaient embarquées au petit matin, direction la capitale, leur disant qu'une d'entre elles avait choisi de rejoindre de la famille qu'elle avait sur place. Ce qu'elles avaient voulu croire, sans questionner davantage.

Un mandat d'arrêt international fut lancé contre le gourou de la secte, un français d'origine libanaise, que la police canadienne retrouva dans ses fichiers : il avait été expulsé du pays, deux ans plus tôt à la fois pour activités immobilières illicites et pour incitation au proxénétisme.

Difficile de donner son nom véritable : les enquêteurs tentent de démêler l'écheveau de ses plus de trente identités fictives en cinquante ans de vie. Dans la secte, il était le Grand Maître, dans la vie, on l'appelait Monsieur Paul, mais nul n'avait jamais su s'il s'agissait de son nom ou de son prénom.

À l'heure qu'il est, polices aux trousses, il court encore. 

©Pierre-Alain GASSE, mai 2009.