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III

Elle appela sans plus attendre l'hôtel dont le numéro figurait en bonne place dans la brochure publicitaire mise à sa disposition :

— Bonjour, le Fort du Large, hôtel-restaurant quatre étoiles, Florine à votre service, que puis-je pour vous ?

— Bonjour, je souhaiterais réserver une chambre chez vous pour demain soir. Est-ce possible ?

Cette phrase à peine prononcée, Bénédicte pensa que ce mois-ci, son budget serait un peu à l'étroit. Dans un établissement de ce genre, la nuit c'était 250 € minimum. Et c'est presque avec soulagement qu'elle entendit :

— Je suis désolée, mais l'hôtel est complet.

— Et dimanche ?

— Nous sommes complets pour le week-end entier.

— Et une table au restaurant pour ce soir ou demain ?

— Vous n'avez pas de chance, l'établissement accueille un groupe qui a également réservé le restaurant.

Bénédicte décida de tendre une perche :

— Ah oui, je vois, une partie de ce groupe loge à la Vigie, n'est-ce pas ?

— En effet, nous ne pouvions accueillir tout le monde. Nous n'avons que dix chambres et il en fallait quinze.

Bénédicte calcula : cinq chauffeurs et cinq jeunes femmes. Plus cinq autres personnes.Dix hommes et cinq femmes. Logés séparément et individuellement. De plus en plus bizarre. Elle reprit :

— Cinq berlines noires à suivre, cela ne passe inaperçu. Je crois les avoir vu s'arrêter à la Vigie, comme j'arrivais.

— C'est possible, oui.

Bénédicte comprit que sa curiosité commençait à lasser. Elle coupa court :

— Bon, tant pis, je regrette. À une autre fois, peut-être.
— À votre service, madame.

Le ton avait changé. Bénédicte eut conscience d'en avoir un peu trop fait.