Le Blog de Pierre-Alain GASSE

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mercredi 13 juin 2012

En dédicace


C'était samedi dernier chez la Noiraude(1), à l'occasion de la première séance de dédicace de "Soliloques" :

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Merci à tous ceux et celles qui se sont déplacés.

(1)fonds spécialisé de nouvelles noires et policières francophones de la Médiathèque de l'Ic, à Pordic (22590).

samedi 20 mars 2010

Ma soirée avec Emmanuelle Urien et Sylvie Granotier


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Toute une soirée avec elles, j'aurais bien aimé, mais, hélas, je n'étais pas tout seul.

Une quinzaine de réfractaires à la consommation télévisuelle avait fait le déplacement chez la Noiraude* pour assister à cette causerie sur le thème prétendument accrocheur "du Polar au féminin", dans le cadre d'une célébration des littératures de l'engagement.

L'une a gagné la célébrité par ses nouvelles noires, mais vient de commettre son premier roman. L'autre écrit des polars et dit redouter la nouvelle.

Une génération les sépare.

Elles sont toutes deux charmantes.

Alors ?

Voici ce qu'elles disent, passé à la moulinette de mes mots à moi.

Question du meneur de jeu de la soirée, Jean-Marc Imbert : Quelle différence faites-vous entre le polar et le roman noir ?

Sylvie Granotier : en simplifiant, on pourrait dire que dans le polar, on cherche à savoir qui a tué et que dans le roman noir, on s'intéresse davantage aux motivations du tueur. Mais dans les deux cas, il y a observation critique de la société.

Question : Faut-il avoir l'esprit noir pour écrire dans ce genre ?

Emmanuelle Urien : Je suis personnellement optimiste, mais j'exprime une vision d'un monde noir dont je suis le témoin. Et d'autre part, nous sommes tous des monstres en puissance. Nous avons tous notre côté sombre.

Sylvie Granotier : Je crois qu'effectivement, on peut écrire des choses très noires sans l'être soi-même.

Question : Y a-t-il un "regard noir" féminin spécifique ?

Sylvie Granotier : De multiples lectures à l'aveugle ont montré qu'on ne peut déterminer le sexe d'un auteur à la simple lecture de ses écrits.

Emmanuelle Urien : Je me souviens que des jurés de concours de nouvelles ont souvent été étonnés en découvrant que j'étais à la fois jeune et de sexe féminin.

Question : Précisément, quelle est la place des femmes dans cette littérature ?

Emmanuelle Urien : Je dirais qu'elle tend à s'équilibrer, dans ce milieu comme dans d'autres.

Sylvie Granotier : À mes débuts, j'ai ressenti pas mal de condescendance de la part de mes collègues masculins.

Question : Nouvelles ou roman ?

Sylvie Granotier : le rapport au temps est différent. Entreprendre un roman, c'est devenir quelqu'un d'autre pendant six mois, un an, voire plus. Cela réclame davantage d'implication. Ça bouleverse le quotidien.

Emmanuelle Urien : la nouvelle cela s'écrit vite ou lentement, cela dépend. En entier d'une seule traite, rarement. Après des temps de latence, souvent. Parce qu'en général, au départ, je ne sais pas où je vais. Une situation, un contexte, un personnage va m'emporter comme je veux que le lecteur le soit, mais je ne sais pas encore comment.

Sylvie Granotier : je crois que les écrivains comme les sportifs ont chacun leur distance de prédilection ; moi c'est le roman, parce que j'adore fouiller, entrer dans les détails, laisser vivre mes personnages.

Emmanuelle Urien : cela ne veut pas dire que la nouvelle soit superficielle. Pour moi, elle doit même avoir plusieurs niveaux de lecture et savoir mener le lecteur "en bateau", comme le polar. Dans mon roman, les personnages ont l'air d'être des clichés, mais ce qui m'intéresse, c'est ce qu'il y a derrière ces clichés.

Question : Dans votre dernier ouvrage, Emmanuelle, "Tu devrais voir quelqu'un" comme dans "Double Je" de Sylvie en 2002, l'intrigue part d'un trio amoureux bien classique, non ?

Sylvie Granotier : dans le polar comme dans la nouvelle, la règle de base, c'est de ne pas ennuyer le lecteur, de faire qu'il ouvre le livre et ne lâche plus avant le point final, avec si possible une surprise en prime. Le reste n'est que... littérature.

Question : Comment expliquez-vous le succès de cette littérature "noire", polar, nouvelles, romans noirs.

Sylvie Granotier : la littérature dite "blanche", par opposition, a un peu perdu son âme avec et après le "nouveau roman" où la forme a supplanté le fond. Le roman a dédaigné la description de la société - qu'il pratiqua avec tant de succès au XIXe - pour s'abîmer dans l'autofiction.

Emmanuelle Urien : Tandis que dans le polar, l'intrigue est prétexte a un regard sur la société.

Sylvie Granotier : Oui, l'auteur de "noir" a un point de vue sur le monde.

Quelques considérations plus tard, la conversation s'achève, un verre à la main, tandis que les deux auteures dédicacent leurs ouvrages.

Je me fais connaître et rappelle à Emmanuelle Urien nos participations aux mêmes concours de nouvelles, quelques années en arrière. Elle se souvient de m'avoir lu. Je l'en remercie. Une seule différence : ces concours, elle les a tous gagnés ou presque. Et moi, un seul.

La jeunesse est parfois désespérante, non ?

Mais sa dédicace est pleine d'encouragements.

  • La Noiraude : créé en 1999 à l'initiative de Frédéric Prilleux, « La Noiraude » est le fonds spécialisé de nouvelles noires et policières de la médiathèque de l'Ic à Pordic (Côtes-d'Armor).