Transfert éclair

Je tombe des nues lorsqu'on me passe le chef de la Sûreté monégasque :

— Allô, oui ? Ici, le capitaine Plassard, chargé de l'enquête sur Denis Popovič. Vous avez un renseignement pour nous ?
— Mieux que ça, capitaine, nous avons votre homme. Il s'est constitué prisonnier ce matin. Mais il y a un petit problème...
— Lequel ?
— Nous ne pouvons pas le retenir ni a fortiori l'extrader. Il n'a rien commis de répréhensible sur notre territoire et Interpol n'a pas lancé de mandat à son encontre. Seulement une "note bleue" de demande de renseignements.

Je mâche intérieurement une bordée d'injures bien senties à l'adresse des bureaucrates d'Interpol, qui, une fois de plus, ne nous ont pas aidés.

— Il est où, alors ?
— Toujours chez nous, de son plein gré. Mais s'il décide de partir, nous ne pouvons le retenir.
— Put... pardon, vous proposez quoi ? On ne va quand même pas le laisser s'évanouir dans la nature une deuxième fois ?
— Écoutez, si vos hommes se présentent avant la fin de cette matinée à la frontière, disons au Jardin exotique, par exemple, et s'il en est d'accord, nous pouvons vous le remettre.
— S'il en est d'accord..., c'est quand même le monde à l'envers, non ? 
— Non, Madame, c'est la loi ! Et elle s'applique à Rennes, comme à Monaco, je pense.
— OK. c'est d'accord. Mais midi, c'est trop juste, disons quatorze heures, au jardin exotique, nous le réceptionnons.
— Accordé.

Maintenant, il faut faire avaler au dirlo la dépense d'un transport en hélicoptère Rennes-Monaco en urgence. Mais, trop content d'épingler à son palmarès l'arrestation du Robin des Bois de l'année, il ne fait aucune difficulté.

Et c'est ainsi qu'à 13 h 45, l'Écureuil AS350B de la Police Nationale, parti de Toussus-le Noble et venu nous chercher sur l'aire du CHU de PontChaillou, après une escale technique à Lyon, nous dépose sur l'Héliport de Fontvieille, Sim et moi.

Une voiture banalisée de la P.J. de Nice nous attend. Il ne nous reste que quatre kilomètres à parcourir, mais si vous connaissez un peu le tracé du Grand Prix de Monaco, vous savez que c'est loin d'être en ligne droite. En pleine ville, avec le trafic et les limitations de vitesse, il nous faut quatorze minutes pour atteindre le Jardin exotique et nous garer devant la grille d'entrée.

Il est donc quatorze heures sonnantes lorsque nous voyons sortir d'une voiture de police monégasque un mec baraqué en jeans et sweat, l'air fatigué de chez fatigué, que nous transférons dans notre véhicule sans plus de discours, vérification d'identité opérée, avant de franchir fissa la frontière, de peur qu'il ne se ravise en cours de route. Notre hélico nous attend à l'héliport de Nice-Côte d'Azur.

C'est bien la première fois en dix ans de carrière que j'arrête un délinquant de son plein gré ! À ce compte-là, on peut supposer qu'il va se montrer coopératif, non ?

Eh bien, pas du tout !

(à suivre)

©Pierre-Alain GASSE, février 2011.