Le Blog du Merdier

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Nouvelles Histoires Yugcibiennes

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jeudi, juillet 29 2010

Des Hacine et des Hèle

     Ils s'élevèrent, nuages mouvants de lumière crue, isolés ou formant de petites colonnes, dans la poussière corrosive des déserts de pierre du monde...

Et ils coururent tels des cavaliers fous, au devant de ces longues caravanes qui toutes, se disloquaient dans la traversée des déserts de pierre, ou se rejoignaient en convois de Pakthes , de Zélithes ou de Plouques...

Au début, personne n'y crut. L'on disait "ce sont les Hacine et les Hèle, des sortes de démons venus du Grand Espace au delà du ciel"... Ou encore " ce sont des caravaniers rebelles, accourus pour tenter de nous conduire au pays des Paplouques".

Personne n'y crut parce qu'ils n'étaient au devant des caravanes de marchands et de chalands, que des nuages épars s'étirant sans changer la couleur du ciel...

Mais les caravanes firent tout de même cercle et se barricadèrent de murs de pierres montés à la hâte, et les rebelles furent attachés aux roues des chariots, subirent des lavages d'estomac afin qu'ils vomissent leurs rêves...

Les Hacines et les Hèles n'étaient pas venus à l'assaut des caravanes, mais ce fut, au dires des caravaniers... Tout comme. Et la résistance s'organisa contre ces Hacine et ces Hèle dont les visages de lumière crue heurtaient les masques dont s'étaient parés les caravaniers.

Le monde n'était devenu que déserts de pierres et les caravanes s'étaient mises debout, figées en hautes tours à hublots lumineux et enroulées de gigantesques rubans gris...

De la fin - ou d'un "jour proche ou lointain"- tout le monde en parlait dans les caravanes... Les "c'eus qué pensé que" s'opposaient aux "c'eu's qué voyé otreman"... Mais personne, jamais, ne sut vraiment... Entre temps il avait eu, outre les Hacine et les Hèles... Les Toquetautotes, puis les Eldoradaures...

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samedi, juillet 24 2010

Les chauffeurs de tripes

 

     C'est le gang des Chauffeurs de Tripes...

Ils n'agissent que cagoulés et au plus profond des nuits sans lune et sans étoiles, ces membres d'une association secrète répartis dans tout le pays en groupes organisés et déterminés...

Leur objectif?

Traquer les délinquants sexuels pédophiles ayant été libérés à l'issue de leur longue peine de prison, ces assassins et violeurs d'enfants ayant purgé 20 ou 22 ans incompressibles, et revenus soit-disant à une vie normale dans des maisons, ou des appartements au milieu d'une population locale, et bien sûr, anonymes, non reconnus par leurs voisins...

Traquer aussi tous ces prédateurs pédophiles qui, non encore inquiétés et condamnés, donnent des rendez-vous à des enfants et entraînent ces enfants dans leurs "jeux" sexuels pervers...

Ce gang bien organisé envoie des commandos au milieu de la nuit au domicile des prédateurs au préalable repérés, ciblés et suivis à la trace... et qui sont enlevés puis conduits en des caves ou des lieux secrets... Et voici ce qui se passe dans la cave : on leur introduit dans l'orifice anal un petit tuyau métallique dans lequel on pousse une tige de fer rougie au feu... D'où ce nom de "chauffeurs de tripes" donné à ce gang et à ces commandos cagoulés agissant dans la nuit et par surprise à l'insu de toutes les polices du pays...

Quand on retrouve les cadavres (en général au milieu des poubelles du quartier) il n'y pas de sang ni de plaies apparentes...

C'est l'autopsie (si elle est demandée) qui révèlera que les intestins sont brûlés...

... Et la "scène" est filmée avec un téléphone portable ou un camescope numérique, et diffusée en vidéo pirate sur le Net, où l'on peut suivre "l'opération" dans tous ses détails... La vidéo est signée d'un visage en noir et blanc aux yeux rouges, barré en croix de Saint André aux extrémités en crochets, et accompagnée de ce slogan en lettres en forme de flammes déchirées :

"le sucre d'orge de feu des chauffeurs de tripes dans le fondement des pédophiles assassins et des tortionnaires violeurs de femmes"...

... Avis aux réalisateurs de films d'horreur : "Les chauffeurs de tripes"...

... Edouard II mourut le ventre brûlé de l'intérieur par un tisonnier rougi au feu enfoncé dans son trou de bale (c'est dans "Les Rois maudits", de Maurice Druon)... Et Ken Follet fait aussi allusion à la mort d'Edouard II dans "Un monde sans fin"...

Dans "Mort à crédit", Louis Ferdinand Céline écrit : " c'est ingrat les chômeurs d'en haut. Ils ne me raccompagnent même pas. Je suis sûr qu'ils recommencent à se battre. Je les entends qui gueulent. Qu'il lui fonce donc son tison tout entier dans le trou du cul! ça la redressera la salope! ça l'apprendra à me déranger"...

Quand aux "chauffeurs" c'est vrai qu'ils chauffaient (brûlaient) les pieds des gens pour qu'ils révèlent leur trésor caché... (et ça se fait encore)...

... Mais poursuivons l'horreur jusqu'au bout...

Ces "chauffeurs de tripes" avaient acquis une certaine popularité aux yeux du grand public... Et le gouvernement, la justice, fermèrent les yeux et donc laissèrent faire...

Pour le principe (à cause des droits de l'homme et au nom de la civilisation) on prit des mesures et on fit des lois, on arrêta quelques suspects (que l'on relâcha faute de preuves que l'on ne chercha point)...

L'Eglise, représentée par Benoît XVI, ferma les yeux sur cette affaire...

Pour voir sur le Net les vidéos des oeuvres des chauffeurs de tripes, il fallu payer et une société prit le marché en main... La société en question fut côtée en bourse, un fonds commun de placement fut créé et même un fonds de pension... Et de braves retraités actionnaires vécurent des dividendes (confortables) de ces placements (c'est que les vidéos rapportaient beaucoup d'argent et que les actions de la société ne cessaient de progresser à des taux pharaoniques)...

En 2184, une controverse agitée secoua l'Eglise : Pie XVIII le pape, voulut canoniser Benoît XVI... Mais un petit groupe de cardinaux et quelques associations de la "Nouvelle Ethique des Valeurs de la Civilisation" s'élevèrent contre cette décision parce que Benoît XVI en son temps avait fermé les yeux sur l'affaire des chauffeurs de tripes, et pensaient que ce "n'était pas chrétien" (ou digne de l'Homme) d'avoir "fait l'impasse" sur cette affaire...

Mais en définitive, Pie XVIII fit canoniser Benoît XVI...

... Petite précision : les tortionnaires d'Edouard II utilisèrent selon Maurice Druon dans Les Rois maudits, une corne dont le bout (le petit bout) avait été coupé pour que le tisonnier rougi au feu puisse passer... Et ne pas laisser de traces de brûlures au trou du cul...

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jeudi, avril 8 2010

Les deux maisons

     La maison dans laquelle il vivait n'était ni celle où il avait vécu dans le Nord de son pays ni celle où il s'était installé dans le Sud de ce même pays. Il ne reconnaissait d'ailleurs pas le pays où il vivait à présent. Cependant cette maison semblait être les deux à la fois, celle du Nord et celle du Sud... Selon un arrangement complètement différent. Et dans cette maison un soir d'été, régnait une animation inhabituelle : des gens de plusieurs époques différentes de son existence, qui étaient des parents, des amis ou même de vagues connaissances, en assez grand nombre, se trouvaient là, conviées ce soir à un gigantesque festin, avec de nombreux jeunes garçons et filles, qui eux, semblaient être des camarades de sa fille âgée de 18 ans et de son fils de 24 ans. Tous étaient étonnamment sympathiques, très joyeux, très drôles. Ce n'était pas, à proprement parler, comme une fête ordinaire dans le genre des fêtes que l'on fait, pour un anniversaire ou tout autre évènement. C'était, bien sûr, une fête, mais l'on sentait que cette réunion avait un but, une finalité, laquelle, il ne savait pas.

Toutes les pièces de la maison n'étaient meublées que de tables et de chaises... Pas de lits non plus, mais seulement des couvertures et des tapis de sol un peu partout, dans les couloirs. Tout ce qu'il y avait à manger se trouvait réparti sur toutes les tables. Il régnait une grande luminosité, par d'immenses baies vitrées tout autour de la maison, et c'est cela qui différait de cet étrange mélange des deux maisons, celle du Nord et celle du Sud...

Et l'animation qui régnait ce soir là, donnait en même temps une impression de calme, de paix intérieure tout au fond de soi, et il semblait que le temps dans ses heures et même dans ses minutes, ainsi que les instants vécus... Ne pouvaient être perçus qu'en une dimension inconnue jusque là...

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La clef perdue

     Avec sa femme, il avait décidé d'aller se promener du côté de L..., une petite bourgade située à quelques kilomètres de l'océan. A un certain moment il fut préoccupé par un problème de clef oubliée ou perdue, et se souvint très précisément de l'endroit où cette clef devait se trouver. Il dit alors à sa femme : " reste ici, j'en ai pour une demi-heure aller retour et je te rejoins près de l'église". Ils demeuraient à M... tout près de L... et la clef perdue selon lui, se trouvait dans l'herbe tout près de la porte de leur logement...

Il prit place dans la voiture, une vieille Renault, et fonça donc vers M... Quelques kilomètres plus loin dans une ligne droite, alors qu'il roulait à 110 kilomètres à l'heure, la pédale d'accélération se bloqua au plancher sur une simple pression de son pied, et il fut emporté par la vitesse sans avoir la possibilité de ralentir. La pédale restant comme obstinément vissée, clouée au plancher, il vit que l' aiguille du compteur atteignait le chiffre de 180. Il ne maîtrisait plus rien, entraîné dans cette vitesse vertigineuse, figé, glacé d'effroi, réalisant qu' il allait mourir, c'est à dire s'écraser contre un arbre ou contre une autre voiture. La route, entre L... et M... n'est pas une route pour une telle vitesse : impossible de distinguer les bas-côtés, du milieu de la chaussée, à cette allure là. Il semblait que la voiture dans sa trajectoire, prenait toute la largeur de la route. Inévitablement, quelqu'un allait survenir en face.

Ce fut une très jeune femme, dans une petite voiture, qui survint, et en l'espace d'une fraction de seconde, il put apercevoir le visage de cette jeune femme. Dans cette même fraction de seconde, il réalisa qu'en explosant lui-même, il allait du même coup faire exploser aussi ce visage... C'était comme s'il entrait tout droit dans cet " enfer " dont parlent les religions, un enfer absolu... Parce qu'il savait comment cet accident serait interprété : l'on ne dirait pas autre chose que : " il roulait à une vitesse excessive, ce fou, il s'est tué, mais il a tué en même temps une jeune femme qui revenait de son travail et regagnait son domicile. " Même sa femme ne comprendrait jamais pour quelle raison il roulait aussi vite ni ce qui avait bien pu le prendre, lui qui n'aimait pas la vitesse et ne prenait jamais de risques.

La toute dernière vision qu'il eut avant le choc, fut celle de la silhouette agitée de sa femme, effectuant pour la dixième fois peut-être le tour de la place de l' église, inquiète de son absence prolongée... Et ces éclairs bleus de girophares balayant les arbres...

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Les deux abîmes

     Cétait un train d' un seul wagon. Et dans ce wagon il était accroché et penché vers l'extérieur sur le bord de la fenêtre brisée d'un compartiment. À ses côtés se tenaient également trois autres personnes elles aussi accrochées à la fenêtre et en même temps, à ses épaules. Au dessous d'eux, une grappe de gens accrochés aux jambes de ces trois personnes et très curieusement le wagon n'avait pas de plancher. Vers le bas, du côté de l'intérieur du wagon, s'ouvrait un abîme incommensurable, tout noir, qui semblait ne pas avoir de fond, ni de limites. La grappe de gens accrochés, également, n'avait pas de fin, non plus. Sur le rebord de la fenêtre des morceaux de verre brisé, tranchants, aigus, de formes diverses, s'enfonçaient dans ses bras, lui déchirant la paume des mains. Les trois autres personnes à ses côtés avaient les mains déchirées et elles s'efforçaient désespérément de se hisser comme lui sur le bord de la fenêtre pour se pencher vers l'extérieur.

Mais il était difficile, sinon impossible, d'envisager de sauter par la fenêtre. Car le wagon sans fond, vu depuis l'extérieur, semblait suspendu, en équilibre instable, ne tenant que sur un rail à peine posé sur un socle d'éclats de roches et en contre bas, à environ un mètre du rail, s'ouvrait un ravin ou plutôt un gouffre dont la pente abrupte, caillouteuse, était par endroits recouverte de buissons épineux, de ronces, de petits arbustes desséchés et tordus. Il ne pouvait pas voir depuis le bord de la fenêtre, le fond du ravin. Sur les éclats de roches et les pierres acérées qui constituaient une bordure étroite le long du rail ainsi que des éboulements vers le ravin, il remarqua une substance visqueuse, glissante, comme un verglas épais. Et ce verglas était lui-même criblé de tessons de bouteille, d'éclats métalliques tranchants et lumineux.

Il sentait bien qu' en dessous de lui dans la grappe des personnes agglutinées, quelques unes de ces personnes faisaient des efforts désespérés pour s'accrocher et grimper les unes sur les autres afin de parvenir toujours un peu plus haut vers le rebord de la fenêtre. Mais ces personnes ne savaient pas ce qu'il y avait dehors.

Que faire ? Sauter, rouler en boule sur les éclats de roche hérissés de morceaux de verre, puis, inévitablement, tomber dans le ravin ? Ou se maintenir, de plus en plus en plus déchiré, perdant du sang, sur le rebord ? Et pour finir, lâcher prise, entraîner dans une chute sans fin, tous ces gens, vers un abîme incommensurable ? À son avis, s'il devait y avoir un " fond " quelque part, ce ne pouvait être que du côté du ravin...

La grappe des personnes agglutinées faisant chacune d'entre elles des efforts désespérés pour grimper par dessus toutes celles qui précédaient et ainsi se hisser peu à peu plus près du rebord de la fenêtre... Était interminable à ses yeux et représentait un poids énorme à soutenir et à entraîner... Il réalisa que pour passer d'un abîme à l'autre, soit de celui s'ouvrant à l'intérieur du wagon et qui n'avait pas de fin, à celui s'ouvrant à l'extérieur et qui avait peut-être un « fond »... il aurait fallu que le rebord déchiqueté et tranchant de la fenêtre s'abaisse au moment du passage, de l'interminable passage de la grappe des personnes accrochées les unes aux autres...

La seule alternative qui s'offrait à lui, dans une logique aussi évidente que froide, était de se couper brutalement de la grappe des personnes agglutinées, et de sauter, lui et les trois autres personnes l'accompagnant, délivrés du poids énorme de la grappe... Mais il y avait encore, avant la chute le long de la pente abrupte du ravin, cette bordure étroite et hérissée d'éclats tranchants, le long du rail paraissant suspendu... Et qu'en était-il en vérité, du « fond » de l'abîme s'ouvrant à l'extérieur?

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mercredi, avril 7 2010

La vieille voiture

     Il marchait sur une plage, au bord de l'océan... En un pays inconnu et rien, le long du rivage, ne lui permettait d'identifier le lieu en lequel il se trouvait. C'était un rivage rocheux et non loin de la plage étroite au sable terreux, sale et jonché de détritus, au dessus d'un assez vaste terre-plein s'étendait une terrasse rocheuse, presque plate, sur laquelle était garée sa vieille voiture toute cabossée et tachée de rouille.

Trois énergumènes à la mine patibulaire s'invectivaient, se poursuivaient, se lançaient des cailloux, tout autour de lui sur la plage. Puis les trois types montèrent sur le terre plein, avisèrent la vieille voiture, firent un cercle autour d'elle ; l'un des types parvint à ouvrir une portière, mit le moteur en marche, les deux autres s'engouffrèrent un moment dans la voiture, ressortirent, reformèrent le cercle, et celui qui l'avait mise en marche la fit tourner sur elle même comme une toupie, très violemment, en faisant " miauler " atrocement le moteur, fumer le capot, les roues, imposant à l'embrayage une souffrance insoutenable.

Il arrive en courant, armé d'un long bâton noueux et fourchu, récupéré sur le sable, se précipite sur les types qui s'éloignent un peu de la voiture, porte des coups violents par la portière vitre baissée, à la tête de celui qui se trouvait au volant. Le type sort brusquement de la voiture, rejoint les autres.

Ce qui l'enrageait le plus, c'était que cette vieille voiture lui rendait encore service et qu'il en avait besoin. Il monte dans la voiture, referme brusquement la porte car ils étaient encore là, tout près, les salauds, faisant cercle autour de lui, le narguant, le menaçant... Alors, fou de rage, ivre d'une violence inouie, il tourne la clef de contact, appuie sur la pédale d'accélération et dans un miaulement, un hurlement de moteur et de ferraille, il " fonce dans le tas ". Il en percute deux, qui volent à trois mètres au dessus du sol avant de retomber disloqués et bouscule l' autre qui tombe et passe sous les roues, puis il s'éloigne, les laissant blessés, en sang. Il vit dans le rétroviseur, que l'un d'entre eux avait la tête éclatée.

La nuit tomba rapidement, il roula sans éclairage, emprunta plusieurs petites routes désertes, changeant de direction aussi souvent que possible, ne sachant plus désormais où aller dans ce pays inconnu... Un chemin étroit et tortueux dans un paysage d'arbustes et de buissons épineux enchevêtrés le conduisit vers une forêt inextricable et très dense dans laquelle il entra, suivant une piste défoncée. Tout à coup devant lui, en haut d'une côte courte et raide, s'ouvrit une fenêtre de ciel, entre les feuillages épais des arbres... Il accéléra, comme pour « avaler » cette côte, mais c'est un abîme dans lequel la voiture plongea et lui dedans, un abîme vertical, un mur de roches, de terre et de racines... et tout en bas, très loin en bas, une nappe floconneuse de brumes grises... ou de cendres, ou de vapeurs bleutées... Une étrange nappe de ciel brouillé, toute éclaboussée de fluorescences vertes...

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La petite pièce à changer,dans la grande machine

     Cela se passait au dernier étage d'un très grand immeuble aussi haut que par exemple, la tour Maine Montparnasse à Paris...

Il était intérimaire et polyvalent dans cet espace de bureaux et de postes de travail s'étendant à perte de vue tout au long de l'étage, le dernier étage de l'immeuble. Des cloisons et des parois en verre, ou des rideaux à lamelles métalliques séparaient les postes de travail sans les isoler les uns des autres et l'ensemble de l'espace de travail paraissait constituer une structure homogène et complexe. De nombreuses personnes travaillaient dans ces " alvéoles ", ou y exerçaient une activité intense, bruyante, et surtout fébrile, ponctuée d'ordres secs et brefs aboyés par des microphones ou de petits haut-parleurs. Les gens en tous sens effectuaient d'une alvéole à l'autre des déplacements rapides et les visages étaient crispés, tendus, tordus.

Son poste de travail se trouvait près de l'une des fenêtres de l'immense salle. Alors que l'environnement était ultramoderne, les fenêtres semblaient dater d'une autre époque, s'ouvrant avec difficulté en manoeuvrant une grosse poignée rouillée. Dans son bureau en dessous de la fenêtre il y avait un radiateur en fonte de chauffage central, assez haut. De telle sorte qu'il était mal aisé d'ouvrir la fenêtre.

La fonction qu'il exerçait au sein d'un Système et d'une Structure très complexes d'activités diverses, était imprécise mais multiple, si multiple qu'il devait à tout instant réagir en des situations totalement imprévues, difficiles, contraignantes, épuisantes et rébarbatives, sous la menace permanente, les directives contradictoires, parfois incompréhensibles, les ordres secs, brefs et brutaux de ces diffuseurs automatiques qui aboyaient sans cesse et ne laissaient aucun répit.

Entre autres fonctions ou tâches répétitives, on lui en avait rajouté une, depuis peu de temps, et qui était d'une importance capitale pour le fonctionnement du Système. Cela consistait à changer assez souvent un tout petit élément dans une machine énorme, une petite pièce pas plus grande qu'une tête d'épingle, selon une procédure délicate exigeant beaucoup de patience et d'attention. Il n'avait pas été formé pour ce genre de travail, et le mode opératoire n'était pas très clair. De plus, cette tâche, incluse dans un programme en perpétuel changement, d'activités précises et très diverses, pouvait par omission ne pas être effectuée, auquel cas c'était la catastrophe, parce que la grosse machine se grippait et il s'ensuivait toute une cascade de dysfonctionnements à tous les niveaux de la Structure et du Système. En outre, les gens qui travaillaient dans le Système ou y exerçaient leur activité se trouvaient alors directement touchés, sensibilisés par les conséquences des dysfonctionnements. Cela pouvait aller jusqu'à la perte de leur emploi ou leur exclusion de la communauté.

Si l'on oubliait une fois, une seule fois, de changer le petit élément, le lendemain cependant, il existait tout de même une procédure de secours qui permettait à la grosse machine de fonctionner partiellement. Alors les conséquences, bien que significatives, n' étaient pas trop catastrophiques. Cette petite pièce ne pouvait être utilisée que le jour présent, et pas un autre jour.

Dans l'engrenage et dans la complexité des fonctions, des responsabilités, des tâches répétitives et de la diversité des mécanismes, avec cette réactivité imposée par les situations les plus inatendues, les plus absurdes aussi... Il n'était guère possible d'assurer un service « sans failles »... Les erreurs, les oublis, ne pouvaient être que fréquents, générateurs de " stress ", de dysfonctionnements et de préoccupations épuisantes.

Le patron du Département structurel dans lequel il travaillait était une jeune femme assez séduisante, agréable en apparence, très bien habillée, mais très " dans le sens du monde ", c'est à dire parfaitement "bien dans sa peau ", sûre et inféodée aux valeurs du Système, et cherchant visiblement à " monter plus haut " dans la hiérarchie. Elle était hypocrite et cauteleuse. Les gens qu'il cotoyait paraissaient sympathiques et il les connaissait depuis longtemps. Mais il ne les percevait que selon leurs apparences...

Ce qui devait arriver, arriva...

Un jour il oublia de changer la petite pièce. Le lendemain ce fut le branle-bas de combat. Cela le perturba au delà de toute mesure, d'autant plus que tous ces longs mois précédents de " stress " quotidien l' avaient peu à peu usé. Et il découvrit alors les gens tels qu'ils étaient, au fond, sous leur véritable jour : égoïstes, individualistes à l'excès, uniquement préoccupés de leurs besoins et de leurs aspirations, moqueurs, cruels, indifférents, hypocrites, ne se référant qu'à des critères d'appréciation et de jugement, des idées et des opinions qui étaient ceux du " sens du monde ".

Pour comble de malchance il s'empêtra dans la procédure de secours... Plusieurs situations inhabituelles, totalement imprévues et ayant exigé beaucoup de réactivité l'avaient absorbé à un point tel, qu'il n'avait pas pensé de suite à la Machine. Aussi ce matin là, le Préposé à la manutention des rouages de la Machine, qui avait une tête de brute, l'apostropha sévèrement et lui asséna : " Ah, on est beaux... cette fois, on peut tous plier bagage, on est bons pour se retrouver tous dehors..."

Alors en un éclair voici ce qui se passa dans sa tête : puisqu'il venait de commettre l'irréparable et que désormais l'existence n'avait plus aucun sens dans cet univers absurde, il décida de se précipiter vers la fenêtre, de l'ouvrir et de se jeter dans le vide. Pour cela il devait se hisser sur le radiateur, agripper la poignée rouillée, ouvrir la fenêtre et prendre appui sur le rebord afin de sauter...

Il pensa cependant que, le voyant faire, les autres se tenant à proximité et réalisant qu' il allait sauter, réagiraient et que l'un d'eux tenterait de le retenir juste avant... Mais il sentait bien aussi, que c'était là un pari impossible et d'un geste déterminé il saisit la poignée, ouvrit la fenêtre et monta sur le radiateur en déchirant son pantalon et en s'écorchant, prenant appui sur le rebord... Et bascula dans le vide.

Personne ne s'était précipité vers lui afin de le retenir. Alors, comme suspendu dans le vide, à une hauteur vertigineuse, il vit le sol, la rue, les voitures, en dessous, et il sut que c'était trop tard. Sa dernière pensée fut une vision précise de ce qui allait se passer : les gens, consternés, hypocrites, devant son cadavre disloqué et qui disaient " Pour si peu, tout de même ! "

Lorsque cette dernière vision s'évanouit, aspiré dans le vide, avant de sombrer dans l'inconscience, de s'écraser brutalement au sol, il ne regretta plus d'avoir sauté...

L'enquête effectuée par les Autorités conclut à un acte désespéré et délibéré consécutif à une situation ressentie comme intolérable et traumatisante. À aucun moment dans les interrogatoires, durant l'audition des témoins l'on pensa que les personnes présentes au moment du drame auraient pu intervenir.

... D'un côté l'allongement de la durée de la vie humaine, paraissant évident en ce début de 21ème siècle... Mais est-ce bien là une réalité durable ?... Et le nombre croissant de « vieux » ...

Et d'un autre côté, la dureté dans le monde du travail, dans les rapports humains... Et forcément, des êtres de plus en plus épuisés, dans une vie dépourvue de sens et d'attrait...

... La retraite, la retraite oui... Un « serpent de mer » !

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jeudi, février 25 2010

Le coup de sang du petit écrivain du coin

     Ne vaut-il pas mieux être totalement inconnu, que mal connu ou méconnu ?

Là où tu es inconnu, tous les espoirs sont permis... Là où tu es mal connu ou méconnu, c'est l'idée que l'on se fait de toi, qui te “plombe” à jamais...

C'est sans doute la raison pour laquelle, Lucien Souperosse, un petit écrivain du coin, de Saint Julien les Mésanges en Pays de Connes, fait bien plus attention à son comportement là où personne ne le connait, loin de son pays lorsqu'il court les routes...

À Saint Julien les Mésanges cependant, ce n'est point écrit sur son front “ Lucien Souperosse”... Et lorsqu'il gare son vélo près de l'Intermarché, ôte ses pinces “serre-pantalon” et retire son sac de son dos avant d'entrer dans le magazin... Peu de gens le reconnaissent et personne ne se souvient qu'il y a huit ans il est “passé à la Télé” (régionale)... En fait, peu le reconnaissent mais beaucoup, à dire vrai, ont “plus ou moins entendu parler de lui”... C'est un “obscur”... “il fait rien comme les autres”...

Pourquoi, à Saint Julien les Mésanges, “prendrait-il des gants”, Lucien Souperosse, confronté à la brutalité et à l'agressivité des gens, en particulier lorsqu'il traverse un passage pour piétons afin de se rendre à la boulangerie du quartier des écoles, là où il demeure... et où on le “connaît sans le connaître”... et qu'un automobiliste apparemment pressé et indélicat lui refuse le passage?

Mal connu ou méconnu – et donc selon ses dires- “plombé pour plombé, autant rentrer dans le lard des gens”...

Alors, tentant de “forcer le passage” au risque de se faire “accrocher”, et l'automobiliste ne cédant point (quel imbécile, quel crétin, quel malotru !)... Lucien brandit le poing, un poing rageur, un poing serré et bien provoquant, bien ostentatoire...

La boulangère a vu... Mais bon... elle tient commerce !

Trois vieilles dames, un jeune monsieur avec son petit garçon, sur le trottoir d'en face, ont vu... Et alors?

Demain, si un autre automobiliste ne s'arrête pas, il aura le même comportement, le Lucien !

Mal connu ou méconnu, tu n'as rien à perdre... puisque tu n'as rien gagné... Alors que ce soit un automobiliste crétin et indélicat qui refuse un passage au piéton que tu es... Ou quelque clampin “de mes deux” qui te traite d'obscur et te rit au nez dans sa tête... Ou encore tous ces gens que tu rencontres, qui te “connaissent sans te connaître” et jamais ne te posent la moindre question sur ce qui occupe ta vie et ton temps... Pourquoi “prendrait-on des gants” avec ces gens là ?

Combien faudra-t-il “d'années-lumière” de littérature, de poésie et d'écriture – et de propos – “ne faisant point dans la dentelle”... Pour “botter au cul” - et pour tout dire - “assassiner” toute cette brutalité, toute cette indifférence, toute cette vulgarité, toute cette médiocrité ambiantes ?... Qui sont plus pénibles à supporter là où l'on vit, que là où l'on ne vit pas !

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jeudi, novembre 26 2009

Paris Colmar

Ah, Paris Colmar, Paris Colmar!...

Tout le monde a entendu parler de cette marche de cinq-cents kilomètres de Paris à Colmar, presque légendaire et à laquelle participent tous les ans des marcheurs chevronnés et déterminés...

... Et le Yugcib, lui, voilà-t-il pas qu'il nous pond une histoire (à sa façon) d'un Paris Colmar... En train!

Une “drôle de marche”, oui... À priori...

Par ce froid et maussade matin de février, il prend le train à la gare de l'Est pour Colmar.

Il s'était déjà “tapé” un Paris Brest, un Paris Moulins, un Paris Bordeaux... À la suite d'un échange de missives entre lui et une jeune femme...

Elle s'appelle Ange Marie. Sur la photo, elle fait assez chic, joli visage, bien habillée...

Il bosse de nuit. Il est un peu crevé... et pas dans le plus bleu vif de son âme... Le train part à 6h 13. Un express qui s'arrête dans toutes les villes de la ligne... Une chaleur à crever dans le compartiment. Et dehors, les arbres nus aux branches couvertes de givre, un paysage couleur de caca et tout plat...

Que va-t-il lui raconter ? À Brest, À Moulins, À Bordeaux... Fiasco/fiasco...

À Brest, l'arsenal, les Aristochats au ciné, une ballade en bagnole, les parents hyper sympa (ce qui l'avait beaucoup surpris vu son allure d'apache)... Mais la fille n'en avait à la bouche que pour son frère engagé dans l'armée, que pour ses études à terminer, selon ses dires...

Il eût peut-être suffi d'un effleurement de doigts sur la manche de ce joli petit manteau rouge entr'ouvert sur une robe tout aussi jolie...

Et la vieille Minette dans le logis des parents! Qui ne cessait de détaler de son coussin à chacune de ses approches!

À Moulins elle s'appelait Madeleine et elle lui avait réservé une chambre à l'Hôtel du Parc.

Cela avait “mouru en eau de boudin” en évocation de souvenirs d'enfance difficiles.

“Je vous aiderai, je vous aiderai”... qu'elle avait dit... Retour dans un autorail rapide par une journée de mars battue de neige et de grésil...

À Bordeaux, c'était une jeune, encore jeune divorcée dont le petit garçon était très polisson ... Il “faisait pas le poids” ce mec en vélo qui n'avait qu'un sac à dos et des carnets dans les poches de son pantalon... Il y avait juste eu quelques frottements assez émouvants dont il était ressorti le slip mouillé...

... Deux heures de l'après midi. Gare de Colmar. Et quel froid! Quelle grisaille!

Elle est là... Il la reconnaît tout de suite. Un grand manteau mais de bonne coupe. Le cou tout emmitouflé dans une longue écharpe de laine joliment nouée et tombant sur un côté du manteau.

Le visage... Ah, le visage! Un peu “chevalin”... mais bon... quelque chose de chic et de discret, presque émouvant...

Le “vous” disparaît au bout de quelques phrases... ça a l'air “bien parti”...

Sa deux chevaux est garée sur la parking de la gare. Comme prévu, ils se rendent à l'auberge de jeunesse où il “crèchera” - en principe – trois nuits...

Visite de l'auberge de jeunesse, puis tour du centre ville. Les boutiques (confiserie, antiquités, prêt à porter féminin...)

Elle habite dans un tout petit studio (une chambre quelque peu séparée d'un coin cuisine) situé au sixième étage d'un immeuble de la place de la cathédrale... Les deux fenêtres sont mansardées.

Avant le tour de ville, elle le fait monter, l'invite à entrer, lui propose de prendre un café... Et elle se change. La température s'est subitement adoucie, le ciel s'est dégagé. Elle apparaît vêtue d'une robe bordeaux, en laine, de très bonne coupe, ses jambes gainées de bas foncés. Elle n'a plus se dit-il, ce visage chevalin comme tout à l'heure à la gare... Elle est même émouvante.

Ils “font les boutiques” autour de la place de la cathédrale. Elle a l'air assez chic tout de même. Il se sent presque bien à ses côtés...

La nuit vient... Ils gravissent, lui derrière elle, les escaliers du vieil immeuble. Ils vont passer la soirée ensemble et elle le raccompagnera à l'auberge de jeunesse.

Elle avance deux chaises en face d'une petite table puis passe au mini four deux quiches... Elle sort d'un petit meuble bas, une bouteille de vin... Du Pinot Gris...

La bouteille à peine entamée, les deux quiches avalées, le papier gras encore sur la table avec les miettes éparses , elle se rend quelques instants dans sa chambre d'où elle revient soutenant un énorme album de photos...

Elle ouvre l'album...

Un moment de “flottement”... Une étrange sensation de bien être mais en même temps, une hésitation comme à tendre son visage juste au dessus d'une fleur dont on a perçu l'essence délicate mais qui, parce que cette fleur est une fleur chez la fleuriste, et que c'est veille de fête des mères avec plein de monde dans la boutique, l'on n'ose sentir à la vue des gens...

Elle est bien coiffée, la nuque dégagée, la peau blanche piquée de légères taches...

Il lui vient comme un courant électrique dans les doigts de sa main gauche qui se sont approchés de sa main à elle, posée sur le bord de la table...

L'album... Oh, l'album!

Rien que des photos d'elle avec des bonnes soeurs...

La plus belle... La plus éclatante... À Rome sur la place Saint-Pierre... Elle “pose” aux côtés du Pape...

Rien que des photos de bonnes soeurs, des pages et des pages de photos où on la voit en compagnie de bonnes soeurs...

Voyages de lieux saints, visites de cathédrales, processions, pélerinages... Des cars de curés, ou de filles en uniformes bleus...

Elle lui raconte son enfance...

Enfant de l'assistance publique, puis recueillie par les Soeurs... Éducation et pensionnat dans un établissement catholique...

“Ah”... “Oh”... “C'est toi, là?”... Il ne sait plus quoi dire... Il est comme “gelé”...

Il n'y a pas, il n'y aura pas d'effleurement de doigts...

Vers onze heures le soir sous la nuit étoilée et froide, elle le raccompagne à l'auberge de jeunesse. Ils se donnent rendez-vous pour le lendemain dimanche à midi... Elle viendra le prendre à l'auberge de jeunesse...

Dans la nuit, sur le lit de l'AJ, dans son “sac à viande”, il lui vient des insomnies... et un trouble... ça lui fait au plus profond de lui comme un galop de chevaux fous traversant un orchestre aussi long qu'un paysage, et le visage et la silhouette d'Ange Marie jetés sur lui, doucement jetés... Il a un râle, un long râle...

Ah, putain, quelle Amérique sur le “sac à viande”!

Il n' y avait plus de bonnes soeurs, plus de pape, plus de cars de curés et de filles en uniforme bleu...

Dimanche midi. Elle est pile à l'heure au rendez-vous. Elle a la même robe qu'hier...

Elle dit “ nous allons à la cafétéria du Mammouth, on a rendez-vous avec un jeune couple d'amis à moi. Ils viennent tout juste de se marier en janvier, tu verras, ils sont très gentils”...

Très chic en effet le jeune couple...

Ils ont beaucoup aimé les histoires qu'il leur a raconté... Des histoires de son invention. Rires, regards, émotion... Mais par moments tout de même, un peu de gravité...

Un peu traditionalistes et de style “vieille France” du genre “qui va à la messe aux Grands Jours”, les amis d'Ange Marie... Mais sympas.

De toute manière, il n'a jamais été, lui, du genre à “rentrer dans le lard” des gens qui ne sont pas de son monde, à partir du moment où il y a un fond de gentillesse dans l'air.

Un peu “gavatcho”, un peu anarchiste, sac à dos vélo auberges de jeunesse et auto-stop, fringué comme un as de pique, hirsute de barbe et de cheveux, oui certes... mais il a de la ressource et de l'imagination... enfin pas toujours...

Il n'y a qu'avec les acides, les perfides, les constipés de première ou les arrogants, les imbus de certitudes et les condescendants... qu'il se frite! Ceux là en général, quoi qu'il fasse, qu'il dise ou ne dise pas, qu'il écrive... Il sait qu'avec eux c'est foutu/foutu... Alors, là, oui, on peut “voler dans les plumes”!

Après le repas à la cafétéria du Mammouth, ils se rendent au col de la Schlucht. À deux voitures. La deux chevaux d'Ange Marie (poussive sur la route enneigée du col) devant, et la R8 du jeune couple ami, derrière... Une magnifique après midi grand soleil grand bleu de février ...

Mais en haut, pas de luge ni de ski... Juste un café dans un bar, puis longé les barrières et retour à Colmar...

Ah, le retour... Le retour!

Les amis les avaient quittés à la Schlucht car ils descendaient vers Gérardmer...

L'un à côté de l'autre dans la deux chevaux, Ange Marie au volant, pas un mot ne fut prononcé...

Trente kilomètres rien qu'avec le bruit du moteur de la deux chevaux...

Pas un mot, pas un regard l'un vers l'autre...

Il est sans ressource...

Ça lui porte sur l'estomac...

Il étouffe, il n'en peut plus... Il est obligé de lui demander de s'arrêter, juste avant d'entrer dans Colmar...

Ouvrant la portière de la deux chevaux, il s'arcboute, se tient le ventre et se met à vomir tout ce qu'il peut...

Sans un mot, elle s'arrête devant l'auberge de jeunesse...

Il descend, elle redémarre aussitôt...

Le lendemain matin, le “père aub” au moment de son départ, lui remet une petite enveloppe...

Dans l'enveloppe ce mot d'elle : “Ce n'est pas la peine de nous revoir”...

Retour le lundi matin, départ 10h 24 pour Paris Est...

Même temps gris et froid qu'à l'aller... Paysage couleur de caca et arbres dénudés aux branches couvertes de givre...

Retour sans magie... ou presque...

La bosse dans le pantalon... En face d'une jeune femme chic dans le compartiment, jambes ravissantes croisées et un panier à minou à ses côtés... Et un vieux type en gabardine crasseuse, pas rasé, la main enfoncée dans une poche de la gabardine, comme s'il tenait un revolver, à l'autre bout du compartiment côté couloir...

Cela n'avait tenu qu'à un demi centimètre de bout de doigt, ce demi centimètre qui, franchi, lui aurait fait se jeter doucement sur elle... Mais c'était un geste, un tout petit geste, ce doigt posé sur sa main, puis sur sa nuque, qu'il avait senti grave à accomplir... Elle eût pu devenir sa femme... Sans doute le serait-elle devenu... Il y avait en elle un fond de vraie gentillesse...

Il aurait été à l'église, oui...

Mais putain, toutes ces photos de bonnes soeurs, ces curés... !

Un jour, une lettre de 14 pages écrite à une autre “jeune femme chic” aurait raison d'un “hier passé à tirer la langue”... Et là, pas de curé, pas de religion, et le “demi centimètre” serait franchi sans la moindre hésitation mais avec une certaine gravité...

... Imaginons une issue différente à la fin de cette histoire...

Il ouvre l'enveloppe. Ce petit mot d'elle “ce n'est pas la peine de nous revoir”. Son train pour Paris Est part à 10h 24. Il décide de le rater, ce train...

Il se rend place de la cathédrale. Il est neuf heures du matin. Il tocque à la porte de son petit studio au sixième étage du vieil immeuble.

Elle ouvre. Ils se regardent... Elle est habillée, coiffée... Elle lui dit d'entrer. Sans un mot il se jette sur elle...

Les mots viendront après...

Elle lui dit : “pour l'église, t'en fais pas, j'ai pas de famille, ça sera comme tu voudras. J'aurai pour témoins les amis dont tu as fait hier la connaissance. Ils t'adorent...”

Et il lui dit “ j'aurai pour témoin mon ami, celui dont je t'ai parlé et qui a crapahuté dans toute l'Europe en auto stop et qui a vendu son sang en Grèce pour acheter à manger, et qui s'est marié en décembre dernier. Il viendra avec sa femme”...

... Cinq ans plus tard, il se tue bêtement lors d'une chute en vélo en descendant “à fond la caisse” le col de la Schlucht.

... Il a mieux valu que “ça se passe comme ça a eu lieu”, l'histoire...

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vendredi, mai 15 2009

Bibic

Il s'appelle Bibic

Enfin – nuance – “ON” l'appelle Bibic...

... Ou plus précisément Bébert le Bègue l'appelle Bibic

Et Bébert le Bègue en dépit qu'il bègue et qu'il a une tête de clou...

“EST” du monde des Pas-Plouks...

Alors tous les Pas- Plouks appellent Bibic, “Bibic”...

Bibic a une grosse queue dont il ne se sert jamais...

Sauf dans ses rêves.

Et il rêve HARD, Bibic!

“Eh Bibic, qu'est-ce que tu mijotes dans ta marmite aujourd'hui”?

C'est toujours la même musique

Des Pas-Plouks autour de Bibic...

Bibic a onze ans

Il a une jolie maman

Très bien habillée

Mais la maman de Bibic est enfermée avec plein de gens au 7 ème sous sol de l'immeuble

Bibic a vu par un trou de serrure ce qui se passait dans les sous sols de l'immeuble

C'était comme par un oeil qui traversait les plafonds de béton

Les gens étaient tous couchés par terre à même le sol avec les mains attachées ensemble

Et les pieds aussi...

La maman de Bibic était la seule à être assise et pas les mains ni les pieds attachés...

Les gens étaient sales

Il y avait de la poussière et on entendait des cris

Mais pas de poussière ni de traces sales sur la robe de la maman de Bibic

Il y avait des gardiens en uniforme à tous les sous sols

Avec de grands bâtons blancs et un étui à la ceinture...

Les gardiens sans arrêt allaient d'un bout à l'autre du sous sol

Comme des nageurs cent fois la longueur de la piscine avec un casque sur la tête...

A côté d'elle, la maman de Bibic avait un grand sac qui paraissait très lourd

Bibic entra dans l'immeuble par la grande porte ouverte

Bibic descendit dans les sous sols par l'escalier tournant

A chaque sous sol aucun gardien ne demanda à Bibic une pièce d'identité

Bibic arriva au 7 ème sous sol

Tous les gens avaient des têtes de Plouks

Et même des zeuils noirs...

Noirs, noirs noirs!

Et au 7 ème sous sol encore plus

Bibic s'approcha de sa maman et prit le grand sac très lourd

C'était tout plein de papier journal froissé dans le grand sac

Bibic écarta entre les doigts de sa main gauche du papier au dessus

Il y avait des liasses de billets

Rien que des billets de cent euros

Personne ne savait qu'il y avait tous ces billets dans le grand sac

Pas même les gardiens

Bibic et sa jolie maman très bien habillée remontèrent du 7 ème sous sol par l'escalier tournant

Et sortirent par la grande porte ouverte de l'immeuble

Dans la rue il pleuvait

Et des gens tiraient des coups de pistolet

Une vache barrait la rue

La vache avait des yeux comme les yeux d'un enfant triste

Bibic se retourna

Sa maman avait disparu

Il ne restait plus que le grand sac plein de billets entourés de papier journal

Plus de gens non plus

Et tout un désert de portes ouvertes

Un désert très long et très étroit

Et Bibic s' appelait encore Bibic...

C'était d'ailleurs écrit au dessus de la porte d'un bâtiment qui ressemblait à un musée

“Pas-Ploukthèque”

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