Il marchait sur une plage, au bord de l'océan... En un pays inconnu et rien, le long du rivage, ne lui permettait d'identifier le lieu en lequel il se trouvait. C'était un rivage rocheux et non loin de la plage étroite au sable terreux, sale et jonché de détritus, au dessus d'un assez vaste terre-plein s'étendait une terrasse rocheuse, presque plate, sur laquelle était garée sa vieille voiture toute cabossée et tachée de rouille.

Trois énergumènes à la mine patibulaire s'invectivaient, se poursuivaient, se lançaient des cailloux, tout autour de lui sur la plage. Puis les trois types montèrent sur le terre plein, avisèrent la vieille voiture, firent un cercle autour d'elle ; l'un des types parvint à ouvrir une portière, mit le moteur en marche, les deux autres s'engouffrèrent un moment dans la voiture, ressortirent, reformèrent le cercle, et celui qui l'avait mise en marche la fit tourner sur elle même comme une toupie, très violemment, en faisant " miauler " atrocement le moteur, fumer le capot, les roues, imposant à l'embrayage une souffrance insoutenable.

Il arrive en courant, armé d'un long bâton noueux et fourchu, récupéré sur le sable, se précipite sur les types qui s'éloignent un peu de la voiture, porte des coups violents par la portière vitre baissée, à la tête de celui qui se trouvait au volant. Le type sort brusquement de la voiture, rejoint les autres.

Ce qui l'enrageait le plus, c'était que cette vieille voiture lui rendait encore service et qu'il en avait besoin. Il monte dans la voiture, referme brusquement la porte car ils étaient encore là, tout près, les salauds, faisant cercle autour de lui, le narguant, le menaçant... Alors, fou de rage, ivre d'une violence inouie, il tourne la clef de contact, appuie sur la pédale d'accélération et dans un miaulement, un hurlement de moteur et de ferraille, il " fonce dans le tas ". Il en percute deux, qui volent à trois mètres au dessus du sol avant de retomber disloqués et bouscule l' autre qui tombe et passe sous les roues, puis il s'éloigne, les laissant blessés, en sang. Il vit dans le rétroviseur, que l'un d'entre eux avait la tête éclatée.

La nuit tomba rapidement, il roula sans éclairage, emprunta plusieurs petites routes désertes, changeant de direction aussi souvent que possible, ne sachant plus désormais où aller dans ce pays inconnu... Un chemin étroit et tortueux dans un paysage d'arbustes et de buissons épineux enchevêtrés le conduisit vers une forêt inextricable et très dense dans laquelle il entra, suivant une piste défoncée. Tout à coup devant lui, en haut d'une côte courte et raide, s'ouvrit une fenêtre de ciel, entre les feuillages épais des arbres... Il accéléra, comme pour « avaler » cette côte, mais c'est un abîme dans lequel la voiture plongea et lui dedans, un abîme vertical, un mur de roches, de terre et de racines... et tout en bas, très loin en bas, une nappe floconneuse de brumes grises... ou de cendres, ou de vapeurs bleutées... Une étrange nappe de ciel brouillé, toute éclaboussée de fluorescences vertes...