Une grosse lune rousse, dans un voile de sang, se lève au dessus des carcasses calcinées d’autobus dont on devine à peine les formes déchiquetées, alignées sur l’autoroute à arches de métal.

Le cadavre tout gonflé d’un homme… ou d’une femme, flotte à la surface d’un étang situé près d’un village. Une forêt, entre le village et l’autoroute, s’étend, bruissante de feuillage d’un côté, craquante de branches mortes de l’autre côté…

Les petits vieux les plus valides de la maison de retraite du village partent chaque jour en excursion jusque sous les arches de l’autoroute et regardent pisser les bus, n’osant allumer leur pipe ou leur cigarette. Les bus pissent dru parce que les réservoirs d’essence sont vrillés et que les cadavres sur les sièges suent de pus noirâtre.

Oscar, le lunatique à face de renard, en déboutonnant sa braguette, s’époumone en direction d’Ursuline :

« eh, Pipine, quand tu auras fini de te tripoter la figue, tu m’expliqueras pourquoi y’a plus de tourterelles autour de la maison de retraite ! »

« C’est les Bonnes Sœurs qui les ont piégées pour leur bouffer le foie ! »

« Saloperie, va ! On les entendra plus roucouler à l’heure de la sieste. Mais j’aurai bien aimé sucer les carcasses de ces bestioles ! Tu viens avec moi dans la forêt, Pipine ? »

« De quel côté ? Celui tout vert, ou celui tout sec ? »

« N’importe ! J’ai une vie intérieure aussi riche dans le vert que dans le rachitique ! »

Au moment précis où la vieille Ursuline ôte son slip et le jete sur la tête du cadavre dans l’étang, rotant un bec de tourterelle et pétant trois noyaux d’olive, un grand astronef flamboyant, au ventre d’araignée vert et or et aux pattes d’éléphant, emplit tout le milieu du ciel.

Une aspiration gigantesque se produit, un tourbillon se forme, et dans le cône du typhon, tout disparait, tout fond, tout se liquéfie.

Il ne reste bientôt plus que la boursouflure d’une peau de pomme, comme sur un bout de drap froissé, là où flotte le cadavre sur l’étang.

Après le tourbillon, l’astronef éclate et des visages s’éparpillent à l’infini.