Il y aurait à mon sens, je crois bien... Quelque “intelligence” si je puis dire, à ne point manifester avec autant de franchise, de sincérité, de provocation, de certitude en soi, de spontanéité, de violence, d'ostentation ou d'intime conviction, ou même encore de “vérité abrupte”... Par le langage ou par l'écriture, tout ce que l'on ressent, tout ce que l'on argumente dans quelque sujet que ce soit, dans quelque discussion qui soit entre interlocuteurs forcément (et heureusement) de sensibilités émotionnelles et culturelles différentes...

La plus grande franchise ou la plus grande sincérité même, aussi paradoxal que cela puisse paraître, ont leur revers : cette hypocrisie latente lovée comme un petit serpent enroulé au fond d'un creux sous l'écorce de l'arbre... Que peu de gens parviennent à déceler. Et l'arbre bien sûr, ne sait pas le serpent dans le creux, ou s'il le sait, il en occulte l'existence...

Il y a, dans l'ambiguité avec laquelle on peut s'exprimer, dans le fait de ne pas nommément désigner des personnes autrement que par ce mot “certains” ou “d'aucuns”... Dans des contournements plus ou moins heureux ou appropriés, dans certaines métaphores, dans le ton même de ce qui est exprimé... Quelque “intelligence” en effet, qui me paraît nécessaire dans la mesure où le dialogue pourrait s'ouvrir (et non se fermer), où les personnes participant à la discussion pourraient s'interroger, réfléchir et peut-être découvrir ce passage en elles-mêmes, jusqu'alors inconnu ou évité...

Il n'y a rien de pire dans une relation, dans une discussion, que de se sentir blessé, humilié, dévalorisé ou décrédibilisé par quelque certitude, quelque jugement ou quelque accusation directe, fussent-ils les mieux fondés du monde en l'occurrence, et martelés à discrétion au vu et au su de tout le monde!

Ce que l'on appelle le “charisme” (le fait d'être lu et écouté voire vénéré et bien sûr cru) ne sera jamais LA référence, LE “passage obligé” pour une éventuelle (et fragile en vérité) notoriété...

Il reste encore, cependant, cette habileté hors du commun à “exprimer les choses”... Mais dont l'effet est identique, au final, qu'à les exprimer, ces choses, avec la plus grande franchise, la plus grande sincérité et avec les arguments les plus convaincants...

Tout l'art, dans la littérature en particulier... Et dans toute forme d'expression d'ailleurs, consiste à dépasser cette “habileté hors du commun à exprimer les choses”, et à considérer qu'il existe un revers à la sincérité et à la franchise ; une perfidie et une imposture à ériger des certitudes, des faits patents, des idées et du savoir, comme des évidences auxquelles les gens devraient souscrire...