De longues années de ma vie durant, j'ai peut-être confondu témoignage avec ostentation à exprimer... Ce qui de toute évidence n'est pas la même chose.

J'étais intimement persuadé du cap que je tenais, certain que je l'étais de sa direction, de sa nature et donc de sa destination... A tel point qu'il me fallait un porte voix pour clamer à l'océan tout entier que mon cap était le bon, et sans doute le meilleur...

Il n'y a pas si longtemps cependant, je me suis peu à peu interrogé au sujet de quelques unes de ces certitudes qui gonflaient démesurément mes voiles, et qui en définitive m'immobilisaient dans l'immensité de l'océan.

... Alors j'en viens à ce qui est pour moi, non plus une ou des certitudes, mais le sens de ma vie : témoigner de ce que j'ai vu et rencontré, avec autant d'exactitude que possible... De la même manière que tout capitaine de navire recherchant un passage entre terre et mer là où aucun passage ne semble s'ouvrir, témoigne de cette recherche par la rédaction qu'il fait jour après jour sur le journal de bord du navire. Et comment ce capitaine de navire pourrait-il écrire autrement qu'en confiant l'émotion qui lui vient à la vue de chaque mouvement de la houle? Qu'en décrivant les mouvements de cette houle? Et ce qu'évoquent les formes et les couleurs des vagues? Sans dire aussi ce qu'indiquent la boussole et le sextant alors même que d'étranges champs magnétiques peuvent imposer des corrections? Qu'il faut traverser des pot-au-noir ou des convergences?

L'on peut, oui, et même plus souvent qu'il n'est nécessaire, au risque de perdre tout crédit par intempérance du coeur et de l'esprit, ou par quelque “pirouette” sans élégance ni drôlerie... Confier ses “coups de gueule” au journal de bord... Mais ne faut-il pas reconnaître que ce ne sont là, que des “coups de gueule”?

Je cherche le passage, je témoigne de la recherche du passage, afin d'être en mesure de dire un jour que le passage existe... Mais qu'il sera tel qu'il se présentera entre tous les autres passages jusqu'alors trouvés...