Un pigeon voyageur est un pigeon porteur d'un message bagué autour de l'une de ses pattes...

Et ce n'est pas la même chose, un pigeon voyageur ; qu'une bouteille à la mer par exemple. Ou que la lettre que l'on écrit mais que l'on n'envoie pas...

La bouteille à la mer n'a pas de destinataire en particulier.

La lettre que l'on n'envoie pas n'a d'autre interlocuteur que l'être qui vit en soi et qui un jour disparaîtra sans que personne ne sache ces « choses de lui »...

Si tu prends un pigeon voyageur c'est que tu sais qu'il y a une volière au bout du voyage : c'est la volière du destinataire.

Le pigeon voyageur a été dressé ou conditionné pour qu'il puisse refaire le même trajet en sens inverse, avec un autre message bagué autour de la patte : la réponse du destinataire...

Lorsque le pigeon ne revient pas, c'est qu'il est demeuré dans la volière du destinataire ; qu'il a été utilisé pour un autre voyage ; qu'il a été mangé ou pourquoi pas, empoisonné ; ou qu'il s'est cogné la tête dans son trajet de retour sur un poteau en plein brouillard...

... Il arrive parfois que le messager, sans cependant confondre « pigeon voyageur » et « bouteille à la mer » (la confusion est difficile en vérité) ; ne fasse que peu de différence : il y a là une ambiguité.

... En littérature comme en art, c'est la dimension de l'ambiguité, qui fait que l'on peut tout dire, tout écrire, tout représenter. Dans une dimension en laquelle entre « tout un chacun » selon des mouvements habituels de balancier, il n'y a plus vraiment d'ambiguité, et donc, plus d'art, plus de littérature, plus de libération : il n'y a là que du « droit commun », de la dénonciation, de la caricature... Et toutes formes de procès, de jugements, de verdicts, de prisons, d'exils...

L'ambiguité en art ou en littérature n'a une dimension « intéressante » que si elle soulève l'interrogation. Comme si elle soulevait par exemple, un « faisceau » de routes enterrées : les routes existaient mais qui les avait déjà tracées, où vont elles, chacune d'entre elles?

Je reconnais cependant que l'ambiguité en art ou en littérature ne clarifie pas, n'épure pas le propos... Et qu'elle le rend souvent inintelligible.

Les choses les plus simples et les plus évidentes du monde, et en particulier toutes ces « petites choses de la vie » qui sont du domaine relationnel ; ne peuvent à mon sens être dites ou écrites ou représentées, en art ou en littérature, que sous une forme à percevoir ou à pressentir plutôt que sous la forme d'une photographie instantanée sans « prise de vue »...