J'ai dit qu'un site ou un blog pris dans son ensemble et à lui seul, ne peut constituer une oeuvre littéraire ou artistique... S'il n'y a pas de son auteur, des livres ou des oeuvres de lui, présentes ailleurs que sur la Toile...

Il y a cependant à mon sens, dans le « phénomène blog » en expansion vertigineuse et foisonnante ; une dimension si je puis dire, sans commune mesure avec la dimension classique et traditionnelle qui est celle de l'univers littéraire ou artistique tel qu'il existe avant la venue du Net, des forums et des blogs... Une dimension vraiment différente et incomparable.

L'auteur d'un site ou d'un blog qui ne publie ou ne présente pas d'oeuvres autrement que sur la Toile, entre forcément dans un univers de diffusion et de communication en général assez limité, et dont la principale caractéristique est la virtualité. Un univers certes accessible à tous, parce qu'il n'exige que peu de moyens matériels, logistiques, financiers ou autres ; mais qui demande tout de même beaucoup d'investissement personnel en créativité, travail de fond et de forme, patience et imagination... Et si possible, du talent.

Il y a et il y aura toujours dans la dimension classique et traditionnelle de l'oeuvre littéraire ou artistique, la même reconnaissance (parfois amplement médiatisée) de leurs auteurs par le public et dans les milieux intellectuels.

L'on ne peut pas dire qu'il en soit de même avec le « phénomène blog ». A dire vrai, ce n'est absolument pas comparable. Mais sans doute complémentaire dans la mesure où l'auteur d'un blog publie aussi des oeuvres ailleurs que sur la Toile.

Ce qui est surprenant et nouveau avec le « phénomène blog », c'est le paradoxe qu'il y a entre la démesure du « moi », de l'expression personnelle et de l'intime où tout se dit, s'écrit, se confie, s'expose ; et la démesure d'un espace collectif où l'on se rencontre, où tout se crée, s'imagine, se conçoit et se communique...

Il y a dans cette démesure du « moi », de l'expression personnelle et de l'intime, quelque chose qui dérange, qui peut devenir indécent même...

Mais il y a dans la démesure de l'espace collectif, comme une porte d'un nombre indéfini de battants qui s'ouvre d'un seul coup sur une immense salle dont on ne discerne pas les murs qui en seraient les limites, et où se forment des groupes de gens... Mais la « salle » est virtuelle, et les gens sont virtuels aussi. Et il y a, il y aura toujours, la « salle du monde », contiguë et tout aussi vaste, bien réelle celle là...

Et si dans cette nouvelle et surprenante, parfois déconcertante dimension du « phénomène blog »... Et par elle, s'ouvrait une « seconde porte » entre deux salles où tout se ressemble en fait, mais où rien n'est comparable?

Passerait-on de l'une à l'autre ou de l'autre à l'une avec la conscience d'être autant dans l'une que dans l'autre ?

N'oublions pas que dans la « salle du monde » l'on y entre avec non seulement les « bagages » que l'on porte en soi, mais aussi avec de « vraies valises »...

Il y a dans le « phénomène blog » de l'imagination, de la diversité ( cuisine, jardin, broderie, couture, mode, peinture sur tissu... des choses tout à fait étonnantes et particulières), de la créativité, de l'intelligence...

Et il faut à mon sens cesser de s'étendre, d'insister de manière répétitive sur la médiocrité envahissante du « phénomène blog » (qui existe certes mais on le sait, point final).

L'un des premiers devoirs de tout être humain se réclamant de « valeurs fondamentales » humanistes, intellectuelles et d'amour ; c'est celui de ne jamais rejeter ou condamner ou juger un autre être humain parce qu'il « n'est pas du niveau auquel on aspire » ou « de ce monde en lequel on a été soi même éduqué »... Agir ainsi et fonder sa vie sur ce « principe » là, c'est comme si l'on reprochait à un rat d'être un rat!

Il n'y a, je crois, qu'une seule voie possible : la communication avec les « moyens du bord ». Et dans cette communication, le questionnement est peut-être l'un de ces « moyens du bord »...

Le questionnement ne se fait pas uniquement par les mots : les êtres humains parlent et écrivent des milliers de langues. Il est possible de questionner avec son regard, avec son visage...