LA SOURIS AU FOND DU SEAU

Ecrire, ou l'action, ou le mouvement qui consiste, tout comme le ferait une souris tournant au fond d'un seau très haut, aux parois très lisses ; c'est déambuler frénétiquement et rapidement, tournoyer comme un insecte ivre d'un mouvement tournant que cet insecte « invente »... Les toutes petites griffes des pattes de la souris glissent sur le métal du seau, la souris tourne, tourne sans cesse, son museau en avant, sa queue la suivant... Il semble à l'observateur (peut être un peu ironique et condescendant... et peu solidaire de la souris) que la souris ne s'épuise pas, En fait, la souris poursuit sa course circulaire sous le regard de l'observateur, d'un air de dire "je vais crever, mais j'en ferai autant de fois que je pourrai, le tour du fond de ce putain de seau". Crever pour crever, autant crever comme si on devait jamais crever"...
... Mais de forts nombreux écrivains, romanciers, auteurs... et gens d'écriture... d'intellectuels "de formation" ( et même parfois "de quelque coeur et esprit") ... Sont dans la position (confortable et peut-être un peu "privilégiée") de l'observateur au dessus du seau : l'observateur a un carnet, il prend des notes, il rédige ; c'est lui l'écrivain, pas la souris...
(aux yeux des « observateurs des observateurs »)...

... Quelles sont les « chances » de la souris, au fond du seau très haut aux parois très lisses?

... Et si la souris « mutait »? Si elle perçait le seau qui deviendrait ainsi inutilisable, si elle sautait sur le poignet de l'observateur, bouffait la chemise de l'observateur?

« Faut pas rêver » disent les observateurs et les observateurs des observateurs...

... Mais si! Mais si! Rêvons! Rêvons à rayer le fond du seau, rêvons à user d'une trace creusante la paroi du seau, rêvons de cette déchirure qui crèvera le seau...