Comment meurt-on sur le Web ?

Au pays du plancher des vaches… Et des moins vaches, des fidèles toutous et minous et des jolies agnelles en robe chic ; circulent dans les feuilles de chou régionales ou nationales, notices nécrologiques et autres avis de disparition, que des cartes de visite à noir liseré confirment via Sidi el Factor.

Au jour fixé pour la mise en terre ou la réduction en cendres d’un destin foudroyé ; à la queue leu leu, messieux dames demoiselles et demoiseaux en funèbre défilé suivent le corbillard ou taillent le bout de gras sur le parvis de l’église…

« Ah ! Il était ceci… Il était cela ! »

Il n’est plus : voilà la vérité !

Et l’on le sait, qu’il n’est plus !

Ou bien on l’apprendra.

Alors c’est une affaire entendue… Et parfois, osons le dire, attendue !

Il ne dira plus rien, on le lira peut-être s’il a écrit…

Il est parti… Parti, parti !

Mais sur le Web ? Et le site, et le blog, et les forums où il s’exprimait ? Et son e-mail ?

Silence radio ! Plus d’info du jour, plus rien…

Un pseudo par ci, par là… qui peu à peu entre dans les fosses communes des forums de discussion. Une trappe s’ouvre : contributions, droit de réponse, mots et épluchures de mots dissous dans la vase du néant ont vécu, vécu, vécu…

Le temps de tous ces mots n’est plus, et de ces parfois cris ou rires…

Site, blog, boîte e-mail, encore suspendus sur l’un des innombrables fils de la Toile, ne sont plus désormais que chrysalides vides et transparentes comme une brume parce que le contenu de la chrysalide s’est dilué… Dilué dans une consistance illusoire, une consistance épuisée…

L’on ne dit pas cependant « il était ceci…il était cela »… Puisqu’on ne sait s’il est ou n’est plus.

On scrute la chrysalide : elle n’émet plus d’ondes.

Les ondes pulsaient, il est vrai, comme le cœur d’un orchestre de fête d’été qui passait sa vie à battre la même mesure !

C’était donc cela, la consistance illusoire.

L’on devrait peut-être, sur le Web… Ouvrir une nef pour y inscrire les disparus en des alvéoles reliées aux registres d’Etat Civil…

Ainsi l’on saurait… De ces chrysalides qui n’émettent plus rien.

Google.fr : recherche : « la nef des disparus »… Tu tapes le pseudo, ou le nom, ou l’URL. Réponse : « Inconnu à la nef » ou « Entré dans la nef le… »

Marrons nous ! Aimons nous ! Emouvons nous ! Répondons nous ! Emerveillons nous ! Filons nous des tuyaux !... Les uns les autres. Tant qu’il est temps encore ! Car dans la nef, ça sera trop tard…