Moko, le singe de la brousse, ne comprenait pas que la plupart de ses congénères puissent passer leur vie entière juchés sur les branches des arbres. Et il en était un, de ces arbres, plus chargé encore de petits singes que tous les autres arbres…

Etait - ce cet « Arbre Roi » aux vertus plus supposées que réelles, dont on disait qu’il avait les faveurs du Ciel et les branches plus solides? Sans doute pas, puisque les petits singes semblaient tous figés dans une immobilité permanente, tristounets et silencieux…

Dans l’Arbre Roi ils se grattaient, s’observaient, se retournaient, se masturbaient ou se sentaient entre eux leurs humeurs…

Dans l’Arbre Roi il n’y avait pas plus de fruits, pas plus de feuilles que dans les autres arbres…

Un jour Moko se mit à secouer l’Arbre Roi, espérant faire tomber les petits singes tristounets et immobiles…

Et les petits singes s’agrippèrent aux branches qu’ils serrèrent fermement dans leurs mains. Ils refusèrent de tomber. Certains d’entre eux crièrent, d’autres pissèrent sur Moko… D’autres encore se sentant fort bien juchés ne bougeaient pas et ressemblaient à de petits ours en peluche, le derrière collé à la branche qui balançait…

Moko revint un autre jour secouer l’Arbre Roi… Il secoua plus fort et plus longtemps. Aucun petit singe ne tomba…

Alors Moko décida de passer ses journées entières et même des nuits, à secouer l’Arbre Roi ainsi que les autres arbres… Il n’arrêtait de secouer que pour dormir et manger…

Moko secoua des jours, des nuits, des semaines, des mois… Et aucun petit singe ne tombait…

Moko secouait à la longue, comme s’il jouait de la musique, inventait un rythme…

Un jour un petit singe tomba, puis d’autres encore. Ils tombèrent tous à l’exception des « petits ours en peluche » et des « pisseurs enragés » dont l’urine brûlait la peau de Moko.

Les petits singes tombés furent tous très surpris parce qu’ils n’avaient ni mal au dos ni au derrière… Ils virent la grande brousse qui s’étendait à perte de vue, se dispersèrent seuls ou en groupes, ils n’étaient plus aussi tristes qu’avant, juchés sur les branches de l’Arbre Roi.