De très nombreux auteurs de blogues et de sites publient des photographies qui, à mon avis, sont bien plus à leur place dans un album que l’on regarde en famille ou entre amis ; plutôt qu’ainsi exposées à la vue de tous sur la Toile. Est-il vraiment nécessaire (et souhaitable) dans un monde aussi dangereux, ouvert à toutes les curiosités, à toutes sortes de motivations, à toutes les utilisations possibles de documents personnels, voire intimes… De se découvrir ? De s’exposer comme dans une vitrine, de diffuser des images certes très belles et parfois même originales mais si personnelles ? Ou encore de produire des photographies de personnes très proches ?

Qu’un auteur, un écrivain, un artiste reconnu dans le monde ; qu’une personne connue de longue date dans l’environnement relationnel qui est le sien ; puisse produire dans un livre, sur un blogue ou sur un site, des documents le concernant, des photographies par exemple ; cela je le conçois et le juge même parfois nécessaire. Mais seulement dans la mesure où ces documents entrent dans ce que l’on peut définir comme une œuvre littéraire ou artistique pouvant survivre à son auteur… Et encore ! Faut-il établir une différence entre ce qui est du domaine de l’intimité, et ce qui ne l’est pas…

 L’intime, à mon sens, ne peut être directement révélé et encore moins exposé. [Cela dit, que penser d’André Gide et de son « Si le grain ne meurt » ?... Par exemple] L’intime, par contre, peut être « transposé » dans un récit ou apparaître dans une œuvre, et cela par des personnages inventés ou créés de toutes pièces, en des situations imaginaires… Ou ayant eu lieu mais « arrangées »…

L’intime, directement produit sur la scène du monde, même embelli et « atmosphérisé » ; ou divulgué avec la plus grande sincérité selon l’idée affichée que « l’on n’a rien à cacher »… serait presque une forme d’exhibitionnisme en laquelle « Moi Je » est le personnage central… Et dominant de tout son ressenti, de toutes ses émotions, de tout son « Ego »…

Ce qui n’est pas du domaine de l’intimité, qui appartient au monde, à notre environnement ; peut cependant y entrer puisqu’il existe un lien entre l’intime et ce qui est extérieur à l’intime. Et dans l’existence même de ce lien, dans sa durée, dans sa destinée, par la portée qu’il a et par son retentissement ; l’intime relié à ce qui l’entoure mais sans l’éclaboussure que peut produire sa nudité ; peut, oui, être exposé, révélé, diffusé… L’on peut aller, oui, jusqu’à cette nudité même, de l’intime… Mais pour cela, il nous faut éduquer notre regard, et apprendre à percevoir le regard de l’Autre…

     Ayant à ce jour consulté plus ou moins régulièrement les blogues d’Alexandrie, je constate que, dans le sens de ce que je viens d’exprimer, les photos ou les documents diffusés dans ces blogues, sont bien dans l’esprit d’un projet littéraire ou artistique… Et qu’il n’y a aucune confusion possible avec un simple journal intime tel qu’on en peut voir, et par milliers sur la Toile…

Il faut bien « remettre les pendules à l’heure » et différencier ce qui est purement une conversation écrite au jour le jour entre copains, ou un journal intime d’une part ; et un projet littéraire ou artistique d’autre part… Un blogue peut être l’un ou l’autre… Ou même les deux, pourquoi pas ? Et l’on ne peut, non plus, prétendre qu’un projet littéraire ou artistique, même s’il est d’un contenu tout autre que celui d’un simple journal ; doit nécessairement être considéré comme une œuvre… Ce sont là, tout simplement, deux réalisations différentes qui peuvent cependant être reliées entre elles.

     Se découvrir, surtout sur un blogue ou sur un site, que tant de personnes étrangères à notre environnement visitent ; c’est assurément prendre quelques risques, susciter des convoitises, s’exposer et se fragiliser dans la mesure où ce que l’on divulgue, ce que l’on montre en images, peut être exploité dans un sens défavorable pour nous.

 Mais se découvrir, c’est aussi par le choix que l’on fait de diffuser des photos ou des images, des écrits ; exporter « quelque chose de soi » qui est peut-être attendu, espéré, rêvé… Par l’autre, par les autres…

Et je sais, par la connaissance que j’ai de certains et certaines d’entre vous sur Alexandrie, ce que veut dire pour vous « se découvrir »…

 Et c’est d’autant plus émouvant que, ce que vous découvrez ainsi de vous ; je puis moi aussi l’attendre, l’espérer et le rêver…