Une femme que j’aimais beaucoup, du temps de ma jeunesse, avait dit un jour : « un homme qui perd sa mère et sa femme est un homme perdu »…

 Cette femme se prénommait Gisèle, était l’épouse d’Albert, le frère de Roger, lequel Roger était le compagnon de ma mère de 1962 à 1984, année de la disparition de ma mère…

 Gisèle vivait alors à Nice dans un quartier HLM et exerçait la profession de femme de ménage au service de la municipalité. Elle s’occupait aussi de la cantine et de l’entretien des locaux de l’école du quartier.

 Elle n’avait pas beaucoup de « culture », Gisèle… Et faisait un nombre incalculable de fautes d’orthographe dans la moindre lettre qu’elle devait écrire. Aussi ma mère lui rédigeait-elle à l’occasion, ses courriers. De surcroît Gisèle alors âgée d’une cinquantaine d’années, n’était pas « un monument de beauté ». Très grosse, bouffie, le visage rouge criblé de boutons… Mais elle avait « un cœur d’or » !

 Gisèle et son mari Albert, tous deux originaires d’Algérie (ainsi que Roger d’ailleurs), nous avaient invités, ma mère, Roger et moi ; et nous séjournâmes donc à Nice durant quelques jours.

Je ne vous dis pas le nombre de cigarettes que Gisèle fumait du matin jusqu’au soir. Mais elle était « assez folklorique » et avait toujours le mot pour rire.

     « Un homme qui perd sa mère et sa femme est un homme perdu »…

Combien de fois dans ma vie ai-je médité sur cette réflexion faite par Gisèle ! …Pour avoir d’ailleurs à l’âge de 36 ans en 1984, perdu ma mère… (Mais j’avais encore ma femme) je me suis senti « borgne »… mais pas « aveugle » cependant.

Je pense que pour un homme, du moins pour un certain nombre d’entre eux ; la mère et la femme sont les deux plus importantes personnes de sa vie. La mère est tout de même la première femme qu’un homme rencontre dans sa vie en venant au monde… A dire vrai, il ne la « rencontre » pas, puisqu’il est déjà en elle avant de découvrir son visage au sortir d’elle…

 Pour la femme c’est un peu différent… Il faut déjà la rencontrer, cette femme ! Et, au-delà de l’attirance naturelle que l’homme peut avoir pour elle, il faut ensuite qu’il l’aime et que, l’aimant, il envisage de passer sa vie avec elle ; puis encore, de ne pas souhaiter la quitter pour vivre avec une autre femme… ou tout seul.

 La femme c’est celle que l’on aime et avec laquelle on reste jusqu’à la fin de sa vie… Même si d’aventure, l’on en peut « aimer » d’autres.

Albert avait perdu sa mère à Berrouaghia, en Algérie. Il perdit sa femme et lui survécut deux ans… Il fut effectivement un homme perdu…

 Le monde est différent, sans la mère et sans la femme. Je ne dis pas qu’il est plus dur. Il est déjà dur, du temps de la mère et de la femme. Mais je dirais que le monde alors, devient comme un pays d’exil… Un monde où l’on peut encore boire, chanter, rire, baiser, gagner de l’argent, avoir des tas d’amis ; mais un monde d’exil…Sans la présence de ces deux visages, celui de la mère et celui de la femme.

J’imagine, en tant qu’homme et n’étant jamais qu’un homme, que, pour une femme, les deux personnes les plus importantes de sa vie sont le père et «son homme à elle »… Quoique la mère soit tout aussi importante…