Jean est mort. Nous sommes dimanche matin. On l’enterre mardi après midi…

Arthur, Eloi, Noémie, Lucette, Anselme et Jacques sont les parents et les amis les plus proches de Jean. La mort ne prévient pas, ne dit jamais quel jour elle survient… Elle tombe comme la bouse, du cul d’une vache, sur des fleurettes de pré qui poussaient là, et dont le destin était de s’épanouir, de vivre leur vie de fleurs… La mort est aussi banale que le « floc » d’une bouse sur le pré, d’ailleurs… Elle est incongrue, presque obscène parfois dans la posture qu’elle prend pour surprendre les vivants qui, au moment où ils l’apprennent, sont peut-être raides et beaux, en jogging ou en affaires dans leur vie présente réglée telle une horloge…

 De son visage de cire, de son rictus et de son odeur, la mort nous interpelle et nous gêne… La mort est comme le coup de queue d’un chien turbulent dans le jeu de construction d’un enfant… L’enfant édifiait sa « ferme du bonheur », il ne restait que la murette entourant la cour, à poser…

 Et patatras !

Arthur, Eloi et Lucette ; eux, savaient que Jean allait mourir, et n’avaient commencé aucun jeu de construction. Ils attendaient et se préparaient, toutes affaires suspendues… Mais Noémie, Anselme et Jacques ; eux, s’ils savaient aussi que Jean devrait bientôt mourir, avaient des projets, pris des billets d’avion, convenu d’un séjour ensemble en quelque pays de soleil, loué une maison, versé des arrhes… Et le mardi là, « ça les arrangeait pas » ! D’autant plus que tous trois, dont les vies étaient des chemins éloignés les uns des autres, n’avaient trouvé que ce croisement là pour se rejoindre…

 Patatras !

Il faudrait tout annuler… Et se croiser en noir ou en sombre autour du cercueil du pauvre Jean…

 … Mais les temps ont changé ! Les entreprises de Pompes Funèbres désormais, proposaient à leurs « clients » un nouveau « service »… Afin que les uns et les autres, proches et amis du défunt, puissent à leur gré et selon leur disponibilité, se réunir en un jour convenu pour le « grand enterrement général »…

Jean, décédé dimanche matin, ne serait donc pas enterré mardi après midi… Il serait congelé et conservé dans l’un des tiroirs de « l’armoire » au sous sol du bâtiment des Pompes Funèbres… Jusqu’à ce que Noémie, Anselme et Jacques, bronzés comme des Maures, et dans un intervalle de leur vie « bien cadré », puissent avec Arthur, Eloi et Lucette, se réunir autour du cercueil, à l’église et au cimetière. Bien évidemment ce jour là, Jean, retiré de « l’armoire », ne serait p as décongelé… D’un seul bloc, il serait placé dans le cercueil et immédiatement cloué, cacheté…

On n’allait tout de même pas attendre qu’il fonde !