Il y a dans la dureté du monde en dépit de sa cruauté et de tout le poids dont elle pèse sur nos existences, une certaine beauté. Cette beauté réside dans la faculté qu’ont les êtres vivants à survivre, s’adapter, évoluer, établir entre eux une relation intense et durable dans un environnement hostile. Qu’elle soit une fatalité ou non, la dureté du monde dans toute sa réalité est une nécessité. Sans elle, il n’y aurait jamais cette espérance si belle et si enthousiasmante d’un avenir meilleur, ni cette capacité qu’ont les êtres vivants à évoluer et à se perpétuer.

La conscience de l’existence de l’Autre ouvre un nouvel espace relationnel pour un monde vraiment différent de celui dans lequel nous vivons habituellement. Mais cette conscience de l’existence de l’autre n’est pas innée en nous : elle ne l’est pour ainsi dire jamais… Si nous souhaitons l’avoir, nous devons apprendre à l’acquérir. Cet apprentissage là est sans doute le plus difficile de tous, plus difficile encore même, que de réussir ou de construire sa vie. Je ne dis pas que la conscience de l’existence de l’Autre fait ce monde meilleur auquel nous aspirons… Selon une vision du monde ou un regard particulier sur le monde, mais je suis certain que cette conscience là est l’une des seules voies possibles pour l’accomplissement de notre destin.

Nous naissons avec des yeux aveugles par lesquels nous croyons tout voir. Mais la grande affaire de la vie, c’est de devenir voyant avec ces yeux aveugles.

Au féminin, la plus exécrable des créatures a au moins une excuse… Une seule… Et de taille ! En effet cette excuse est d’être, précisément, une femme !

Là où je vais, la manière dont on me regarde peut me révéler ce que je ne dois pas être. Dans ce cas, un regard incomplaisant ou moqueur n’est pas un regard ennemi… Ce qui me préoccupe le plus, c’est la manière dont on ne me regarde pas. Si je n’aime point cette manière là, un regard que je porte naturellement bleu noircit.

Les gens qui écrivent bien et qui ont beaucoup de connaissances, s’ils n’ont ni dans leur cœur ni dans leur esprit cette lumière aussi pure et aussi vive que l’eau claire d’une source jaillie entre des roches au fond d’un vallon où l’homme n’a encore jamais posé le pied, fussent-ils d’un talent hors du commun et de très grand crédit parmi leurs contemporains, et si en outre ils n’ont pas cette humilité qui n’a rien à voir avec l’humilité dont beaucoup de personnages reconnus se parent, alors ils ne sont pas dignes d’être retenus dans nos cœurs. Ils sont tout juste bons à peupler pour un temps des mémoires qui placent comme sur de beaux meubles des bibelots littéraires.

Si je dois un jour exister, il me siérait peu d’exister comme existent tous ces personnages qui font l’actualité et que les médias ou les grands de ce monde « placardent ». Je n’aime pas la manière dont on « existe » les gens, car cette manière là n’est que l’image ou la représentation des valeurs que l’on fait vendre par les marchands et acheter par des consommateurs. Ce que je suis n’est pas à vendre ni acheter ni placarder. Ce que je suis est à exister et à partager sans avoir de voie ou de mode à suivre.

Dans la traversée de « cette si drôle d’expérience, la vie », ma désespérance est aussi immense que mon espérance. C’est pourquoi je n’ai pas « pété le Dragorek ». Garder l’esprit clair en dépit de tout ce qui peut l’ébranler et le faire sombrer ou l’égarer, garder les yeux grands et droits ouverts en dépit de tout ce que l’on ne souhaiterait voir, resté éveillé, conscient et attentif en dépit de ce sommeil traître qui nous guette, me semble d’une nécessité absolue, non seulement pour survivre lorsque tout s’écroule et que les gens meurent tout autour de nous, mais aussi et surtout pour vivre soi même, vivre ensemble, oui, vivre plus que d’exister.