L'écriture devrait être comme une femme très belle, d'une grande délicatesse dans ses lignes ou ses formes, et par moments d'une étonnante hardiesse, surprenante dans ses attentions, ou encore en d'autres moments, discrète dans les mouvements qui la portent en avant, sans règles à suivre à la lettre, sans affèterie, sans genre mais unique et touchant à tout, et néanmoins souveraine dans le plus élégant et simple vêtement qui soit ; faisant l'amour aux hommes qu'elle rencontre et même aussi aux femmes...

Mais elle ne peut, cette femme, répondre à toutes les envies, à toutes les attentes, parce qu'il y a les impuissants et les frigides...

Les impuissants et les frigides mais aussi les pervertis, les furieux, les drogués, avec leurs lubies, leurs manies, leurs fêtes solitaires ou en clubs fermés...

Les impuissants et les frigides mais aussi les pharisiens, les sectaires de ces religions de la culture où l'on ferme la porte à la femme très belle qui ose et s'enhardit...

... Mais l'écriture ne peut être que cela...

Elle peut être cette femme au visage terre australe mordu par la froidure de l'hiver et battu par le vent furieux de l'été, attendant qu'on lui fasse l'amour... Mais quelle sorte d'amour ?...

Elle peut être cette femme en prison dans un couloir de la mort qui depuis vingt ans inscrit ses prières sur un mur crasseux...

Elle peut être cette femme à la robe déchirée qui marche pieds nus et les cheveux en désordre, qu'aucun homme ne regarde, qui jette ses prières en confettis dans une fête imbécile et cruelle...