Qui ne cesse de descendre ou de monter.

     J'ai souvent évoqué d'une manière ou d'une autre, cette idée de l'ascenseur qui n'arrête pas de descendre... ou de monter.

... Je suis par exemple, au 4 ème étage d'un immeuble et, le plus naturellement du monde, J'appuie sur le bouton "Zéro" c'est à dire celui du rez de chaussée...

Le rez de chaussée est l'endroit où EST le monde, avec ses entrées et ses sorties donnant sur les rues, les places, les avenues... Et c'est donc le lieu où tu rencontres le monde, les gens, la vie...

C'est l'endroit, le rez de chaussée, qui en premier lieu, est celui dans lequel il me vient à l'idée de me rendre...

... Mais l'ascenseur ne s'arrête pas au "Zéro"...

Il continue de descendre...

Premier sous- sol, deuxième sous- sol, troisième sous- sol...

Jusque là, "pas de panique" : le mur entre les premiers sous- sols est bien clair, de couleurs douces et unies, presque lumineuses, et il y a un bon éclairage bien vif dans l'ascenseur...

Les sous- sols ?

Je pense aux parkings pour voitures...

Ou à des espaces sous-terrains de marchés et de boutiques dans lesquels il me sied peu de me rendre parce qu'ils sont bruyants et regorgent de toute la "bimbeloterie" du monde...

... Mais l'ascenseur ne s'arrête toujours pas...

À partir du 7 ème sous- sol, "ça se complique"...

Le mur devient sale, délavé, écorché, parcouru de coulures et étoilé de taches ...

La lumière dans l'ascenseur clignote, tremblotte, et même par moments s'éteint...

Nième sous sol...

Tout devient noir et fétide...

Il n'y a plus de mur...

Seulement un espace vide, noir, humide et chaud...

Et dégageant comme une haleine pestilencielle, étouffante...

... Ou au contraire :

j'appuie sur le bouton "Zéro", me trouvant au 4 ème étage...

Mais l'ascenseur ne descend pas...

Il monte...

Je ne sais pas combien il y a d'étages dans l'immeuble...

Je sais seulement que l'immeuble est très haut, si haut que depuis la rue tout en bas, on n'en voit pas le sommet...

Et qu'enfin parvenu au tout dernier étage – si l'ascenseur ne n'arrête pas avant- (et il ne s'arrêtera pas)... Il y aura ce long, très long couloir aux murs "blanc-hôpital" avec tout au fond, ces WC louches qui sentent mauvais, aux portes qui battent derrière lesquelles des ombres suspectes semblent embusquées et prêtes à surgir en silhouettes sans visages...

Et ce silence indéfinissable, cette lumière cependant de jour, de plein jour de soleil, mais dont la clarté au lieu de rassurer, oppresse...

Bien sûr, à tous les étages il y a des WC, des murs blancs qui font moins "hôpital"...

Mais à mesure que l'ascenseur monte, la lumière du jour dans le long couloir, devient encore plus oppressante, plus inquiétante... D'autant plus que le silence, par moments rompu par de petits bruits métalliques ou de claquements secs de portes ou de fenêtres mal fermées, et comme habité de voix à peine audibles, exerce une pesanteur insupportable...

L'un après l'autre les étages se succèdent...

Mais l'ascenseur ne cesse de monter, de monter très lentement...

Et à chaque "étape" c'est une porte vitrée de plus en plus large qui apparaît, et au regard s'élargit la perspective du long couloir...

C'est presque un arrêt, à chaque fois...

Il suffirait même, peut-être, de pousser la porte vitrée...

Mais non, l'ascenseur ne s'arrête pas...

Et par la porte vitrée à chaque fois de plus en plus large, apparaît le couloir aux murs blancs...

Mais la porte vitrée en fait, n'est pas "plus large"...

Elle paraît "plus large"...

Il y aura bien...

Le dernier étage...

L'ascenseur s'immobilisera alors...

L'insoutenable et oppressante lumière...

Lumière de jour pourtant...

L'écrasant et angoissant silence...

Les WC louches, les portes qui battent et ces ombres prêtes à surgir en silhouettes sans visages...

... Cette symbolique de l'ascenseur qui ne cesse de descendre ou de monter...

Me fait penser au "Château", de Frantz Kafka... Ou encore au "Procès", à la "Colonie pénitentiaire", à la "Métamorphose", à "L'Amérique"... du même auteur.