Tokyo, trente cinq millions d'habitants, la plus grande ville du monde...

J'imagine Tokyo devenue un "désert urbain", vidée d'une grande partie de ses habitants ; des rues et des avenues silencieuses, sans automobiles... Quelques passants de ci de là, portant un masque sur leur visage ; de très nombreuses boutiques fermées, des ateliers, des usines, des commerces et des bureaux inanimés... Et à la nuit tombée, plus d'enseignes lumineuses aux vives couleurs... Tout cela oui, comme dans un film catastrophe ! À cette différence près que le "film" en ces jours du mois de mars 2011, est une succession impressionnante d'images vraies diffusées par les télévisions du monde entier...

Tokyo, avec ses immenses enseignes lumineuses de toutes les couleurs, aussi Asiatique qu' "occidentalisée" dans sa civilisation d'ingénieurs, de scientifiques, de chercheurs, de créateurs d'entreprises, de collections de mode, d'art et de culture ; avec ses femmes si belles, son élégance, sa discrétion et son intelligence jusqu'en ses êtres les plus ordinaires et les moins "riches"...

Tokyo et le Japon tout entier, le pays du soleil levant avec sa littérature, ses romanciers, ses écrivains et ses poètes, ses artistes et ses cinéastes, ses peintures, sa soie aux couleurs si douces, ses cérémonies du thé à l'heure de la pause... Et tous ses créateurs avec leurs imaginaires d'une si grande et si poignante sensibilité, des imaginaires comme suspendus sur les fils argentés et lumineux d'une immense toile tissée par une jolie petite araignée...

Tokyo... L'exode de toute une population vers le Sud, vers Osaka et l'extrémité de cette terre, de ce pays blessé dont le ciel désormais charrie une poussière mortelle...

J'imagine des millions de gens, de familles avec enfants, peut-être sur les routes pour certains d'entre eux, mais plutôt en longues files d'attente pour une place dans un train ou dans un bus ou dans un avion... Un exode qui dans l'Histoire des hommes de cette Terre, sera encore plus "terriblement légendaire" que l'exode de dix millions de Français sur les routes de France en juin 1940.

Et de cet exode, pourra-t-on en revenir ? Sans doute pas de sitôt...

Si cela avait été New-York ou Los Angelès, ou Mexico ou Johannesbourg, ou peut-être même Paris... J'imagine, bravant la pluie pourrie et les brumes corrosives, des hordes de miséreux mais surtout de toutes sortes de malandrins et d'aventuriers en quête de "trouvailles" et de récupérations, venant squatter les appartements, dévaler en bandes errantes dans la ville abandonnée, se livrer à une orgie prédatrice de tout ce qui peut assouvir une faim travaillée par les envies les plus féroces...

Tokyo... Avec sa civilisation certes "occidentalisée" mais si Asiatique cependant, avec sa culture et son élégance, son intelligence et son "âme", l'âme même de chacun de ses habitants... Si, comme toutes les grandes villes du monde elle a aussi ses malandrins, ses trafics illicites, ses mafias, sa fièvre d'argent... Tokyo, je ne la vois pas envahie pour autant, de toutes ces hordes venant la squatter et s'y vautrer dedans comme sur une femme à demi morte sur laquelle on se jette, bravant la pluie pourrie et les brumes corrosives...

Tokyo, je pleure de te voir vidée de tes habitants, blessée dans ta civilisation, toute noire la nuit et peuplée de visages masqués dont je sens sur moi des yeux qui me touchent...

... J'étais au festival international de géographie à Saint Dié dans les Vosges du 2 au 5 octobre 2008, où le pays invité cette année là, fut le Japon. J'ai donc assisté à différentes expositions, vu des films et des documentaires et des court-métrages sur la vie au quotidien, des gens, sur la vie économique et culturelle de ce pays...