Rares, très rares sont les artistes et les écrivains qui, toute leur vie durant ; ont été aidés, soutenus, aimés, suivis dans l'intégralité de leur oeuvre, encouragés... Et donc “existés” ; par un ami, un proche, un parent, une mère, un père, un fils, une fille, une épouse, un mari...

J'en citerai deux, par exemple : Frantz Kafka par Max Brod , et Vincent Van Gogh par Théo Van Gogh...

Les artistes et les écrivains que certains d'entre nous sommes, n'ont presque jamais à leur côté, de “Max Brod” ou de frère ou de soeur, ou de femme ou de mari ou de compagnon pour “porter l'oeuvre de notre vie” à bout de bras avec fidélité, passion, soutien inconditionnel et connaissance dans ses moindres détails et dans son évolution...

Ce qui est sans doute à mon sens le plus heureux, le plus émouvant, le plus “porteur”, pour un artiste ou pour un écrivain, n'est pas vraiment la gloire ni la notoriété ni la reconnaissance du grand public ni tout ce que cela peut lui rapporter...

C'est cette affection, ce soutien permanent de toute une vie, cette “foi” dirais-je, d'un proche ou d'un ami!

N'ayant “pas connu cela vraiment dans notre vie”, en tant qu'écrivain, en tant qu'artiste, nous sommes et demeurons des êtres seuls, comme “étrangers” au monde... Et pourtant vivant dans le monde et aimant le monde tout en le “récusant” parfois...

Un chien ou un chat, alors, peut être ce compagnon “non humain” dans la vie d'un artiste ou d'un écrivain...

... Oui, c'est vrai me direz vous : Van Gogh s'est suicidé d'une balle de revolver à l'âge de 39 ans!

... Oui, c'est vrai dis-je : l'impuissance de l'amour, des lèvres douces et aimantes se posant sur une plaie qui ne cicatrise pas et n'empêchent pas de souffrir et de mourir, c'est la pire de toutes les désespérances!

Mais je reste persuadé que la présence d'un proche ou d'un ami, pour un artiste ou pour un écrivain en particulier... Et pour tout être humain d'ailleurs, pour tout être “ordinaire” (et nous sommes tous, même artistes ou écrivains, des êtres ordinaires)... Je reste persuadé donc, que la présence d'un proche ou d'un ami, est ce qui existe de plus heureux et de plus émouvant dans la vie...

... Avec, disons, “une certaine ironie”... J'évoquerais ce ou cet “ami posthume” (proche ou lointain du “vivant achevé” de l'artiste ou de l'écrivain) qui, bien des années plus tard, “exhumerait” l'oeuvre de cet artiste ou de cet écrivain disparu, et consacrerait sa vie à faire connaître cette oeuvre, à la “porter dans le monde” en quelque sorte...

C'est comme des lèvres qui se poseraient et caresseraient doucement, et longtemps, le sexe froid et immobile d'un mort... Un sexe qui, lorsqu'il papitait, se dressait ou s'ouvrait, suait de joie et criait sa faim, ne pouvait qu'imaginer, espérer l'approche de ces lèvres... Et tour à tour, toute sa vie durant, en une alternance désespérante, frémir et se flétrir, se lever et retomber, s'ouvrir et se fermer, se mouiller et s'assécher...