J'avais lu ce livre en 3 jours vers fin janvier 2009...

Je me suis rendu compte en y repensant trois semaines plus tard, que j'aurais sans doute du en faire une seconde lecture...

J'ai aimé l'écriture : fluide, légère, précise, sobre, rythmée comme une musique, mais avec dans le ton, je crois, une certaine gravité (et à cela je suis en général assez sensible et ému)...

L'histoire par elle même, dans l'ensemble, n'est pas particulièrement originale dans la mesure où cette histoire ainsi racontée par l'auteur, nous renvoie à des évènements d'actualité faisant l'objet de reportages de journalistes... Mais sans doute le passage de la corde oubliée dans le puits, et ensuite la sortie du puits, les premiers moments de liberté d'Andrès dans l'incertitude et les dangers immédiats... C'est cela qui m'a surtout impressionné et vraiment intéressé.

Le mensonge et la trahison, dans la beauté de ces paysages du Maghreb, m'ont semblé prendre une dimension naturelle, familière, et comme "coulant de source" : en ce sens le comportement de Tamia qui au départ pensait à son amant prisonnier comme Andrès au fond d'un puits, et ensuite part avec Andrès, ne m'a pas choqué...

Il y a, à mon sens, une dimension naturelle dans ce roman, une dimension naturelle que j'ai retrouvée d'ailleurs à travers l'écriture de l'auteur, et aussi à travers ces descriptions sobres mais précises de paysages Africains...

Je n'ai pas trouvé que le roman était un roman "noir" : au contraire c'est la vie et l'espérance qui dominent, avec cette volonté toute humaine et toute naturelle, sans grands et inutiles raisonnements, d'user et de prendre parti de ce qui se présente... Et quoi qui puisse arriver, quoi qu'il arrive effectivement, il y a toujours comme une corde pour se raccrocher, un bidon avec de l'eau dedans, une plage, un port, une ville, des gens, quelque part... Un rêve, un souvenir, une attente... Et jamais ce néant, ce vide, ce noir absolu et définitif qui ne peut exister en réalité que parce que l'on l'imagine : on ne sait pas la mort, on l'imagine.

La mort que l'on voit c'est celle des autres quand ils sont immobiles et ne respirent plus...

Le titre "Les corps perdus" m'a un peu gêné, je l'avoue... Et cela même avant que je n'aie commencé la lecture...

Je ne conçois pas que des corps humains soient "perdus", perdus comme des âmes "damnées" ou "anonymes"...

Pour moi, il n'y a jamais de "damnation" ni d'oubli ni d'inexistence ni d'anonymat...

Un corps humain, de femme ou d'homme ou d'enfant ou de vieillard... Nu, habillé, souffrant ou en bonne santé, tel qu'il est, de la naissance à la mort, c'est à dire vivant, avec son odeur, sa respiration, et tout ce qu'il contient (organes, tissus, chair, muscles) a, dans mon esprit, une existence qui ne peut être ni reniée, ni niée... Même disparu, retourné à la poussière, il ne peut plus jamais, après avoir été, "ne pas avoir été"... Et il a effectivement été, une seule et unique fois, dans toute l'éternité...

Un corps humain, et de même un corps de bête, ça n'a rien à voir avec le jugement ou la morale, avec le bien et le mal, l'inutilité ou l'utilité, avec ce qui serait "absurde" ou "justifié", pas plus d'ailleurs qu'avec toute espèce de “raisonnement ou de pensée philosophique”...

Il n'y a que cette réalité profonde, naturelle et imputrescible, authentique, immuable, de l'Etre, qui demeure dans le temps et dans l'espace... Une réalité qui a pris forme, écriture, trace, sculpture, musique, respiration, mouvement, relation, visage, message, dans le temps et dans l'espace... Et qui, quoiqu'il advienne, ne peut “qu'avoir été”, ne peut être niée...