Dans les librairies de l'édition indépendante, sur les sites d'édition en ligne et d'une manière générale, de tous les ouvrages qui sont publiés et diffusés (il y aurait environ 300000 manuscrits existants, sous diverses formes)... Comment les lecteurs qui achètent des livres en librairie ou lisent des livres “en ligne” peuvent-ils faire la différence entre le “grain et l'ivraie” alors que la “meule” en tournant à plein régime, produit toutes sortes de farines rendues bien souvent digestes par adjonction d'agents de synthèse, de texture et de saveur?

Voici donc la question fondamentale (et essentielle) qui se pose :

"Séparer le bon grain de l'ivraie"! Pour une fois je salue au passage la métaphore de Jésus dans le Nouveau Testament (comme quoi il y a aussi de la "philosophie" - et de la réalité - dans les écritures saintes - Bible, Livre de Mormon, Coran, Torah et autres)...

Certes, la question de la séparation du bon grain de l'ivraie demeure discutable (elle l'a toujours été d'ailleurs)...

Mais elle le reste : entière, insoluble et sans vraie réponse... D'autant plus que "Génies" et "Trouducs" sur Terra 1, se livrent une guerre éternelle, sans doute assez nombreux les uns et les autres...

En définitive, c'est dans l'aléatoire que ça se décide... Et l'aléatoire n'est peut-être pas "inintelligent"... Inorganisé,oui ; provoqué, souvent... Mais "intelligent" en fait... D'une intelligence qui nous étonne toujours, et qui nous dépasse...Et se "moque" bien de la dimension "temps", de nos repères, de nos valeurs et de nos habitudes...

Autrefois, je veux dire il y a au moins quelques dizaines d'années avant nous, et à plus forte raison aux 18èmes et 19èmes siècles ; c'était beaucoup plus simple! Il y avait d'un côté l'immense majorité des gens du peuple ne sachant ni lire ni écrire... Et d'un autre côté, quelques "intellectuels", généralement sinon presque toujours des gens de situation sociale privilégiée, des nobles, des personnes ayant eu une éducation par des précepteurs ou autres enseignants et professeurs de l'époque...

Alors, de telles personnes ayant accompli leurs "humanités" (comme on disait à l'époque) pouvaient devenir des écrivains, des poètes, des penseurs "bien connus" et lus (évidemment par d'autres personnes ayant elles aussi reçu une éducation)...

Autrement dit, "arriver" était "chose certaine"... A moins de beaucoup choquer la société de l'époque, ou d'être un penseur vraiment atypique et ouvrant des voies "étrangères"...

Cela, tout ce que je viens de dire, était encore vrai durant la première moitié du 20ème siècle (une époque "bénie des dieux" à mon sens, puisque déjà, les gens du peuple savaient lire en grand nombre, mais qu'il n'y avait pas encore ces myriades d'auteurs comme aujourd'hui)

La vérité, (faut-il oui ou non le déplorer mais ça c'est une autre question) c'est que nous entrons dans des temps qui n'ont plus rien à voir avec ce qui précéda...

Que les valeurs, que les repères, que les opinions (quand il y en a) ont radicalement changé (plus qu'ils n'ont évolué)... Et que de nos jours, de plus en plus - et peut-être autant de mieux en mieux que de pire en pire - du fait que tout le monde a accès à la culture, que tous les jeunes d'aujourd'hui font des études, que les formations sont de plus en plus diversifiées, nombreuses et spécifiques dans autant de domaines ; et que les gens maintenant deviennent des "génies" (à leur manière) même si ce ne sont que de tout petits "génies")... La vérité oui, c'est que "le monde devient trop étroit pour autant de "génies"...

C'est comme un jardin qui autrefois était assez grand pour quelques beaux légumes, mais qui est devenu trop petit parce que l'on veut de plus en plus y faire pousser de tout, sachant que dans ce "tout" il y a "beaucoup/beaucoup" de beaux légumes... avec aussi, pas mal de mauvaises herbes et de légumes à colique pullulant au milieu des beaux légumes (dont on finit même par ne plus apprécier la qualité)...

... Je ne dis pas qu'il faudrait une sorte de "philoxéra" pour "réguler" ou "régénérer" le jardin... (forcément il y aurait de déplorables et injustes dégâts)... Mais tout de même... Il faudrait qu'il "se passe kèk'chose"...

Qui "remettrait les pendules à l'heure"...

Il demeure cependant un autre “problème” sans doute un peu moins fondamental à priori, que celui du statut et de la reconnaissance puis de la lecture par un large public d'un écrivain...

Comme je le disais plus haut, au 18ème et au 19ème siècles, à moins qu'un écrivain ne heurte pas (en choquant, en dérangeant la société), s'il était vraiment un écrivain dans la forme et dans le fond (même dans SA forme et dans SON fond) ... En principe il réussissait à se faire connaître, et donc, à se faire lire, à se faire un nom, et à avoir une postérité...

Le “problème” qui demeure, qui a toujours demeuré et qui demeurera toujours, concerne donc ces écrivains moins nombreux que les autres, qui heurtent la société de leur époque, qui “innovent”, s'aventurent dans des dimensions de pensée assez différentes de ce qui habituellement est tenu pour acquis, présentable, normalement accessible au plus grand nombre (et donc jugé sûr, crédible, de qualité, de bonne réfèrence etc...)

Et si de surcroît ces écrivains là se mettent à personnaliser étrangement leur langage, leur écriture, leur formulation des choses, des êtres et des évènements... Alors il leur sera d'autant plus difficile, à ces écrivains là, de vraiment se faire connaître autrement que dans quelques “petits comités” ( lesquels “petits comités” soit dit en passant, sont les plus beaux et les plus sûrs ports du monde qu'un navigateur hardi et déterminé puisse jamais avoir)...

Dans les années 50 du 20ème siècle, une maison d'édition a osé l'aventure avec ces écrivains là de l'époque (qui n'étaient pas forcément tous, ces “révolutionnaires étrangetés”, du moins pas complètement dans l'esprit que je précise plus haut... Et qui d'ailleurs n'en avaient peut-être pas conscience eux-mêmes)... Il s'agissait des Editions de Minuit.

L'on a vu ce que cela a donné pour quelques uns de ces écrivains (dont Jean Echenoz par exemple).

Ce qu'il faudrait (sur le Net puisque l'on parle ici du Net pour les auteurs) mais aussi dans l'édition classique pour autant que l'édition classique puisse se mettre au Net plus qu'elle ne le fait présentement... Ce qu'il faudrait c'est un nouvel éditeur de minuit (qui se constituerait autour de ces “petits-comités-plus-beaux-plus-sûrs-ports-du-monde-pour-des-navigateurs-hardis-et-déterminés”.

Voyez comment se forme la banquise : des cristaux se forment sur la surface de l'océan, s'accroissent, s'agglutinent, deviennent une bouillie glacée. La bouillie se congèle, des plaques de glace se rejoignent et finissent par former peu à peu la banquise qui progresse en étendue... Ainsi se constitue un “paysage littéraire” d'îles et îlots de glace sculptés par les vents et se rapprochant les uns des autres...

Certes, il y entre, dans ce mouvement naturel... De l'aléatoire. Parcequ'il n'y a pas de “programmation”, pas de “dessein divin prévu à l'avance”, pas de ces “îles ou îlots de glace” plus étrangement ou plus blanc/bleu que les autres... Pas “d'ordonnateur”, peut-être une sorte de “règle” ou de loi qui devait probablement exister avant que quelque monde soit dans l'univers...

Mais la banquise se forme...