Lorsque disparaît une personne de ma famille ou très proche de moi sur le plan relationnel, une personne qui m'a connu, que je fréquente ou rencontre de temps à autre, et avec laquelle je suis pour ainsi dire “en bons termes”... Je ne sais pas pourquoi, il me vient l'idée (qui s'impose d'emblée sans que je puisse l'éloigner) que cette personne “entrée dans un autre monde” (un monde que je m'imagine totalement différent de ce à quoi l'on croit habituellement selon tout ce qui se dit à ce sujet, et que je ne puis définir ni voir ni décrire)... que cette personne donc, me voit comme me verrait une caméra de vidéosurveillance.

Ainsi 24h sur 24, chacun de mes faits et gestes, et même mes rêves dans mon sommeil, et par une sorte de “transparence” mes pensées les plus intimes, deviendraient visibles, et lisibles, à cette personne qui saurait alors de moi tout ce que je n'ai jamais dit et jamais montré...

A cette idée là s'imposant à moi alors que je ne crois ni au paradis ni à l'enfer ni à Dieu, je me sens “dépossédé” de cette “éternité” de mon esprit, de ma pensée et de l'être immatériel que je suis dans le même être physique que je suis aussi, de mon vivant...

Dépossédé” parce que révélé et mis à nu... Et donc “jugé” en quelque sorte. Bien que “jugé” en l'occurrence ici, dans cette dimension de pensée, me semble impropre et dépourvu du sens que l'on attribue à “juger”...

Il me fallait donc de mon vivant et dès la fin de mon enfance (que je situe vers 13 ou 14 ans) ouvrir une porte qui eût pu, avec quelque chance d'y parvenir, m'éviter de me sentir “dépossédé de mon éternité”.

Et cette porte c'est l'écriture... L'écriture par laquelle je peux tout dire, oser tout dire... Mais surtout pas comme à confesse, surtout pas “directement autobiographiquement parlant”, surtout pas pour m'excuser d'avoir dit ou fait ceci ou cela, surtout pas pour qu'il me soit “octroyé” par mes semblables cette sorte d'éternité consensuelle à laquelle tout le monde aspire, en particulier et sans doute plus que le commun des mortels, les artistes et les écrivains...

Dans l'éternité à laquelle je crois (ou dont j'espère l'existence), les êtres sont reliés : ils sont en même temps, un et un infini d'êtres. Et cela commence dans le souvenir que nous avons ensemble, des disparus.

Mais je ne sais pas ce qui vient, au delà du souvenir...

Par “extension”, le souvenir serait comme un vaste espace (vaste mais à l'échelle de l'esprit humain) et “matérialisé” par des traces de vie et d'oeuvres accomplies, jusqu'à ces peintures de nos ancêtres dans des grottes ou des cavernes... Et ce souvenir comme un vaste espace, s'ouvrirait au large de ses confins, vers un autre espace dont nous ne savons encore rien, et qui sera peut-être découvert un jour... Un jour qui n'a sans doute rien à voir avec la durée d'une ère géologique ou de la révolution d'un ensemble de galaxies...