La pensée en danger

      Jusqu'au 17ème siècle en Europe occidentale et continentale, l'Art était essentiellement influencé par la religion, en particulier la peinture, la gravure, le dessin, la musique, la sculpture... Et dans les différentes écoles et courants l'on ne s'exprimait et l'on ne produisait d'oeuvre que selon la pensée chrétienne catholique apostolique et romaine...

Les artistes s'inspiraient de scènes bibliques : Dieu, les anges, la Passion du Christ, l'Apocalypse, les Evangiles... Sur des plaques de bois (retables) avant le 17ème siècle, et ensuite sur des toiles, des tapisseries...

Rembrandt aux Pays Bas, et quelques peintres au 17ème siècle, furent parmi les premiers à produire des tableaux représentant des personnages et des scènes de la vie courante, des paysages, des portraits...

Dans le reste du monde c'est à dire ailleurs qu'en Europe occidentale et continentale, l'Art est influencé par l'Islam dans les pays Islamiques, ou par quelque pensée ou tradition religieuse, cultuelle, dans les autres pays (Asiatiques notamment)...

Donc, jusqu'au 17ème siècle en Europe, et jusqu'à nos jours ailleurs, il semble qu'il n'y ait pas d'autre pensée possible et officiellement reconnue, que la pensée religieuse ou cultuelle, axée sur l'existence, la puissance de Dieu, ou sur une représentation traditionnelle du monde. Est-ce que l'Islam par exemple, dans les pays où il “fait la loi”, reconnaît les artistes, les poètes, les écrivains, qui parlent d'autre chose que de Dieu, de la tradition?

Est-ce qu'en Chine ou dans des pays de dictature ou dans des états totalitaires, l'on reconnait les mêmes artistes, poètes, écrivains, qui s'expriment autrement que pour louer, honorer le pouvoir et la pensée du “système” (politique ou religieux)?

En terre d'Islam ou dans un pays à système religieux et politique totalitaire, il existe une “vérité” formelle et établie définitivement, une “vérité” qui ne peut ni être contestée, ni infirmée et qui articule, organise, inspire, produit toute forme d'Art, de pensée, de littérature, de philosophie...

... La pensée indépendante de la religion, d'un système politique ou cultuel (ou axé sur le rituel, le traditionnel)... Est un “phénomène nouveau” dans l'histoire de l'humanité, à partir du 17ème siècle en Europe ; et de nos jours dans les pays où il existe des formes de résistance à l'ordre politique ou religieux établi.

Presque tous les écrivains, par exemple, des pays Islamiques ou de Chine ou de pays totalitaires, qui ont une pensée indépendante et libre, ne sont publiés et diffusés qu'en Europe occidentale (surtout France, Allemagne, Royaume Uni), en Amérique du Nord... Ces écrivains là sont souvent inconnus, non publiés, maltraités même, dans leur pays d'origine.

... Avec la disparition progressive de l'influence (et de la domination) de l'Europe occidentale (16ème siècle jusqu'au début du 21ème siècle) et de l'Amérique du Nord (qui a hérité de la civilisation Européenne et s 'est développée ensuite)... Il est certes “heureux” enfin, que l'Inde, la Chine, l'Amérique du Sud, la Russie, puissent à leur tour dominer le monde, économiquement...

Mais avec la disparition progressive de cette influence et de cette domination “occidentale”, c'est aussi la disparition de la pensée libre et indépendante qui vient peu à peu...

... La religion, la tradition, les systèmes politiques, le totalitarisme de certains états ; n'expliquent pas aujourd'hui à eux seuls, le recul de la pensée... Quoi qu'ils en soient en grande partie responsables... Il y a aussi cette domination d'un ordre économique et financier mondial qui “lamine” et “instrumentalise” la pensée en la pervertissant, en la dénaturant, en réduisant sa dimension, en la canalisant, en la “barbarisant”, en la “dépoétisant”...

On ne pense plus le monde aujourd'hui que selon une dialectique, un inextricable enchevêtrement d'argumentations, de polémiques, de “réponses possibles”... On ne pense plus le monde aujourd'hui également, que selon une “problématique”, une “représentation”, un ensemble “d'effets spéciaux”, un “utilitarisme consommable”, une “fuite en avant” dans l'art ou dans la littérature. Et dans cette “fuite en avant”, il y a une force d'accélération qui s'impose... Ou une force d'aspiration vers un “trou noir”...