En ce temps là...

      Je n'avais en ce temps là, que la prison de mon imaginaire et de ma pensée... C'était avant les forums du Net, avant la possibilité de publier en ligne ou de produire un blog ou un site.

Je n'avais en ce temps là, qu'un carnet, des feuilles de papier, un crayon ou un stylo à bille, et un ordinateur Windows 95 dont je me servais uniquement comme d'une machine à écrire. Ce que j'écrivais alors, je l'écrivais “dans le vide” c'est à dire dans cet espace fermé en lequel je vivais, une sorte de “bulle” transparente au travers de laquelle je voyais et percevais le monde. Mais si la “bulle” était transparente – et elle l'est toujours- elle était aussi, comme une enveloppe de métal, infranchissable et réductrice de paysage... Les visages qui la peuplaient étaient des visages inventés qui ne pouvaient qu'être les meilleurs amis du monde, des visages lointains et inaccessibles.

Parfois, il y avait au coin d'un bar de cinéma, un “livre d'or”... Un festival, une fête du livre ou de musique ou d'images ou un théâtre de plein air populaire, ou encore la terrasse d'un café dans l'espérance de quelque “connexion” à un visage en écrivant dans les pages d'un carnet, ou du sable mouillé à consistance de tableau d'école géant pour des mots géants... Le “courrier des lecteurs” du journal Sud Ouest (4 chances sur 50 par dimanche d'être publié)... Quelque concours de nouvelles ou de poésie, régional et en général autour d'un thème défini (au résultat très aléatoire)...

N'étant en ce temps là, jamais confronté à toutes ces émotions, à tous ces imaginaires, à toutes ces sensibilités, à tous ces regards, à toutes ces pensées, à toutes ces écritures qui peuplent le monde ; je n'avais aucune chance de devenir un écrivain. Je n'étais que “quelqu'un qui écrit tout seul dans un carnet ou tape des textes sur le clavier d'un ordinateur”.

Bien sûr, il y avait “Hememene”! Ce pourfendeur qui à l'oreille me sussurait quelque “vacherie”... Et devançait ces autres “pourfendeurs” plus ou moins “assassins” ou condescendants... Depuis lors, j'ai “négocié” avec ce “Hememene”! (L'on arrive à faire “bon ménage” ensemble et par moments, ce “Hememene” c'est presque un “ami”...)

J'ai constaté depuis que la “bulle” m'a laissé entrevoir que son enveloppe pouvait être “traversable” et que “l'Ailleurs” était “libérateur”, que les “paysages” pouvaient s'étendre, que les écrits pouvaient devenir des écritures... Et qu'en outre le virtuel, le rêve, l'imaginaire et toutes sortes de sécrétions, pouvaient jusque dans le réel se rencontrer et même se jeter les uns sur les autres comme dans certaines histoires d'amour... J'ai constaté que tous ces visages désormais aussi proches par les fils de lumière qui les relient, ont tous sans exception besoin d'existence et de reconnaissance... Et qu'il est suicidaire, réducteur, désespérant et sans avenir, sans utilité et dénué de sens... De s'exister tout seul.

Aussi, jamais à présent, quatre murs sans porte et sans fenêtres avec une seule chaise au milieu de la pièce ne m'ont paru aussi étrangers et aussi, plus terrifiants que la mort...