Murs de papier, murs en écran d'ordinateur

      Ce ne sont jamais les êtres, ni en particulier ni lorsqu'ils sont ensemble, que je déteste ou que je combats...

Ou alors si je les combats, cela ne peut être que dans une situation précise et tout à fait particulière où ma vie est en danger, où ma raison de vivre m'est ôtée...

Ce sont les comportements, les attitudes et les « visions du monde » que je déteste et que je combats lorsque ces derniers enferment, violentent, isolent ou excluent les êtres...

Quant aux idéologies, aux religions, aux cultes et aux modes ; aux engouements qu'ils suscitent, au nombre de gens qu'ils rassemblent ; je les déteste et les combats lorsqu'ils m'ôtent ma raison de vivre et d'espérer, lorsqu'ils m'écrasent de tout leur poids et me ferment les portes que je veux ouvrir... Alors je lève le poing et je tague des murs de papier ou d'écran d'ordinateur... Sur ces murs qui repoussent quand on les abat, ces murs qui écoutent et parlent ; et dont les graffitis ne résistant pas à l'érosion, chaque nuit se multiplient, s'allongent, se croisent et témoignent de la souveraineté de l'esprit, de la liberté, de l'intelligence, de l'imagination et du coeur... Et de l'être, du « coeur du réacteur » de l'être...

Au mieux, c'est à dire si je ne les combats point ; les idéologies, les religions, les cultes, les modes et les mots d'ordre n'ont jamais mon adhésion : je ne signe pas, je ne me rallie pas...

Les êtres en particulier sont tous quasiment sans exception, des êtres « habillés » ou recouverts d'une sorte de carapace. Et « l'habillement » ou la carapace sont tels, que l'on ne peut que croire que cet « habillement » ou cette carapace constitue l'être dans son entier jusqu'au coeur même du réacteur de l'être...

Il n'en est pas ainsi! Il y a en l'être une authenticité, une vérité, une singularité, un « coeur du réacteur », une vie, une âme, un ensemble d'émotions, une capacité d'amour... Et tout cela a été « désouverainisé » puis piétiné et jeté au fond d'oubliettes par les idéologies, les religions, les cultes, les modes, les mots d'ordre, la consensualité du monde... Parce que dès l'origine du monde d'autres êtres, des êtres qui n'ont d'humain que l'apparence, ont le pouvoir, détiennent la propriété du sol et des biens, confisquent à leur profit la connaissance et l'information. Ces êtres là ont décidé que tous les autres êtres ne devaient pas avoir en eux cette souveraineté de leur esprit et de leur coeur.

Alors dès l'origine des civilisations, il ne restait déjà plus qu'un habillement étriqué, de misère... Et cette carapace plus ou moins reluisante aux couleurs éclatantes mais putride comme du fumier en décomposition.

... Certes, ce que je dis de l'être vrai, tel qu'il est de nature, c'est bien cet être authentique, singulier, avec ses émotions, le « coeur de son réacteur » et sa capacité d'amour...

Mais cet être dans sa nature même, cet être « à l'état brut », a aussi en lui ce qui le détruit, le gâte tel un fruit cueilli de l'arbre... Au début de son existence, l'être n'a que le « germe » de ce qui va le détruire.

Il n'y a pas, cependant, que ce qui le détruit, l'être... Il y a aussi ce qui le fragilise ou l'incline dans un sens ou un autre, et avec lequel il vit sa vie tout de même, sans mourir de ce qui le détruit parce qu'il n'est alors détruit que partiellement...

Cela c'est donc la nature de l'être vrai, comme celle d'un fruit : sa chair dont on apprécie la saveur, ses « verrues » intérieures qui crissent sous la dent et que l'on recrache...

Si « l'être vrai » a en lui une capacité d'amour, il a aussi une capacité à haïr...

... Ce que je veux dire de l'être vrai, c'est que la consensualité du monde, les religions, les idéologies, les modes, les mots d'ordre, les visions étriquées que l''on peut avoir du monde et de la civilisation, ainsi que les formes de conditionnement, de sujétion, de dépendance qui pèsent sur les êtres ; dénaturent l'être. L'être alors, cesse d'être vrai car ce qu'il y a de meilleur en lui étant étouffé, exploité ou spolié, il va se vider peu à peu de ce meilleur de lui-même. Et ce qu'il y a de mauvais en lui, la consensualité du monde va l'accentuer, le renforcer et contribuer à la « cuisine » indigeste du monde...