LAGHOUAT, PORTE DU DESERT

      Une bande de jeunes garçons et filles à la peau “café au lait foncé”, aux cheveux crépus, pieds nus, habillés de vêtements propres et légers, très exubérants ; nous “assaillirent” gentiment et bruyamment. Ils ne mendiaient pas et ne demandaient pas de cigarettes, mais parce qu'ils n'avaient pas l'habitude de voir arriver des touristes dans leur village, ils nous observèrent puis s'approchèrent de nous... Ils se mirent à “baragouiner” des présentations dans un Français coloré d'Arabe : Ali, Mohammed, Nourredine, Aïcha... Tous se disaient “spécialistes” de quelque activité ou bricolage, ou réparation dans le village.

Comme je devais bientôt l'apprendre, Berrouaghia était le village natal de Roger Darmon, l'homme qui allait être durant 23 années, après le divorce entre mes parents et notre départ d'Algérie en 1962, le compagnon de ma mère.

De Berrouaghia à Djelfa nous ne rencontrâmes pas âme qui vive. Aucun village, aucune habitation isolée, plus de bornes kilométriques le long de la route ni de station d'essence... Nous traversâmes de hautes plaines rocailleuses, écrasées de soleil, chauffées à blanc, parsemées de touffes grises et sèches, de chardons et de broussailles épineuses. De temps à autre apparaissaient quelques eucalyptus.

Puis dans une brume dansante de lumière blanche et crue, fondit à notre approche une muraille déchiquetée de roches brunes, grises et nues, et de nouvelles chaînes de montagne un peu moins élevées que les précédentes. Nous traversâmes aussi de petits déserts avec leurs mirages. Passé Djelfa, nous eûmes déjà un avant goût de ce que pouvait être l'espace Saharien.

Nous arrivâmes à Laghouat en fin d'après midi alors que le soleil “tombait” rapidemment sur la ligne de l'horizon.

Laghouat était la “porte du désert”, une cité à l'aspect médiéval, bâtie géométriquement, ceinte d'anciens remparts brisés ou de hauts murs de terre, avec des maisons blanches accollées les unes aux autres, et au centre s'ouvrait la grand'place de terre battue où se concentrait toute l'activité économique et sociale. Tout autour de la place se tenaient les boutiques sous des arcades, et des habitations à un étage dans lesquelles on pénétrait par une cour intérieure, évoquaient les antiques villas romaines.

Ici c'était le pays des Touaregs. Les femmes étaient voilées, drapées de bleu et c'est à peine si l'on apercevait leurs yeux.

Il n'y avait qu'un seul hôtel, sans étoile, à un étage... Un “boui – boui” tenu par un Arabe, où l'on pouvait dormir et se restaurer, situé sur l'un des quatre côtés de la place. L'on entrait ici comme on entre dans une épicerie exotique, par une porte toujours ouverte dont on franchissait le rideau de lattes. Près de la porte un simple comptoir en planches faisait office de “bureau” et à côté du magasin il y avait la salle de restauration donnant sur la place et sous les arcades illuminées le soir d'ampoules électriques piquetées de taches noires.

L'on nous proposa deux chambres, l'une pour Janette et l'autre pour nous trois. La pièce était blanche et propre ; le sol de gros carreaux bruts, et le mobilier très sommaire, réduit au minimum : un grand lit de fer avec un sommier métallique et un matelas rembourré de paille ; un lit de camp et une table de toilette sur laquelle étaient posés une cuvette émaillée et un broc.

Les WC se trouvaient en bas derrière le magasin... Des WC à la turque.

Mais nous fûmes très chaleureusement accueillis. Les gens ici, ne nous regardaient pas comme on regarde des étrangers dont on se demande d'où ils viennent et ce qu'ils vont faire, avec une certaine appréhension ou méfiance... Bien au contraire ils semblaient ravis de notre présence parmi eux, des hommes et des femmes demandèrent à mon père de prendre des photographies, chacun se présentait, se nommait, parlait de ce qu'il faisait dans le pays, de son métier, de ses enfants ; et ils voulurent savoir “comment c'était là haut dans le Nord”...

Tous ces gens ne se déplaçaient qu'à pied, rares étaient ceux qui utilisaient des bicyclettes, ils portaient sur leur tête enturbannée, de lourds fardeaux ou des jarres. Ils allaient chercher l'eau dans des puits. Mais surtout, la “vedette” de la soirée de l'arrivée des “touristes”, n'était pas la 403 Peugeot, mais Janette, si élégante, si délicate et si bien coiffée, que tous regardaient, ébahis et visiblement émus...