Si j’ai plusieurs registres d'écriture, je m’aventure cependant ou plutôt je dérive vers une écriture que je définis comme un espace de liberté en lequel tout devient possible, accessible, imaginable… Un espace qui n’a plus de règles de composition, qui enchevêtre les scénarios, les situations et les « atmosphères »; qui superpose des images ou des morceaux d’images. Les phrases changent de rythme, je fais tour à tour bref ou long. Bref comme une gifle ou un bras d’honneur, long comme un torrent qui dévale des kilomètres de pentes rocailleuses.

Disons que dans certains registres relativement digestes quoi que tortueux à dessein ou émaillés de réflexions et de commentaires, j’écris encore… et je continuerai… pour ces visages ou ces esprits dont les regards et les portes me sont largement ouverts. Et si d’aventure ces esprits et ces regards accueillent mes tags, mes révoltes et mes cris, me pardonnent quelques bras d’honneur ou quelques « salasseries »; la générosité de ces visages et de ces esprits me confondra toujours d’humilité et d’admiration.

Car c’est bien là le hic :

S’il devait exister vraiment une « vérité suprême, une valeur au dessus ou indépendante de toute mode ou tendance, une valeur plus sûre que toutes ces valeurs aux quelles tout le monde croit, cette « vérité » là ne serait faite que de gentillesse, d’humilité et d’accueil.

Ça existe.

Je le sais.

Je l’ai vu.

On m’a même laissé toucher.

J’y ai bu.

C’était tellement beau que ç’en était inhumain…

Ça venait même d’au-delà de Dieu…

Et pourtant ç’a avait pris forme humaine !

Pour la chatte d’Yvette, ma voisine de Tartas, au « Cap Nègue », les mots n’ont aucune valeur… Sauf la musique des mots, peut-être.

Elle était ce soir là pelotonnée sur la plaque de la cuisinière et son dos était aussi chaud que le gros poêle chargé de bûches incandescentes…

Nous ne parlions avec elle que par des regards… Mais quels regards !

Elle voulait bien se laisser caresser mais fallait pas qu’on l’emmerde en lui tirant les pattes de devant.

Contester le système, tirer à boulets rouges sur les gosses de riche et sur la prose des intellos, dénoncer les injustices et les hypocrisies, la folie des guerres, chier sur la loi du fric et sur l’outrecuidance des apparences et des reconnaissances médiatisées, casser le vase sacré… Oui, c’est vrai : ça change pas le monde mais ça fait du bien… Disons qu’on se fait un petit plaisir.

Et si en plus ça fait rire, alors oui, c’est vraiment le pied !

Mais ça ne suffit pas pour entrer de plein pied dans cet espace de liberté que doit être celui de l’écriture…

Parce que l’écriture, c’est aussi comme une prière. La même prière que celle du vrai croyant qui parle à son créateur. En toute liberté, sans faux semblant, sans témoins admiratifs ou complaisants, pourfendeurs ou encenseurs…

Contester le monde ne suffit pas.

Il faut aussi et peut-être surtout contester son propre monde.

Le monde qu’on a en soi.

Nos certitudes.

Notre propre pensée.

Chier sur son propre système.

Parce que lorsque tu chies sur le système, tu opposes au système ton propre système… qui n’es qu’un système parmi tant d’autres et qui n’a pas plus de valeur…

La chatte d’Yvette n’a pas de système.

Elle n’a qu’un organisme.

Un métabolisme.

Elle est une entité naturelle.

Elle ne ressemble cependant à aucun autre félin de son espèce.

Les surréalistes n’ont rien inventé.

La réalité était déjà surréaliste…