Les mots sont comme les couleurs dont se servent les peintres réalisant sur toiles des paysages, des visages...

Les mots peuvent aussi être comme les sons de la musique jouée avec un instrument...

Y-a-t-il des mots primaires comme des couleurs primaires?

Si je peignais, je n'utiliserais que les couleurs primaires : le noir, le blanc, le rouge, le jaune et le bleu...

S'il y a des mots primaires, les autres mots alors sont-ils inutiles?

Ne faudrait-il employer que des mots primaires pour dire les émotions intenses, très fortes et très pures?

Avec les mots, les couleurs ou les sons de la musique, l'on réalise des compositions...

Les compositions sont inégales... D'autant plus qu'elles sont nombreuses et diverses.

Les compositions représentent ou traduisent. Et quand elles traduisent, c'est le compositeur qui traduit... Mais la traduction est difficile. En fait la traduction est – ou devient – une composition. Et dans la compostion apparaît une dimension. Cette dimension est-elle nouvelle ou bien existait-elle déjà?

Quoi qu'il en soit, la dimension qui semble se préciser n'est que fugitive : elle entre dans l'esprit humain tel ce tout petit espace qui s'ouvre entre les lèvres en ligne brisée d'un éclair bleu en pleine nuit ou en plein jour, un éclair bleu que l'oeil vient tout juste de capter parce que le regard à ce moment là était tourné vers l'endroit du ciel d'où a surgi l'éclair...

N'y -a-t-il pas dans une forme ou une autre de la « composition » une manifestation de la nature?

Faut-il avoir peur de ce que l'on peut composer? Que faut-il en croire? Qu'y-a-t-il vraiment entre les deux lèvres en ligne brisée?

Tout au long de ce chemin qui monte, qui descend, qui serpente ou se tend comme une corde à travers le paysage jusqu'à l'horizon... Après tant de jours, de nuits, de pluies, de visages rencontrés ; il arrive aux jours et aux nuits d'orage, que les lèvres en ligne brisée se rapprochent... Et qu'entre les lèvres s'ouvre un petit espace « un peu plus large »... Comme c'est drôle : quand j'étais petit, tout petit... Je me souviens de ces lèvres entrouvertes et si proches de mes yeux...