Une des choses qui m’émeut le plus au monde, c’est de penser que des êtres très différents de sensibilité, de projets, d’aspirations, de rêves et de besoins ainsi que de « vision du monde »… Puissent ne serait-ce qu’une seule fois dans leur vie en une situation particulière où ils sont ensemble en un lieu réel ou virtuel ; aimer en commun la même chose : un livre, un paysage, un visage, une musique, un film, un tableau de peinture, une œuvre d’art… Car à ce moment là, au moment de l’émotion, de l’émerveillement et de l’intérêt qu’ils ont en commun, toutes leurs différences, tout ce qui les oppose, tout ce qu’ils peuvent se reprocher les uns les autres, se trouve aplani dans ce silence profond et si beau, devenu un trait d’union, un point de convergence… Alors c’est comme une porte qui s’ouvre, un passage qui se forme… La violence, la haine, le rejet de l’autre et tout ce qui sépare les êtres en présence, pour un temps, n’ont plus cours en nos vies « suspendues » dans ce silence là, à nul autre pareil…
    Et je suis aussi très ému de penser que des êtres différents qui d’ordinaire « ne peuvent se voir en peinture » ou ont toutes les raisons les plus justifiées et les plus logiques de ne pas souhaiter se rencontrer… Puissent en commun aimer quelque chose en moi qui les étonne et les interpelle, quelque chose de moi qui leur fait du bien.
Je ne sais pas si cela « ouvre un passage » ou « dragorèke » ce qui sépare les êtres… Je ne crois pas au miracle… Je crois que c’est là seulement, une forme de pouvoir dont il ne résulte rien ou presque dans l’immédiat…