Ce qu’un artiste peintre réalise sur une toile, de ces visages, de ces êtres vrais qui ont existé… Pourquoi un écrivain ne ferait-il pas de même dans un livre, de ces visages et de ces êtres aimés ou remarqués ayant existé?
Dans la fiction l’on peut s’autoriser tous les arrangements possibles et l’imaginaire y pourvoit…
Dans le réalisme pur, ce qu’il faut avant tout s’autoriser,  est ce qui d’un visage ou d’un être, en peut devenir un « tableau » exprimant ce qui a animé ce visage ou cet être sa vie durant… Et cela de préférence sans arrangement de fiction ou de vision personnelle dont on ne pourrait à mon sens que s’autoriser avec une certaine discrétion, une « petite touche »…  
Peut-on dire d’un artiste peintre, parce qu’il fait le portrait de son père, de sa mère, des gens qu’il a connus, remarqués dans sa vie… Qu’il est autobiographique?
Peut-on dire d’un écrivain, parce qu’il parle dans son livre des gens qu’il a aimés, connus ou remarqués dans sa vie… Qu’il est autobiographique dans ce livre là?
Etre autobiographique n’est-ce pas s’autoriser dans le « film réaliste » de sa propre vie, tous ces arrangements de fiction et de « vision personnelle »… Qui font qu’en définitive, les personnages évoqués ne sont plus tout à fait ces êtres qui furent, au vrai?
En somme, une œuvre autobiographique « de qualité » (il en existe peu à mon sens) n’est peut-être pas « si autobiographique que cela »…

    Je pose à présent trois questions qui me semblent essentielles pour un écrivain produisant une œuvre autobiographique…
1/ Celle des personnages vrais, ayant existé dans un passé lointain ou récent de la vie d’un auteur et qui sont évoqués par cet auteur dans son œuvre ou dans l’un de ses livres…
2/ Celle de la sensibilité particulière, émotionnelle, culturelle avec laquelle l’auteur évoque ces personnages vrais, ainsi que l’idée qu’il se fait de ces personnages, idée soutenue par son propre regard ou vision personnelle…
3/ Celle du « décalage » entre le contexte originel et authentique d’une époque et d’évènements particuliers d’une part ; et la vie présente de l’auteur dans son environnement social et familial d’autre part… Autrement dit, comment « faire vivre », sous quelle forme, avec quelle atmosphère et quel impact émotionnel, ce qui jadis, fut… Et ne peut donc qu’être « exhumé » au risque de ne plus présenter d’intérêt réel et bénéfique autant pour l’auteur lui-même que pour les lecteurs?
    A la première question je réponds que les personnages évoqués par l’écrivain n’avaient sans doute pas prévu ni envisagé qu’un jour un écrivain puisse les évoquer dans son œuvre ou dans l’un de ses livres et qu’à un demi siècle ou plus de distance, ces personnages vrais sont morts ou très âgés…
Quant aux personnages plus « récents » ou même présents dans la vie actuelle de l’écrivain, ce dernier ne les peut évoquer qu’avec la plus grande prudence, une certaine délicatesse, une authenticité indiscutable et dans la mesure où l’écrivain peut se sentir « autorisé » à les évoquer…
    Au sujet de la deuxième question, j’ai déjà expliqué ce que je pensais, à savoir que l’écrivain doit à mon sens pour être crédible, se « démarquer » de sa vision personnelle, de son émotivité et de sa sensibilité tout en laissant cependant transparaître son ressenti…
    Enfin à la question du « décalage » entre le contexte originel et la vie présente de l’auteur, je dis que l’écrivain ne peut produire une œuvre mettant en scène des personnages vrais, que dans la mesure réelle, exacte et bien délimitée, du « rayonnement » qu’il a auprès de ses lecteurs, de son « cercle de connaissances »… Et à condition encore que ce qu’il évoque ait un impact, une portée, un sens, un intérêt auprès de ses lecteurs.
Je ne pense pas qu’un récit purement autobiographique par exemple, puisse être produit avec cette idée « dominante » que pourrait avoir l’auteur selon laquelle ces personnages, situations et évènements évoqués de surcroît sous une forme surdimensionnée, aurait un réel intérêt aux yeux de milliers de lecteurs dont la plupart d’entre eux ne connaissent pas l’auteur… Parce qu’il me paraît tout à fait inutile voire inconvenant, de « bassiner » des gens qui de toute évidence sont déjà bien sollicités de toute part…