Il n’était pas « une fois au temps du Crétacé… » Il était une fois… De nos jours. En un temps, celui de la fin du tout dernier siècle, où deux petits dinosaures, Racistax et Judalosaure, n’étaient pas plus gros que deux fourmis rouges de jungle équatoriale, quoique déjà très dangereux… Ils appartenaient l’un et l’autre à l’une de ces espèces particulièrement voraces et en voie de développement. Un beau jour, ils atteignirent la taille d’un âne. Ils étaient déjà réputés, dans le monde des autres dinosaures, tous resurgis des profondeurs des civilisations, pour être de grands prédateurs…
Comment pouvait-on désormais empêcher Racistax et Judalosaure de grossir encore, de gravir si rapidement les échelons de la hiérarchie des dinosaures ?
 Les ancêtres de ces monstres régnèrent jadis en de nombreux pays où se creusèrent d’immenses charniers, et les témoins du temps de ces monstres puant la mort, le feu et le sang ; ont encore dans leurs oreilles le cri de ralliement des bêtes féroces…
Et le cri de ralliement aujourd’hui retentit, jusque dans la cour des écoles, et par toutes les marques scélérates, obscènes et profanatrices qui se font sur les murs, par les mots et par les images… Aucune créature sur la Terre, aucune espèce vivante, aucun peuple des hommes, aucun pays, n’est responsable du malheur du monde. Parce que le malheur du monde ne vient que de cette crainte de l’Autre que nous avons tous en nous depuis le fond du Paléolithique… Cette crainte de l’Autre en laquelle certains d’entre nous que l’on écoute nous entraînent à leur suite et dans les actions qu’ils mènent…
 Et lorsque les temps sont durs et troublés, que les civilisations vacillent et que les guerres et bruits de guerre se généralisent, et que le ciel de surcroît s’emmêle, alors revient en force le temps de ces « fauteurs de troubles », de ces « indésirables », de ces « responsables » qu’il faut circonscrire, identifier, appréhender, regrouper, parquer, guetthoïser, et pour finir… exterminer !
C’est cela, le grand malheur du monde : lorsqu’on commence à désigner, insidieusement puis plus précisément, des « fauteurs de troubles »…
Faudrait-il aussi, et en toute logique, en toute justice ; dire de ceux qui discriminent, appellent au meurtre, à la délation, à l’exclusion, à l’élimination, à l’enfermement, à l’isolement… Ou qui en sont les complices ; que nous devrions tous les éliminer, eux ? Faut-il répondre à la guerre par la guerre, à l’injustice par la cruauté de la vengeance, à l’arbitraire par l’arbitraire ? Par la désignation de nouveaux coupables (qui le sont certes mais par qui ont-ils acquis leur pouvoir) ?
 Le combat, le seul, naturel, légitime et vrai combat, c’est celui que l’on mène directement et dans une situation précise contre ce qui met notre vie en danger, d’où que ce danger vienne et quelque visage qu’il ait au moment où il s’avance vers nous pour nous détruire ou nous réduire en esclavage… Alors seulement là s’impose la violence.
 J’ai dans l’idée que les animaux se gouvernent, s’organisent et se gèrent entre eux, toutes espèces confondues, bien mieux que ne le font les humains entre eux…