Il était là, au beau milieu de la place du village, en attente de quelque nouveau « client », le « fourgon à viande froide »… Et il n’avait pas l’air d’un camping-car, ce véhicule mortuaire apprêté pour conduire en sa demeure éternelle, quelque « mémé » ou « pépé » du pays… Tiens, ça serait une idée de racheter un vieux camion des Pompes Funèbres et de le bricoler en camping-car ! Deux ouvertures rectangulaires à percer dans la tôle de chaque côté pour les fenêtres, un coup de peinture verte pour faire écolo et hop ! Basta sur la côte Méditerranéenne… Peut être pas « à fond la caisse », ni par l’autoroute mais la vitesse on s’en moque !
De toute manière en perspective de la seconde et dernière extrémité de notre vie, l’on joue perdant quoique l’on ait déjà gagné ou quoique l’on gagnera encore demain… Alors les terreurs ancestrales, les superstitions, le « bien fondé » convenu et normalisé d’une « pompe » en chic et en noir et en chêne ou en sapin… Font que nous n’osons pas imaginer quelque farce saugrenue à faire, à Madame la Mort… Et pourtant ! Un peu de sacrilège, d’ironie, d’insolence et de dérision, puisque le « rafiot » coulera, cela n’empêche pas la traversée de mauvaises mers ni l’arrivée dans le dernier port mais cela aide tant soit peu et c’est somme toute, une forme de « résistance »…
 Et la « mémé » ou le « pépé » que l’on allonge dans un beau cercueil verni aux ferrures dorées, le beau caveau de famille pour lequel on se « fend » du contenu d’un livret A de la Caisse d’Epargne, la pompe dont on entoure le mort , les paroles de compassion à la sortie de l’église, les costumes sombres, le petit verre, le café et la brioche au bistrot du coin, les conversations genre « il était ceci, il était cela… » et, en garde ou tapie en silence au beau milieu de ce carnaval de gens endimanchés, dont certains feraient penser à des corbeaux ou même à des vautours, l’espérance du petit héritage qui dès le lendemain des obsèques, fera pousser des crocs à de belles bêtes humaines…
 … Madame la Mort, dont le visage et la robe ne font guère bander, épargne moi je t’en prie, les signes de la Religion, la messe ou l’absoute, la pompe et le caveau de famille et les discours inutiles…
Dans le jardin du Souvenir, je ne rirai plus, je ne pleurerai plus et je serai là, dans la terre, sans voir ce que devient la Terre…