Hameçonnette dans sa robe noire jolies soles jaunes, son ciré thon foncé plié sur ses jambes croisées, pianotait sur le clavier de son ordinateur sous la voûte étoilée d’un ciel d’été alors que bientôt venait cette heure de la nuit annonçant le jour, et que vacillaient les flammes des bougies épuisées dans les pots de résine…

 C’était la Nuit de l’Ecriture au Moulin Blanc des Truites Argentées, manifestation littéraire organisée par les Ateliers des Pêcheurs de Mots…

L’eau du petit étang près du moulin était trouble comme le Monde ; les mots bleus, rouges ou verts, avaient tous le ventre en l’air… Mais ils n’étaient pas morts, et tels des confettis nénupharisés regroupés en galaxies, ils attendaient que se posent sur leurs ailes noyées… Peut être des étoiles naines… Ou des poussières de visages venues de mondes disparus.

Hameçonnette pianotait, pianotait, et ses doigts délicats couraient, dansaient sur les touches du clavier ; un écran bleu océan s’emplissait de la page d’accueil d’Aessandrie.

 Hameçonnette eut un rire clair et le ciré thon foncé glissa à ses pieds ; sa robe noire jolies soles jaunes eut un pli et le ciel pâlit…

Hameçonnette pianotait de jolis mots piquants, en réponse au dernier message d’Aérocib…

Il y eut alors comme un « tut » d’oiseau dans l’ordinateur. Et l’écran s’ouvrit en se déchirant, comme s’il venait soudain d’être percé d’une vrille…

 Un oiseau aux ailes froissées, tout mouillé mais aussi vif et léger qu’un papillon voletant dans la lumière d’un jour d’été, se posa, joignant ses deux petites pattes sur la touche arobase du clavier.

Ce n’était qu’un moineau friquet, un « pierrot » de la plus commune espèce…

 De l’arobase, l’oiseau sauta sur le dos de la main de la jeune femme. Il ne demeurait à ce moment là, de la nuit, qu’une fine écharpe de brume sombre ceignant le cou blanc du moulin.

 L’eau ne paraissait plus aussi trouble, même si le Monde l’était encore…

L’oiseau fit un saut, puis un autre, sur le clavier, arpentant le « A », le « F », le « L »… La jeune femme tendit le creux de sa main vers l’écran déchiré… Et l’oiseau vint se poser et se blottir dans le creux de la main…

     Il n’y avait rien dans la main… Pas même une trace de salive sur laquelle l’oiseau eût pu de son bec, écrire sa faim…