La critique est sans doute à mon sens l'un des arts les plus difficilement maîtrisables qu'il soit...

J'ai connu dans ma vie, et je connais toujours encore, beaucoup de gens « très bien » qui, sur le plan intellectuel, relationnel, sont quasi irréprochables, et dont les critiques qu'ils font sur tel livre, telle oeuvre, tel comportement ou tel sujet de société, sont parfaitement argumentées, justifiées, claires, précises, sensibles, respectueuses et même constructives... Mais sans véritable « magie »...

Ce qu'il y a de si difficile, de si rarement maîtrisable et par conséquent de vraiment convaincant, dans la critique, c'est de pouvoir tout dire, tout écrire, y compris ce qui habituellement n'est pas « entendable », sans froisser, sans blesser, sans enfermer l'autre dans cette forme de solitude en laquelle il en arrive à ne plus oser s'exprimer, à douter de ce « meilleur de lui même » auquel il croit cependant...

Toute la « magie », en somme, consisterait en une forme souveraine d'art, de « facture », de « coup de patte »... en laquelle on trouverait, en plus de tout ce que je viens d'énumérer plus haut, une certaine délicatesse, beaucoup d'humour, un savant dosage de réalisme voire de sévérité et de mansuétude, les mots, le regard, le sourire, le visage accompagnant tout cela, et pour « couronner » l'ensemble, cette force en soi qui « emporte tout sur son passage » sans jamais « enfermer » l'autre, sans jamais le déstabiliser, et en lui faisant peut-être découvrir une part inconnue (ou mal connue de lui) de ce « meilleur de lui même...

Dans le monde où l'on vit, et cela était déjà vrai dans les mondes qui nous ont précédés, je connais fort peu de ces gens maîtrisant si bien l'art de la critique...

Pouvoir ainsi « tout dire et tout écrire », dans cet esprit là... C'est plus beau, même, que de voler comme un oiseau avec une intelligence et une connaissance d'humain... Mais c'est encore un rêve, une sorte de « porte des étoiles »... Et, si une telle porte peut s'ouvrir, il n'y a plus rien à craindre, ni censure, ni gardes armés, ni roi ni prince, ni chef de guerre, ni régime, ni président, ni système, ni prison, ni solitude...C'est la liberté absolue.