Le Blog du Merdier

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Les oeuvres de Yugcib

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mardi, août 28 2007

Petits Contes Yugcibiens, extrait

     PETIT CONTE SF BIDON

     Deux cosmonautes, Rag, venu de Bêta 31 et Uli, venu d’Alpha 17, se rencontrent sur Gamma 101.

Rag : Je viens de la planète des Génies.

 Uli : Comment ça, la planète des Génies ? Ce monde bleu dans le système solaire ? J’en viens moi aussi. Mais il n’y a pas que des génies sur Terra1. On y rencontre aussi les Trouduks.

Rag : Oui, c’est exact, il y a aussi les Trouduks.

 Uli : Explique moi, alors !

 Rag : Sur Terra1, depuis la dernière « mondialisation » comme ils disent, les gens sont informés de tout ce qui se passe partout. Petits, beaucoup vont à l’école et plus grands, font des études. Alors, forcément, ils deviennent des génies.

Uli : Cela en fait donc, des génies !

Rag : Oui ! Ils sont des centaines de millions. Certains d’entre eux participent à des compétitions afin d’être différenciés, répertoriés et classés. D’autres renoncent aux compétitions mais n’en demeurent pas moins convaincus qu’ils sont les meilleurs dans leur genre. Et puis, il y a aussi sur Terra1 depuis la mondialisation, un Grand Marché des Génies. Car le génie se vend, s’achète, fait l’objet de transactions commerciales entre groupes très puissants de marchands formant des guildes et des réseaux concurrents qui se livrent entre eux des guerres féroces.

Uli : A quoi ça sert alors d’être un génie si l’on est acheté, vendu et si ce sont ces puissantes guildes qui font valser les génies comme les scories d’un tourbillon d’éclats d’étoiles ?

 Rag : C’est simple : être un génie ça sert à ne pas être un Trouduk !

 Uli : Les Trouduks sont les autres gens que j’ai vus sur Terra1. Ceux-là n’ont pas réussi à l’école, habitent dans des maisons à étages qui ressemblent à des poulaillers géants, n’intéressent les guildes de marchands que dans la mesure où ils peuvent produire de l’engrais en énormes quantités au prix de revient le plus bas possible pour que ça leur rapporte le plus gras de la soupe dont ils rentabilisent l’excédent en le recyclant dans d’autres soupes qu’ils sont seuls à bouffer.

Rag : Sais-tu, Uli, que parmi ces Trouduks il y en a qui se prennent quand même pour des génies ?

 Uli : Oh, ça ne m’étonne pas ! Mais ceux-là, ils sont encore plus trouduks que les autres Trouduks !

 Rag : Et les vendeurs de génies font aussi du blé avec les Trouduks qui se prennent pour des génies et les innombrables génies méconnus. Ne les entend-tu pas, Uli ? Ils clament haut et fort, annoncent dans leurs pubs : « Génies méconnus, venez à moi, je vous référence sur le Marché des Génies ». Ainsi les Trouduks qui se prennent pour des génies se disent-ils : « Je n’ai pas réussi à l’école, je vis dans un poulailler à balcons mais j’ai des idées autant que les génies ! ».

Nonobstant rondes oboles aux vendeurs de génies et longues files d’attente, Trouduks juchés sur le haut de leur cul et génies méconnus aspirent à la fortune et à la reconnaissance.

      Conclusion : C’est bien pareil partout : ils se castagnent tous la gueule… Les Génies, les Trouduks, les marchands de la Guilde… Rag et Uli, sur Gamma 101, ne se sont pas castagnés. Ils ont dialogué. Qu’en sera-t-il lorsqu’ils se rencontreront sur Epsilon4, un monde plus désuni encore que Terra1, où la puissance des diviseurs-régneurs dépasse celle des marchands de la Guilde ?

 Gamma 101 est une planète du système Neutrina. Il n’y a pas d’êtres humains à sa surface. L’on ne se castagne pas la gueule sur une planète où ne règnent ni guilde de marchands ni une idée plus qu’une autre. Une planète vierge de génies et de trouduks. … Ah, si ! Oh, pardon ! J’oubliais… Il y avait tout de même des êtres sur Gamma 101. Enfin, quelques uns ! Des évadés de Terra1. D’anciens Trouduks et Génies devenus des ------- +

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Quel monde possible, court extrait

     2 Décembre 2001

      La femme au volant…

     Agressive, pressée, belliqueuse, peut être…

Les sondages semblent le confirmer.

 Coquette, imprévisible ? Certainement.

Ouvrant la portière de sa Twingo jaune citron, ou de sa Lupo rouge sang, lorsqu’elle projette hors de l’intimité de son habitacle son exquise féminité, relevant le col de son imperméable, après avoir si elle est toute jeunette, coupé le battement de cœur de pieuvre de son auto radio… Quel enchantement !

 Furtif cependant, cet instant magique est bien vite emporté dans le courant de la rue.

 Et la scène du monde, avec ses sens interdits, ses gendarmettes et toute la violence des visages de ses acteurs, voit passer d’un rideau à l’autre, côté ombre, côté lumière, ces drôles d’autos avec des petites fées crispées à l’intérieur.

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Au pays des guignols gris [la traversée] extrait

...Vers deux heures de la nuit, en chemisette blanche ouverte sur sa poitrine, pantalon noir très serré, espadrilles aux pieds, Eridan poussa hardiment les deux battants de la porte du " Sagittaire ", une petite boîte très chic, très intime, de la banlieue d' Enizola, où l'on ne jouait que du " Swan", la musique préférée d' Eridan.

Il salua le portier, d'un léger coup sur l'épaule, tel un vieil habitué, puis se propulsa dans la salle au plafond bas. Des couples enlacés, des filles très belles se tenaient assis sur des banquettes. Des rires légers et des exclamations assez drôles fusaient de partout.

Le swan, une musique communicative et explosive dans ses élans, dominait, enivrante et mystérieuse dans ses silences. Les visages se tendaient dans une relation intime, sans avenir mais d'une liberté absolue.

Tout cela coulait d'un seul jet et s’inscrivait dans la mémoire d'Eridan, activait son ivresse intérieure. Dans la réalité incommunicable de son être, il se sentait vierge de tout ce que les apparences apprivoisent et subtilisent.

Il s'assit au beau milieu d'un groupe au sein duquel il fut immédiatement accueilli, avec enthousiasme, comme c'était la règle dans les boîtes de ce genre, à Enizola. Il ne dansa pas, ne prit aucune fille dans ses bras, mais il éclaboussa de tous ses yeux une assistance soudainement interpellée, déversa, de toute l'inspiration de ses mots à lui, de ses mimiques et de ses expressions, de ses commentaires acides, incongrus et terriblement drôles, son inépuisable énergie communicative.

Il raconta bien sûr, quelques bêtises car, en ce domaine, il était un peu " spécialiste ", trop parfois. Il but quelques cocktails assez corsés, observa beaucoup, s'imprégna de l' atmosphère, éprouva très fort en lui une conscience aiguë du bonheur, un bonheur fugace, certes, mais cette conscience très vive du bien-être éprouvé était cependant liée à l'existence de tous les participants de cette soirée.

Eridan se souciait fort peu de l'image qu'il pouvait donner de lui-même, image qui, selon lui, n'était que celle que les autres se faisaient de lui.

Il avait son idée sur la Féminité, sur la relation s'établissant entre une fille et un garçon, et, au delà de ce jeu amoureux si habituel, il sentait en lui la nécessité de vivre dans l'essence même, dans l'unicité, dans l'authenticité de cette relation, d'en éprouver l'instant vécu en marge du temps, de l'espace, du lieu et de l'illusion des apparences.

Parfois, en plaisantant, entre copains, il disait : " Dès que tu commences à te frotter à une fille, tu deviens comme un ballon de gosse, un de ces ballons de fête gonflé à l'hélium et s'élevant, une fois lâché, au dessus-des manèges et des étalages de forains. Mais le ballon, en fait, c'est toi qui le gonfle, avec l'air de tes poumons : il enfle démesurément, se tend à l'extrême, et puis, très vite, trop vite, d'un seul coup, il éclate, il devient un ridicule petit bout de caoutchouc froissé entre tes doigts, il pend, lamentable, inutile, sans autre avenir que l'autre ballon qui va lui succéder. Alors tu te retrouves en face de ta solitude, de tes limites, de tout ce qui te conditionne et ne te libère jamais de toi-même.

Tu n'es plus alors qu'un gland tombé à terre, et ce grand chêne, avec ses immenses et si nombreuses branches, dont tu t'es détaché, c'est le monde qui t'a porté, et auquel tu vas, toi aussi, donner naissance, parce que c'est dans l'ordre des choses... Moi, je voudrais que le ballon, il puisse toujours rester gonflé à bloc, qu'il n'éclate jamais, et qu'en même temps il ne cesse, sans se dégonfler, de donner aux enfants, aux filles, à tout le monde, tout ce qu'il contient ".

Eridan, pour corser quelque peu ses propos, rajoutait : " Le jour où je serai capable de bander 24 heures sur 24, alors ce jour-là, peut-être, je me marierai... "

     Vers sept heures, ce matin du 1-636-7-ER-4, sur la plage d' Albani, le soleil montait au-dessus de l' océan. En face, à quelque quatre ou cinq heures d'Aéroglisseur, c'était l'étroite bande côtière de Sara et Véramila, tout le long de la chaîne du Dragon d' Argent, au pays des Atalantes.

 Sans doute, Eridan essayerait-il d'aller jusque là, mais par l'ouest, et ce serait là sa rupture, au risque de perdre sa vie dans cette aventure.

Avant de se lancer sur la route du Nord, le long de la côte Enizolienne, il se rendit boulevard du Cygne, près de la Porte d' Orion, chez sa logeuse, madame Alcibiade, âgée de 104 ans. C'est là qu'il vivait depuis deux ans, dans une chambre meublée de cette petite maison appartenant à la vieille dame. Il la surprit alors qu'elle préparait le café.

 La brave dame, encore très alerte, très vive d'esprit et de coeur, lisait le journal local sans lunettes, effectuait toutes sortes de bricolages et de petits travaux domestiques, allait dans les magasins, marchait de longues heures dans le parc Bételgeuse, passait des soirées dans les cinémas du quartier, ou même dans les bistrots, s'habillait de vêtements clairs, bien coupés, elle avait une taille de guêpe, un visage typé, anguleux, un magnifique regard bleu et rieur. Il n'y avait pas un seul fil d'argent dans ses cheveux gris foncé qui ondulaient jusque sur ses épaules et flamboyaient d'éclats métalliques. De près, elle paraissait à peine âgée de 80 ans.

-- Bonjour, madame Alcibiade, je pars ce matin même. Je viens vous régler le loyer de la chambre pour deux ans d'avance, parce que je pense la reprendre à mon retour, et la faire occuper occasionnellement pendant mon voyage par des amis de mes parents, des connaissances, quelques uns de mes camarades de passage à Enizola. J'ai rassemblé tout mon bazar dans trois gros cartons, j'ai tout mis à la cave, nettoyé la chambre.

 -- Mais, mon petit, dans deux ans je serai morte !

 -- Eh, mamilla, racontez pas de salades, ça fait bien 20 ans que vous n'arrêtez pas de seriner dans tout le quartier et jusqu'à l'autre bout d' Enizola que vous allez crever la bouche ouverte sur de vieux rêves figés ; moi j'y crois pas. Une femme comme vous ! Avec une silhouette de jeune fille, de si beaux cheveux, un visage qui fait retrouver sans beaucoup d'efforts celui de vos trente ans, oui, une femme comme vous, c'est du coriace ! Et en plus, vous ne prenez jamais de médicaments...

-- C'est gentil ce que tu me dis là, Eridan, mais vois-tu, ce qui me pèse le plus, en fait, c'est la solitude, la solitude peuplée de tous ces visages que je vois autour de moi. Les autres vieillards, ils ont vingt, trente ans de moins que moi, je ne peux plus faire un pas devant moi sans rencontrer une génération d'écart, et ceux de mon temps, je les ai tous vus partir. Alors, d'un seul coup, madame Alcibiade, il faudrait que je vieillisse jusqu' à l'extrême usure, comme cela, en une nuit, et peut-être bien qu'on tomberait amoureux, avec des lèvres froides et une très drôle et très étrange idée de l'amour !

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Grand Hôtel du Merdier, extrait

     …Mais dans le métro, ça se voit pas que t’as qu’un vélo. Surtout si tu sors de chez le coiffeur, que t’as de belles fringues et que t’as pas les yeux dans les godaces.

Y’en a une là, tout près de moi, elle arrête pas de se bouffer les ongles.

 Elle a un visage typé. Habillée d’un manteau léger à très grand col, ouvert sur une robe noire à volants, elle me plait.

Il y a quelque chose de maladif dans son regard. Un regard inquiet, un regard qui souffre, un regard nerveux.

Une fille chic qui a l’air d’avoir passé la nuit dehors.

 Jamais je n’ai encore vu une fille se ronger les ongles de cette façon. Elle se bouffe les ongles, les doigts même, avec autant de rage que d’élégance.

Je devais changer à la gare d’ Austerlitz. On est debout, tous les deux, l’un en face de l’autre.

 L’une de ses mains, celle dont elle cesse de triturer le bout des doigts, serre la barre d’appui.

 Ma main gauche glisse sur la barre.

Léger effleurement de doigts.

Nos regards se croisent.

 Son sourire est crispé.

Ses yeux noirs.

Son visage soudain délivré dans la lumière vive de cette nuit d’après midi.

 Je sens ces épluchures d’elle, comme éclaboussées de ses doigts meurtris, cette intimité à nulle autre pareille et dont je perçois les transes, qui emplit cet espace de silence entre nous.

 Quel moment ! Quelle piqûre d’héroïne !

Gare d’ Austerlitz. Je ne descend pas.

Je suis cette fille, jusqu’où ?

Je ne sais pas.

Trois musiciens de tunnels de métro s’installent au milieu de la rame.

Saxo, trompette et guitare.

Ils improvisent. Un air de jazz, un vrai régal. Ça décoiffe.

 Au Châtelet, changement de décor… Enfin presque ! Les pubs sont les mêmes partout.

Dans la foule qui se sépare en plusieurs branches je perds ma piqûre d’héroïne en robe à volants. Mais je la retrouve dans une rame de RER en direction de la Défense. Assise en face de moi, ravageant de ses dents blanches le bout de ses doigts, avec son regard crasse jeté sur moi tout entier, je la dévore, je l’extrace, je la rêve les volets clos dans une chambre d’hôtel anonyme, offerte toute habillée et tendue d’un silence qui hurle de joie…

Auber. C’est fini.

 Nous ne nous reverrons plus jamais. Elle disparaît dans ces artères noires de globules en blousons ou anoraks.

De fée aux doigts de lépreux, elle se fait globule en manteau bleu aspiré vers ce cœur de la ville dont les oreillettes et les ventricules ne cessent de se diviser en segments d’existence.

Je ne la retrouverai jamais, dans aucun segment d’existence.

 Elle a disparu parce que j’ai cessé de la suivre.

J’ai pas de carnet pour noter.

Je n’ai que le souvenir.

Ça fait du bien, de tout son visage et de tout son regard, de balancer son écriture sans papier et sans crayon, comme ça, en toute spontanéité, du fond de ses tripes, à une fille qui te plait… ou un regard jeté sur toi.

 De se poser ainsi, tel un nuage transparent, sur un petit bout de ciel bleu, d’extracer ce regard de l’autre, inconnu mais devenu si proche…

L’écriture est avant tout un espace de liberté. Et dans cet espace là, plus besoin de crayon, ni même de mots.

 C’est le souvenir qui va faire pousser les mots.

 Dans l’instant, cet instant de l’autre que tu vis et que tu traverses, les mots ne viennent pas. Ils ne sont pas encore nés. Mais ils existent.

Je les touche de cette écriture de moi qui n’est pas encore née, ces visages de filles, de femmes, d’enfants et toutes ces silhouettes perçues, croisés dans la brume, la nuit, le hall d’une gare ou dans la lumière dorée d’une fin d’après midi…

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