Depuis son origine, sa création en 1990, à Saint Dié dans les Vosges, le Festival International de Géographie draine depuis déjà quelques années, bon an mal an, environ 50 000 personnes venues de toute la région Lorraine, ainsi que d'autres régions de France et  d'autres pays, et cela durant quatre jours chaque année du premier jeudi jusqu'au premier dimanche du mois d'octobre (à moins que le jeudi précédant le dimanche ne tombe un 29 ou 30 septembre)...

Il y a 600 intervenants (scientifiques, géographes, maîtres de conférence, presse, audiovisuel, organisateurs, invités et autres) sur 24 sites ou lieux de réunions, conférences, spectacles, expositions... 300 temps de rencontre avec le public dont 20 tables rondes (5, 6, 7 spécialistes dans un débat en face du public, lequel public peut intervenir en fin de scéance), 80 conférences ; un salon du livre avec 150 auteurs présents et plusieurs dizaines d'éditeurs nationaux ; 18 cafés géographiques, 50 heures de cinéma (films et documentaires) sur 5 jours (à partir du mercredi qui est le jour du forum des professionnels où le public est invité) avec un total de 4000 spectateurs sur les 5 journées...

À noter également (une innovation assez récente) : une ancienne usine textile désaffectée dont le destin n'a pas été celui de devenir une friche industrielle, mais un vaste centre permanent (toute l'année) de création artistique... Bien sûr cette année 2013, investi par le FIG...

À noter aussi (mais là c'est "moins glorieux" de la part du ministère de la Culture), que depuis 2013 (donc pour ce FIG ci) la subvention habituelle allouée a été totalement supprimée... (Par contre dans des villes de plus de cent mille habitants on subventionne plus que de raison des manifestations ayant un impact culturel et social et "planétaire" dirais-je, bien moins essentiel, que le Festival International de Géographie)... Saint Dié des Vosges n'est qu'une commune de 23 000 habitants mais à fort dynamisme culturel et artistique innovant - ce qui ne semble pas intéresser "commercialement" (ou en termes de "retombées économiques") les "Hautes Autorités Gouvernementales et Affairistes et Grands Marchés de type consommation de masse)...

À noter enfin, car c'est encore cela qui marche le mieux purement commercialement parlant, et qui draine d'ailleurs pas mal de monde (pas tout à fait les mêmes gens que ceux qui vont aux conférences)... L'espace gastronomique et des saveurs (une véritable foire dans un grand bâtiment et ses alentours) …

... Le thème cette année, du FIG, était : "La Chine une puissance mondiale", et le pays invité, la Chine...

Président : François Jullien, philosophe et sinologue ; Grand Témoin : Ivan Levaï ; invitée d'honneur : Noëlle Lenoir...

Président du Salon du Livre : Jean Christophe Rufin.

L'an passé, le "Grand Témoin" était... Régine Desforges ( J'avais été surpris de ce choix, pour un « Grand Témoin » de ce festival de géographie), et cette année en 2013, avec Ivan Levaï, nous sommes à mon sens, davantage dans la dimension qui convient...

Un mot, justement, au sujet du "Grand Témoin" de ce festival 2013, qui fut Ivan Levaï :

Ce journaliste né en 1937 aujourd'hui âgé de 76 ans, est "de la vieille école" pourrait-on dire, mais... de même envergure, de même dimension qu'un Albert Londres... "Il en a dans les tripes", vraiment, avec le langage qu'il tient, ce qu'il ose dire -à fort juste titre- et tout cela dans un discours de grand style, d'une grande profondeur de pensée, de réalisme, d'humour par moments, et d'un certain optimisme "non angélique"... Une "vision du monde", un sens de "certaines valeurs", une "philosophie" de la vie, de la relation, une manière de témoigner de ce qu'il observe, que je ne puis que partager et qui d'ailleurs recueille mon adhésion...

... Une réflexion encore, que je me suis faite lors d'un entretien devant un public nombreux et compact, entre Jean Christophe Rufin l'auteur de Rouge Brésil, et Alain Spire, un journaliste :

Jean Christophe Rufin évoquait son voyage de pèlerin de St Jacques de Compostelle et disait, entre autre (je ne reproduis pas les termes exacts mais seulement en gros, le sens, le contenu) :

« Ce n'est pas tout à fait ce que la plupart des gens croient, les chemins parcourus ne sont pas toujours des sentiers dans la montagne, en pleine nature, ni des chemins de grande randonnée du genre GR 5 ; parfois on marche durant des kilomètres sur des routes bitumées, ce n'est pas non plus cette convivialité, ces échanges, cette spiritualité auxquels les gens aspirent avant leur départ ; il y a cette réalité brute au quotidien, toutes ces petites surprises désagréables, ces aléas auxquels on ne pense pas... Et tout cela, il faut le savoir, et je le dis dans mon livre... »

Ayant donc entendu cela, je me dis que parfois, nous nous faisons "tout un cinéma" dans la perspective d'une aventure, d'un voyage, d'une rencontre que nous allons bientôt faire, et le rêve nous vient alors d'un "monde différent" à vivre, avec des gens "pas comme les autres" c'est à dire plus ouverts, plus culturels, plus ceci plus cela etc. ... Et nous nous faisons ce cinéma dans notre tête, bien sûr, en fonction de nos aspirations profondes, de notre imaginaire, de notre sensibilité, de notre culture personnelle, et le "film" se met en place, puis nous entrons dans le film tant et si bien qu'au départ nous y croyons... Mais très vite, la réalité brute nous rattrape, nous fouette, nous cingle... Ainsi en est-il de tous ces univers, de tous ces mondes "différents", de relation, de gens même avec lesquels nous allons vivre un temps et avons rêvé de rencontrer...

Ce qu'il m'en ressort de cette réflexion, c'est que c'est toujours et nécessairement "en connaissance de cause" qu'il faut partir, s'aventurer, "tenter le coup", aller de l'avant, choisir... Et que finalement le "film" ne pourra être que ce qui s'accomplira avec les acteurs, les figurants, les paysages, les scènes, qui y seront dedans...

... Un grand nombre de préjugés sur la Chine ? Oui, c'est certain.

… Mais il me paraît nécessaire dans le monde où l'on vit, en dépit de tous les paradoxes, de toutes les différences, de toutes les difficultés de relation, et surtout de la complexité du monde associée à la diversité des cultures, des modes de vie et de développement économique... Il me paraît nécessaire oui, de surmonter l'obstacle majeur à mon avis, que constitue l'existence de tous ces préjugés, de ces idées reçues et de ce qu'impliquent dans nos mentalités tant "occidentales" que "non occidentales", ces préjugés, ces idées reçues...

... Il faudrait déjà, dans un premier temps, ne pas perdre de vue ce qu'il est essentiel de comprendre d'un pays tel que la Chine :

-La densité et la diversité de la population sur un territoire géographique de plus de 4000 km dans ses deux plus grandes longueurs, et d'environ 3000 km dans deux de ses largeurs nord sud... Une population qui, officiellement, avoisine 1 milliard 350 millions d'habitants, mais une population cependant concentrée pour plus de 50% dans des villes gigantesques et des régions surpeuplées autour de ces grandes mégalopoles... Ce qui veut dire que sur la moitié du territoire, soit de très vastes espaces géographiques, la population est disséminée, parfois même quasi inexistante (par exemple toute la partie nord du pays, avec les déserts du Taklamakan, d'Alashan et de la Mongolie intérieure)...

-La géographie de ce pays : au nord d'immenses déserts et de hauts plateaux entourés de chaînes de montagne ; à l'ouest et dans la moitié de la partie centrale, le plateau du Tibet et la chaîne de l'Himalaya ; au Sud Est toute la Chine du Sud soumise à la mousson et aux tempêtes de l'océan Pacifique ; à l'Est sur 1500 km de profondeur jusqu'aux côtes, les régions les plus peuplées, là où se trouvent les grandes mégalopoles, les terres d'agriculture, l'industrie...

-L'histoire de ce pays : elle est comme d'un seul bloc, le bloc des dynasties successives entre 221 Av JC et 1911, et constituant l'Empire du Milieu (vu aussi comme "toutes les terres sous le ciel") avec pour bases durant toute cette période, un système bureaucratique et centralisé élaboré, les rites ancestraux et chamaniques, le confucianisme, le taoïsme, le Bouddhisme, une langue écrite...

Alors que les Amériques, que l'Afrique, l'Inde et l'Indonésie subirent dès le 16 ème siècle l'influence (et la domination) de l'Europe des Blancs et des Chrétiens... La Chine (l'Empire du Milieu) ne fut en relation avec l'Occident (l'Europe) avant le 19 ème siècle, que et uniquement par la route de la soie (terrestre depuis le milieu du 1 er siècle Av JC jusqu'au 15 ème siècle, puis maritime ensuite, par la navigation autour de l'Afrique)... Cette route de la soie était un réseau de routes commerciales, en fait de pistes multiples par lesquelles circulaient les marchandises entre l'orient et l'occident... Soit dit en passant, dans le sens Orient Occident, des découvertes chinoises majeures telles que la boussole, la poudre à canon, le papier monnaie et l'imprimerie furent diffusées en Europe.

Les deux périodes les plus marquantes, on va dire, de l'histoire de la route de la soie, se situent la première à l'époque d'Alexandre le Grand lors de son expédition et de ses conquêtes jusqu'aux confins de l'Afghanistan actuel, et la deuxième à l'époque de l'expédition de Marco Polo vers la fin du 13 ème siècle...

On le voit bien : la communication entre la Chine (Empire du Milieu) et l'Europe fut essentiellement marchande, technologique et culturelle, et ce, des temps anciens jusqu'au début du 19 ème siècle...

Passé le début du 19 ème, ce sont les empires coloniaux occidentaux (entre autres et surtout l'Angleterre) qui "débarquent" en Chine et "foutent la merde" (excusez moi l'expression) dans les dernières dynasties et dans l'Empire du Milieu, avec notamment les "guerres de l'opium"... De telle sorte que pour finir, en 1911 le dernier empereur est déposé, et qu'une république s'installe avec toute une série de guerres civiles jusqu'en 1949. (Mais bon, je ne rentre pas dans les détails, il y aurait tant à dire...)

Donc, pour conclure :

Une population de 1 milliard 350 millions d'habitants (qui n'est pas homogène et qui est inégalement répartie, avec la nécessité d'un gouvernement fort pour gérer cette immensité, mais un gouvernement décentralisé puisque les gouvernements locaux sont puissants et agissent) ; une géographie difficile... Et une histoire dans laquelle le contact réel autre que commercial ou culturel, ne s'est réalisé avec l'Occident, qu'à partir du 19 ème siècle...

Ce sont donc ces trois données qu'il ne faut pas perdre de vue...

... Pour vous donner une idée générale dans un premier temps, de ce festival ayant eu pour thème "La Chine une puissance mondiale" : http://www.fig.saint-die-des-vosges.fr/

... Mais "tout n'y est pas" loin s'en faut : les conférences et tables rondes les plus "significatives" seront intégralement reproduites d'ici quelque temps, tout comme celles d'ailleurs, des années précédentes...