Il y a dans l'attente heureuse, comme une "petite éternité"...

Et quelle plus belle, plus heureuse attente, que celle qui mène à ces visages amis approchant de jour en jour ou d'heure en heure jusqu'à cet ultime moment, peut-être le plus éternel, et qui fait penser à ces bourgeons ayant traversé une première nuit d'équinoxe de printemps avant d'éclore au matin en petites lèvres vertes encore fripées !

Il y a dans ce moment, l'ultime, tout juste avant l'arrivée des visages, une "petite éternité"... Comme s'il était devenu impossible de mourir à ce moment là.

Comment en effet, peut-on mourir lorsque l'attente heureuse, ainsi se prolonge ?

On ne meurt jamais durant le temps d'une érection de bonheur et de bien être, ce temps qui précède la rencontre.

... Connaissez-vous cette expression : « J'ai vu Carcassonne » ou ses variantes : « As-tu vu Carcassonne », « Non, il (elle) ne sait pas ce qu'est Carcassonne », « N'a pas vu Carcassonne » ?

Une manière un peu moins ordinaire mais néanmoins populaire , de dire

« Je suis allé au septième ciel »...

Eh bien ma foi, le temps d'une érection de bonheur et de bien être précédant Carcassonne, est un temps pour ne pas mourir et qui rend la mort incongrue, voire irréelle...

Alors autant qu'elle dure, cette attente de Carcassonne...

Carcassonne dont on aperçoit les tours autrement qu'en rêve, c'est à dire au vrai...

... Àl'âge de trois ans, j'entrevoyais déjà les tours de la vieille cité de Carcassonne : c'étaient les visages de mes cousines, le visage de ma mère, ces visages qui ont peuplé mon enfance... Aujoud'hui, les tours paraissent encore : elles sont crénelées du bleu que j'y vois dans le gris environnant, et les remparts de la cité sont comme des murs pour un merveilleux jeu d'escalade...

... Nous ne mourrons que lorsque nos émerveillements se seront décolorés.

... Dans « Au pays des guignols gris », mon premier livre, au début je crois, de « La Traversée » ; j'avais imaginé un ballon de gosse gonflé à bloc, qui n'éclatait jamais alors que le gosse ne cessait de souffler dans le ballon...

Eridan, le personnage principal, disait à ses copains «une fois éclaté, le ballon pend tel un petit bout de caoutchouc déchiré et fripé »...