Je sais des êtres pour lesquels je n'ai aucune éternité provisoire et vers lesquels je ne m'existe pas. Ces êtres là, qui parfois découvrent mon existence à travers des écrits de moi leur tombant sous les yeux ; ne me donneront jamais dans leur coeur et dans leur esprit la moindre petite parcelle d'éternité provisoire...

Je sais des êtres qui me regretteront et pour lesquels j'aurai une éternité provisoire...

Je sais d'autres êtres pour lesquels je suppose que je n'aurai pas d'éternité provisoire, et de ces êtres là il en est vers qui je m'existe tout de même dans une sorte d'espérance sans doute déraisonnable...

A ces êtres qui me regretteront et pour lesquels j'aurai une éternité provisoire, je leur dis :

“Il vous faudra désormais faire sans moi, et j'espère que tout ce que j'ai exprimé vous servira et surtout vous accompagnera”...

A ces êtres pour lesquels je n'aurai pas d'éternité provisoire – et cela pour les raisons que je sais et ayant entendu, pressenti et éprouvé ces raisons – je leur dis :

“Je m'en fous comme d'une canette de bière vide jetée brutalement dans une poubelle”...

A ces êtres pour lesquels je suppose que je n'aurai pas d'éternité provisoire et vers qui je me suis tout de même existé dans une sorte d'espérance sans doute déraisonnable, je leur dis :

“Toi et moi nous nous sommes ratés, et il n'y avait pour toi comme pour moi, qu'une seule et unique traversée”...

... Eternité provisoire : c'est le souvenir que l'on porte en soi d'une personne disparue. Un souvenir qui peut se transmettre et passer plusieurs générations.

Le souvenir finit par se diluer et disparaître. La preuve? Que reste-t-il de ce berger ou de ce paysan illettré de l'an mille qui racontait aux veillées de si belles histoires?

Il n'y a que les légendes qui sont des éternités provisoires beaucoup plus longues... Mais les légendes ont travesti, embelli ou transgressé ce qui, une seule et unique fois, fût...