Dans les hautes sphères intellectuelles gravitent autour du noyau dur des essaims de journalistes littéraires, de romanciers, d’écrivains, d’essayistes et de chroniqueurs médiatisés. Se produisent également dans les salons officiels et sponsorisés ces cohortes d’auteurs souvent adulés, commentés, instigateurs de modes, de tendances et de courants.
Une grande porte s’ouvre comme un immense trou béant dans la couche d’ozone de l’atmosphère, par laquelle les seigneurs de la pensée et de l’écriture, bardés de culture universitaire, de titres et de références, s’engouffrent tels des conquistadores.
Polluent-ils les esprits et les cœurs par des discours inaccessibles au commun des mortels ou interprétés selon des sensibilités qui s’affrontent, et voilà que les faiseurs de modes et de tendances, soutenus par la presse et l’audiovisuel, s’empressent de les béatifier, eux, les saigneurs de vérité et de toutes ces veines qu’ils jugent chargées d’un sang impur…
Outre le grand accès par le trou de la couche d’ozone, il est de ces petites portes entrouvertes à d’autres cohortes d’accédants et de postulants que les « élus », condescendants ou pourvoyeurs de marginalités récréatives, ont prévues pour que le « sens du monde » ait un air « évolutif ».
Mais le manège ne prend jamais en marche les enfants pirates, le « sens du monde » ne fait jamais monter sur ses chevaux de bois les loubards de l’écriture, les « écrivains » à la petite semaine du courrier des lecteurs ou des fanzines ni les diseurs d’un autre monde…
Sans doute sont-ils légions, tous ces enfants pirates plus ou moins poètes ou philosophes…
Ils sont confus ! Voilà : le grand mot est lâché ! Ils sont confus. Confus/confus ! Et parfois vilains culs, comme ces babouins criards dont on se moque au zoo.
Eh bien tous ces pirates, ne vous en déplaise, conquistadores et pandores de la pensée universelle, poussent et repoussent sur tous les terreaux du monde. Et aussi longtemps qu’il le faudra, demain, après demain ou dans mille ans, ils aboieront encore pour que change le sens du monde.
    Je revois ma grand-mère dans son jardin les jours de grand soleil d’été, avec son chapeau de paille bien vissé sur sa tête et enveloppée jusqu’aux chevilles d’un vieux tablier de cuisine, cultivant de nombreux légumes mais très peu de fleurs, s’exclamant comme on le fait pour la peste : « Ah, ces mauvaises herbes ! ça repousse toujours ! »
    Mais les mauvaises herbes, c’est aussi la vie !