C’étaient de grands vautours mutants aux cous rouges déplumés recouverts de lambeaux de chair violette en putréfaction, avec de longs becs crochus et coupants, des serres tentaculaires aux griffes pointues et recourbées…

Leur envergure était telle, que lorsqu’ils volaient par les rues de la ville, les extrémités de leurs ailes noires raclaient les fenêtres des immeubles.

Les fientes puantes qu’ils déposaient sur les trottoirs, dans la rue, sur le bord des fenêtres et devant la porte des maisons, avaient un pouvoir redoutable : elles se collaient aux semelles des gens, scellaient portes et fenêtres et même, soudaient lèvres et paupières, bouchaient les oreilles en tombant lourdement sur les gens… De telle sorte que les gens ne pouvaient plus se parler, se voir, s’écouter entre eux… D’autant plus que ces vautours mutants, les Sarkaliomariens, fientaient à dessein en des lieux très fréquentés. Mais il y avait pire encore…

Dotés d’une glande gélatineuse située en dessous de leur bec, ces Sarkaliomariens projetaient dans l’air ambiant un fluide paralysant qui fermait les fenêtres des belles âmes et des beaux esprits.

Ne s’étant point fédérés à l’Union Majoritaire de la Nouvelle Pensée Unique Invertébrée Glamourisante Fricolisée Peopolisée Sacralisée Médiatisée ; ces belles âmes (du moins certaines d’entre elles) étaient devenues fort gênantes, au pays nouvellement envahi par ces Sarkaliomariens refondateurs d’une Pensée qui jusqu’alors n’avait cependant pensé que dans un seul sens.

Ils nichaient tous, ces Sarkaliomariens, sous les charpentes des bâtiments officiels, entre autres celui du Ministère de l’Intérieur, celui de l’Information et de l’Audiovisuel…

Des raids de plus en plus fréquents, en incursions bien ciblées de formations planantes, froissantes et couchantes, dispersèrent les uns après les autres toutes ces familles de belles âmes et de beaux esprits non ralliés à la Nouvelle Pensée Unique.

Alors la Résistance s’organisa, les belles âmes et les beaux esprits se rendirent dans les galeries du Web catacombique, hackèrent le fluide des Sarkaliomariens, inventèrent un solvant qui décolla les semelles des gens, prises dans la fiente des Sarkaliomariens.

Ils n’étaient… Ils n’avaient été que de grands vautours mutants, ces Sarkaliomariens… Les belles âmes et les beaux esprits ne mutent pas : ils évoluent vers ce qui les élève encore… Sans jamais changer ni d’ailes, ni de bec, ni de regard…