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Dans les années 2002, 2003 et 2004, sur TF1, "clinquepétait"
Star Ac, cette émission de téléréalité show musique chanson...
A
l'époque j'avais écrit ce texte :
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Ils étaient tous là sur le plateau de Star Ac, à gigoter,
arborant leurs culs givrés et leurs gueules peinturlurées.
L’audimat pétait des sommets, on remettait ça pour la 3ème
révolution téterrique autour du Grand Phalène, et les minots
bombaient la caisse, fumaient du cyclotron, hurlaient dans le micro.
Les minettes flambaient, en jupettes ou en fuseaux cramoisis,
starlettant minaudant gloussant popotant du popotin… Et l’hydre
businésique aux rutilants tentacules s’avança et pointa le bout
de ses guirlandes, fit comme le gui pour l’an neuf à l’entrée
des casemates au dessus des têtes de meufs et de bébés… Star ac
c’est comme le gui et les champipis : ça squatte dans le
clinquant d’une civilisation dévoyée, autant dire que ça
parasite non seulement les budgets familiaux mais aussi les énergies
des moutards et des ados.
Avec
Star Ac pas besoin de vie intérieure : tu te pâmes sous les
regards accros des starlettes, tu te mires dans la véranda
déformante qui te nique l’âme et te fais te trémousser comme
pour une envie de pipi… C’est que t’en pisserais de régal de
te déhancher, de trépigner sur le tapis de danse avec le micro à
la main !
Les
saveurs épicées et contrezépicées du Loft avaient en leur temps
attiré les jeunes chiots branchés et les meufs capitonnées… Dans
une orgie de pubs et de gadgets, de CD et de textos, ce fut la ruée
de toute la génération sida des années 80, de tous les sniffards
de hasch et aussi de tous ces trentenaires désabusés vivant en
couple et investissant dans la bâtitude…
Saturday
et la Bamba, les tubes de Star Ac 2003, se vendaient et se vendent
encore comme des petits pains, puant de saveurday et d’excréments
roses de bambis auréolés de pets bariolés. Un marathon de 235
heures d’antenne, scandé de pubs et de clips, outrageusement
maquillé de cuissettes, de jambettes et de visages de fête, sans
jamais s’épuiser sur la piste glacée de paillettes argentées,
outrecuidait de satisfaction, jalonné de bornes audimatiques et
générait d’insolents profits pour TF1, Universal and cie…
Se
déhanchant en tapant des mains à chaque refrain de la Bamba,
Patrick Le Lay, s’il s’était hasardé à faire le laid pour
rire, eût perçu les clignotements de pupille des caissières
d’hypermarché sortant de chez la coiffeuse et vautrées devant la
télé, frites de pacotille au bec… « Oh qu’il est drôle
notre pourvoyeur de chanteurs de flouze, notre académycien des
banlieues »…
L’aubade
des héroïnes en fuseau percutait les sensibilités formatées,
provoquait de piquantes démangeaisons au clitoris, submergeait
livres et cahiers d’école, ruisselait sur les rêves nocturnes, et
les téléphones portables crépitaient de SMS et de flashs
mitraillés… Les parents de tous ces mômes scotchés devant la
télé s’époumonaient en de tonitruants « A table » ou
« Au pieu » inmanquablement suivis de « Attends
attends y’a Raphaël qui prend une place de plus au Top ! »
Star
Ac, c’est l’ennemour à la puissance 10, l’ennemour truandeur
d’amour, l’ennemour branché qui singe l’amour. Guimauve
luminescente et sous produit d’une culture bêta, on remet ça en
2004 parce que ça rapporte plein de sous et que ça efface les
velléités d’ados insoumis et que ça swingue comme des cornets de
glace à la vanille sur des parquets de ciné à la fraise.
La
mode des scoubidous et du hula hop au temps du twist et du rock and
roll était aussi totalitaire avec les SMS et les clips en moins. Et
les petits Chinois de la révolution culturelle et de Mao Tsé Tung
ne fabriquaient pas treize heures par jour des tapis de danse et des
micros et autres fariboles pour les gosses des pays riches. Dans les
forêts Vosgiennes y’avait pas non plus de bostryches dans les
troncs des sapins… Et si le micro de Star Ac se muait soudain en un
insecte boustifailleur de cordes vocales ? Et si les fœtus de
stars se mettaient à trépigner dans le bide de leur maman –
locomotive à succès damné ?
Stylistes,
coiffeurs et visagistes se abattus sur le marché de Star Ac. De
leurs doigts de fée, ils ont enstardisé la fille de l’humanuscule
trentenaire qui exerce ses talents sous l’abri de bus du
lotissement Les Alouettes… Et tous les autres minots minettes de
toutes les villes et tous les villages de France qui n’arrêtent
pas de se pâmer le samedi soir sur TF1, font péter l’audimat sans
jamais se péter, eux, au travers de personne.
Tu
crois que ça prendrait, Star Ac dans les pays de Zoulous ? Tu
imagines un Aborigène de l’Australie du Nord trépignant sur le
tapis de danse de Star Ac ? Et un Pygmée trisomique couinant
dans le micro ?
Putain,
si tu savais l’or de toi au fond de tes tripes et dans les recoins
de ton ciboulot où t’es jamais allé, tu te mirerais pas dans les
glaces de cette galerie de portraits et de poupées gonflables à
crécelle !
La
petite fille de l’Humanuscule embastillé du lotissement Les
Alouettes se perdit dans le désert avec son tapis de danse sous le
bras. Elle chemina longuement et par chance c’était l’hiver dans
le désert, les longues nuits étoilées, fraîches et pures, les
jours blancs et tièdes, les pistes pourtant incertaines devaient
bien conduire aux portes de cette cité en fête dont elle rêvait
les ponts, les minarets et les tours d’assaut bâtis pour la
conquête du ciel.
Mais
la cité n’existait pas, la petite fille n’existait pas non plus,
et c’est pourquoi la petite fille avec son tapis de danse serré
sous son bras ne cessait de marcher dans le désert, tout droit
devant, traversant les fontaines de lumière fugitive et tous ces
tapis d’eau qui danse et disparaît… Elle se disait :
« Puisque je n’existe pas, alors je vais m’exister toute
seule avec le tapis de danse ».
C’est
bien ça, le miracle de Star Ac : te faire exister alors que
t’existes pas. Faire de toi la Star que tu ne seras jamais.
Transformer un abri de bus au lotissement Les Alouettes en un hall de
casino. Muer un goûter d’anniversaire avec tous les copains
copines en un show télévisé où l’on se déhanche en battant des
mains, reprenant en chœur des bambas et des bambas à s’en
éteindre la voix. C’est vrai : à force de scander des
bambas, de te trémousser dans des fuseaux lumineux avec plein de
cendres argentées dans les cheveux, tu vas finir par « pipeau
– exister »…
Au
Cirque des Roches Noires, lorsque revint le soir, la petite fille
rencontra le petit renard des sables.
« Regarde »
lui dit-elle, déroulant le tapis de danse… « Avec ça, petit
renard, tu peux devenir une Star… Tu seras la Star du désert ! »
Et
le petit renard, dont la truffe noire frémissait et la queue touffue
battait le sable gris, dit à la petite fille :
« S’il
te plaît, renroule le tapis et existe moi ! »
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Je dédie ce texte, aujourd'hui, en particulier à tous les jeunes
garçons et filles et adolescents, la génération des -on va dire-
sept/huit à quinze/seize, donc les nés entre 2001/2002 et
2008/2009... et même si l'on veut, les nés après 2009 en âge
d'aller à l'école...
(Il
a bien raison, le petit renard des sables, de dire à la petite
fille, de renrouler le tapis de danse...)
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Bon, c'est vrai : tous ces gosses de la toute nouvelle génération,
de cette génération qui aura cent ans dans les années 2110, qui
savent juste lire ou lisent depuis peu... Sont les gosses des
aujourd'hui trente-quarantenaires qui liront peut-être ce texte et à
leur manière le résumeront à leurs mômes...
S'ils
n'étaient point, ces aujourd'hui trente-quarantenaires, des
"followers" de la Star Ac de 2004, je les encourage à
faire comprendre à leurs jeunes enfants, pourquoi le petit renard
des sables demande à la fillette de renrouler le tapis de danse...