L'Islande, y repartir, l'y retrouver, c'est l'hiver et ce doit être la nuit presque toute la journée !

Suzan takes you down
To her place near the river
You can hear the boats go by
You can spend the night beside her
You can…


Une permission, mi janvier, me laisse quatre jours. Je repars en Islande. Mais je m'y retrouve seul. Dans les pubs, dans les rues, sur le port, je ne la retrouve pas. J'ai avec moi le petit recueil de photos qu'elle m'avait offert en souvenir de son pays et je me réfugie dans ce qu'était mon autre moi, dans ce paradis pour les géomorphologues, ceux qui sont avides de déterminer les forces qui ont formé le visage de la Terre – parce qu'ici on les voit encore à l'œuvre.

Islande_chaudière L'Islande, terre des glaces, avec ses cirques de glace s'enfonçant dans des vallées étroites et profondes, ses coupoles glaciaires qui s'arrondissent sur les cônes volcaniques, ses glaciers alpins, en langues ou étendus comme au Groenland ; l'Islande, Musée Grévin des volcans du monde, les morts et les vivants, plafond de la dorsale médio-atlantique où je retrouve les sosies du Fuji Yama sur l'île de Honshu, du Mauna Loa d'Hawaï, du Puy de Dôme, du Plomb du Cantal et de la Banne-d'Ordanche, du Kilimandjaro, de l'Etna, du Stromboli, du Vésuve, du Mont Rainier, de tous les volcans des Aléoutiennes ; l'Islande, chaudière à vapeur, distributrice d'eau chaude gratuite à ses deux cents mille habitants et qui leur prouve encore sa générosité en laissant aussi s'échapper les jaillissements des centaines de sources, siliceuses ou sulfureuses selon la nature du terrain, volcanique et basaltique ou argileux et marécageux, à 75°C, comme à Chaudes-Aigues dans notre Cantal, l'Islande m'envoûte et me déçoit.

Si encore je connaissais son nom ! Mais Helen, sur ce petit bout de papier, en marque-page ?

Morues en Islande Je suis triste et mon cœur, triste, n'est réchauffé qu'entre midi et deux heures par les multiples couleurs des rues ensoleillées, couleurs vives ou couleurs pastel des maisons. Il perçoit aussi un peu de chaleur devant l'activité bouillonnante des chalutiers dans le port de Reykjavik, déchargeant d'étonnantes quantités de poissons dont certains, des morues, iront sécher, pendillant au vent sur des tréteaux de bois, au bord des routes, ou étendus sur les poreuses falaises de lave, fiertés des pêcheurs islandais comme nous de notre lessive de linge immaculé étendu sur la corde. Et il s'enfuit comme dans un rêve avec les oiseaux, surtout les innombrables palmipèdes anatidés, des canards tellement sociaux qu'on les prendrait pour des citoyens aux cygnes chanteurs avec leurs appels en trompette, de chaque mare, de chaque lac, les seuls bruits qui rompent l'infinie tranquillité des espaces glacés.

Extrait de Carcasses pp 261-262 (voir bandeau à droite).