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- Oui, mais quand même, c'est pas l'Prix d'l'Arc de Triomphe. Pour cette teuf, OK, la pelure pallas, tu pourras la sortir. Mais, dis donc, p'tit Prince, qu'est-ce que t'as fait d'René ?

- Vous aviez pas dit au Singe de passer prendre vot'dame ?

- Ah oui, j'oubliais. Il a pris une de mes caisses au moins.

- Oui, M'sieur Maurice, la TR3, c'est la seule où la capote était rangée.

- Parc'que dans cette chignole, tu crois qu'on pourra s'y mettre à quatre ?

- Mais le Singe et moi, on est en RTT, y a pas d'souci.

- Bon, après le restau, vous me rejoindrez au jardin du Luxembourg, près de la fontaine Médicis. Tu y seras pour quatre heures, et le Singe, à quatre heures dix. Mais vous y allez séparément. Toi, tu iras là-bas par la rue d'Assas et la rue Guynemer et René prendra par le Boul'Mich. Et vous vous connaissez pas, c'est compris ? Tiens, tu glisseras ce papier dans la fouille à René, discretos, pour les consignes.

Maurice et Georges arrivent à la Closerie des Lilas. Maurice a réservé une table pour quatre, en terrasse. Pas de Triumph rouge décapotée en vue. Le voiturier confirme, le Singe et Odile ne sont pas arrivés. L'ami Jeannot, à l'accueil, ouvre la porte aux deux arrivants.

- Bonjour Monsieur Maurice, bonjour Monsieur. Regardez Monsieur Maurice, je vous ai gardé la table là-bas dans le coin. Vous serez tranquilles et à l'ombre.

- Merci Jeannot, vous demanderez au maître d'hôtel de nous servir un Bourgogne blanc en attendant les autres.

- Un Meursault vous ferait plaisir ?

Ce code était signe qu'il y avait de la maison poulaga à une table voisine. Champ libre, ç'aurait été "Nous avons un joli petit Saint-Véran".

- Demandez-lui plutôt un Pouilly-Fuissé. On continuera avec les fruits de mer.

- Bien Monsieur Maurice. Ah, voilà Madame et votre chauffeur. Voulez-vous que je leur serve la même chose ?

- Oui Jeannot, ça sera très bien.

Odile s'approche de la table, fait une bise à Maurice et s'assied en face de lui. René, en Lewis et blaser marine, confie sa casquette au premier louffiat qu'il voit et rejoint les autres.

- Désolée pour le retard mon chéri, mais j'ai demandé à René de me conduire aux Trois Moutons, dans le douzième. Je leur avait acheté un jouet pour l'anniversaire d'Alain mais il ne marche pas. J'ai bien vérifié, il est en panne et ils me l'ont changé.

- Tu as bien fait ma puce. Alors, à votre santé à tous !

- A votre santé Monsieur Maurice ! répondent en chœur les deux acolytes.

Maurice fait signe au maître d'hôtel et commande un plat de fruits de mer pour tout le monde.

- Vous avez vu les journaux ? Je voudrais bien savoir quel est l'enfant de salaud qui se sert d'un môme de huit ans pour braquer une banque.

- C'est vrai ? demande Odile.

- Moi, j'ai pas lu le journal, c'est quoi l'histoire ? demande Georges.

- Moi non plus, ajoute René.

Maurice, dès sa question posée, avait vu deux têtes se retourner vers lui. A trois mètres tout au plus. Toute conversation sérieuse était impossible.

- Eh bien il faudrait vous tenir un peu au courant les jeunes. Il n'y a pas que la mécanique dans la vie. Je vais quand même pas vous inviter à déjeuner pour vous faire la lecture du journal. Ma puce, si tu as besoin de la voiture, tu pourras la garder cette après-midi. Moi, je vais faire un tour au Luxembourg. Je vais regarder les joueurs de bridge. Par ce beau temps, il y en aura beaucoup, et des fois qu'il leur manque un joueur ! René, c'est quand tes vacances ?

- J'y suis, en vacances, Monsieur Maurice. Demain, c'est férié, et je reprends le 16 août.

Et de continuer la conversation sur les vacances ; et les fruits de mer, sur le Bourgogne blanc. Maurice invite ses amis à les rejoindre, lui, sa femme et son fils Alain, en Bretagne, où ils iront camper. Il y a des fêtes de la mer tout l'été, dans tous les ports. Et Maurice ne manque pas d'amis pour les inviter sur leurs bateaux.