Coffiots : la fin de casses... est une nouvelle policière écrite au jour le jour. Le synopsis est déjà dans l'ordinateur. Le scénario plus souple, peut encore évoluer. Aussi bien, cher lecteur - et vous l'avez déjà compris -, cette nouvelle peut aussi devenir un peu la votre, selon les remarques ou les apports que vous soumettrez dans vos commentaires. La fin est prévue pour l'été, le 20 juin.

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Maurice est subitement pris d'un trouble profond. Repensant à sa lecture du Parisien, il y a à peine une heure, il commence à prendre la mesure de sa responsabilité. Il lui reste un peu moins de deux heures pour réfléchir et préparer sa réunion et, plutôt que refaire le marché Edgar Quinet, il remonte l'avenue du Maine, quelques 50 mètres, pour s'assoir à la terrasse du D'Artagnan, en face de la rue du Commandant Mouchotte. Après tout, ce n'est surement pas aujourd'hui qu'il aurait pu rencontrer Madame Girardin, la chef d'agence de la Société Générale, pour lui faire part de sa tristesse. Elle est sans doute occupée avec les enquêteurs de la PJ. Il a plus de chances de la trouver samedi, devant l'un de ses étals habituels, le poissonnier ou le fromager.

Il commande un quart Perrier, allume une cigarette, se relève pour acheter Libé au kiosque, sur le même trottoir, à quelques pas, revient s'asseoir et déplie le journal sur la table. A la une, comme chaque jour, on ne parle que des primaires du PS. On en est aux premières joutes : qui sera candidat en avril prochain, dans neuf mois ? Une seule femme encore ? Deux femmes ? Et combien d'hommes ? Jacques, le garçon, arrive, le plateau sur la main. Le temps de décapsuler la petite bouteille verte, de la poser sur la table, de poser le verre et c'est, comme d'habitude, la chaleureuse poignée de main.

- Comment ça va ce matin Monsieur Maurice ? Vous avez vu cette histoire, rue de Rennes. Si c'est pas une honte ! Et pourtant, il en avait fait des promesses, le Président, vous vous souvenez ?

- Des promesses, des promesses, tu vois bien ce que ça vaut les promesses ! Mais le pire, Jacques, c'est même pas ça, c'est le Parlement. Ces connards de députés, à force de s'opposer à propos de n'importe quoi, ils ont même pas été foutus de s'entendre pour faire appliquer la loi Ysoult. Tu te rends compte, une loi votée il va y avoir quatre ans ce mois ci, et déjà plus de mille amendements à ce qu'on dit, et toujours pas de décret d'application. Tu vas voir, Jacques, on aura un nouveau président qu'elle sera aux oubliettes, la loi Ysoult. Regarde ces trombines, tu crois pas qu'ils s'en foutent pas mal des banques, ces zozos là !

- Oh, moi, je vous dirais, Monsieur Maurice, les banques, bon, c'est vrai, c'est triste de voir mourir des gens, mais c'est quand même exceptionnel. Non, pour moi, le vrai problème, c'est notre pognon. Il en à rien à cirer de notre pognon, le gouvernement. J'dis pas ça pour moi, notez bien, j'ai mis mon compte à la BNP, vous savez, en haut de la rue de Rennes, presque en face de la banque où il y eu cette fusillade. Y paraît qu'elle est devenue inviolable, cette agence, depuis le casse de l'an passé. Un vrai bunker !

- T'as raison, Jacques, celle là, c'est Fort Knox, même si il y a un peu moins de lingots. Mais je vais te dire une chose, Jacques : moi, ça fait un bail que j'y mets plus mon pèze, dans les banques. Quand j'ai un peu d'thune, je m'achète une vieille tire et je me la fais préparer aux petits oignons par mon mécano, un véritable artiste. Authentique, incontestable ! Une Salmson de 1928, le modèle S6, tu crois que ça vaut pas quelques lingots ? Et il est pas encore né le braqueur de garages, j'te l'dis comme je pense. Les voleurs de bagnoles, ils veulent pouvoir les fourguer, pas les collectionner, et ils choisissent des caisses qui roulent, et aussi qui se voient pas trop. Couleur locale, c'est leur truc.

- Vous avez raison, Monsieur Maurice, d'ailleurs, moi, c'est les timbres. Après ce que vous venez de dire, je crois bien que je vais m'y remettre.

- On est d'accord, Jacques, reprends-la, ta collec, y a qu'ça d'vrai, mais il n'empêche, ces trois pelés qui n'ont rien fait, j'peux pas m'empêcher d'penser à eux. Je sais pas si ils en parlent, dans ce numéro de Libé, mais j'te dirai. Allez, à plus, Jacques, et merci.