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S'il me prend l'envie de raconter, tout se mélange dans ma tête
Ce que je prenais pour des vérités, les sources des malheurs et les pourquoi des fêtes
Ces idées là meurent ou basculent, il n'y a plus que des inquiétudes, des questions
Qui reviennent et se bousculent comme des points d'interrogation.
Même les mots qui étaient bien vivants sont devenus comme des fossiles,
Ceux qu'on employait souvent et qui rendaient les échanges faciles.
Le monde n'a pas cessé de bouger depuis que j'étais jeune et réactif
Ce qui était vrai hier a changé, plus rien n'est définitif.
Donc si je racontais le passé avec les images dont je me souviens,
On dirait « il est dépassé, il mélange tout, il comprend rien ».

Aimer voulait encore dire aimer quand la télé n'existait pas,
On obéissait aux aînés, sinon ils nous mettaient au pas,
A l'école on apprenait la grammaire, les départements, les chef-lieux,
On respectait encore les maîtres, que ce soit à Paris ou en banlieue,
En vacances on était content d'aider à garder les vaches,
Le Club Med était inexistant, comme les RTT qu'on arrache,
Le mariage, c'était pour la vie et le divorce l'exception,
Les désirs inassouvis n'étaient pas pris pour des punitions.
Donc si je racontais le passé avec les images dont je me souviens,
On dirait « il est dépassé, il mélange tout, il comprend rien ».

Autrefois quand j'écoutais la radio sur mon petit poste à galène
Pour apprendre que Vadim épousait Bardot et qu'Elisabeth devenait reine,
Qu'au moment de Budapest on lançait le slogan « Russky go home »,
Que la guerre froide avait commencé et on avait peur de l'atome,
Qu'on ne prenait pas pour des fous ceux qui partaient en Indochine
Pour se faire tuer à Dien Bien Phu ou être mutilés par les mines,
Et pendant qu'à Bobino, Brassens chantait « mort au gorille »,
L'Abbé Pierre pour les marginaux appelait au secours la ville.
Donc si je racontais le passé avec les images dont je me souviens,
On dirait « il est dépassé, il mélange tout, il comprend rien ».

Ce passé je voudrais pourtant le raconter aux plus jeunes pour qu'ils comprennent
Que le bonheur et les atrocités très souvent, côte à côte, se maintiennent
Que ce soit chez nous ou ailleurs, changer le monde est devenu urgent
En donnant de soi le meilleur, que c'est l'amour, non pas l'argent
Qui doit les pousser à innover, à trouver les idées pour demain
Où chacun aura de quoi manger, où tous se donneront la main,
Les Chinois et les Tibétains, les Talibans et les Afghans,
Et tous les peuples africains dirigés par des chefs arrogants.
Oui, je veux bien raconter le passé et les images dont je me souviens,
Celles qui ne sont ni mélangées ni dépassées. Des autres, je ne dirai rien.