– Alors ma puce, t'as raconté not' blème avec Sébastien ?
– Oui mon chéri, et Muriel vient d'avoir une idée géniale. Elle propose d'appeler son mari pour qu'il vienne accompagné du Com­missaire Mercier, tu sais, le commissaire de police du 6ème arron­dissement qui nous avait confié Sébastien.
– Oui, j'm'en souviens ma puce, mais j'crois pas qu'un gradé d'la maison d'Armorique s'laisse tailler des croupières par un habillé d'Paname, même un lardu qu'est plus banané k'lui. Non, s'qui faudrait, c'est l'proc, ou l'substitut du proc qu'était v'nu à la maison. Tu t'souviens d'son nom ?
–C'était Monsieur Marchand, dit Madame Girardin, Charles Marchand. Je m'en souviens très bien, il nous avait rendu visite, à mon mari et moi. C'est sûr, c'est une meilleure idée. Mon mari sera certainement d'accord pour l'appeler. Après, je ne sais pas. Peut-être pourra-t-il régler cette triste affaire par téléphone ? Mais ne pensez-vous pas qu'il vaudrait mieux chercher à en savoir un peu plus, dans un premier temps ?
– Dans ce cas, nous pourrions aller toutes les deux demain matin au poste de police de Concarneau, propose Odile. Même un dimanche, il doit bien y avoir quelqu'un pour nous renseigner.
– Et d'main matin, p'tet qu'on en saura un peu plus par les baveux du coin, sui-là d'l'Armorique libre par exemple qui fourre son nez partout.
– Excusez-moi mon cher Maurice, mais j'aimerais bien prévenir Raymond, lui dire que je ne serai pas encore là demain. Vous me prêteriez votre téléphone portable ?
– Tenez, prenez donc le mien, dit Odile. Gardez-le ce soir. Appelez votre mari tranquillement. Vous me le rendrez demain matin.

L'affaire est entendue. Muriel Girardin et les Le Menech se disent bonsoir, se séparent et montent dans leurs chambres respec­tives. Maintenant commence, entre les époux Le Menech, la dis­cussion délicate sur la question du Guilvinec.
– Tu t'rends compte ma puce, dans quel merdier tu m'as laissé m'gaufrer ? T'avais fait un plan qu'il était nickel-chrome et v'là qu'y faut qu'on l'chanstique.
– Mon chéri, j'aime pas quand tu restes debout comme ça devant moi, à te faire du mouron. J'ai toujours peur que tu te mettes en colère. Tu sais bien que ça finit toujours mal !
– Toujours mal ? Mais tu vas trop au cinoche ma puce. Tu t'rappelles, la dernière fois, si ça finissait mal ?
– Mais c'était la dernière fois !
– Y a jamais d'dernière fois ! Tire ton calepin et raconte-moi s'que t'avais mis. Et après, la gratif, tu d'vines ?
– Pourquoi après ? – Pass'qu'après la gratif, moi, je dors.
– Bon, mais alors vite ! Passe-moi mon sac, que je retrouve le papier où j'avais noté ce qui nous restait à faire.
– Tiens, t'as qu'à r'lire vite fait.

Odile relit les notes qu'elle avait soigneusement consignées :

  • Madame Girardin : Lui confier des affaires pour qu'elle remonte en grade. La faire sortir de son agence de la Société Générale de Clichy-sous-Bois pour qu'elle soit mutée dans une agence où des affaires seraient envisageables. Chercher une autre banque pour l'employer.
  • Monsieur Maillerais : Trouver une date pour la croisière promise en récompense de l'achat de la première Blue Star vendue par le Groupe. Choisir cette date en se coordonnant avec Monsieur Pajot, le patron du garage qui leur a vendu la voiture et qui est invité aussi, à cette croisière entre Malte et la Sicile.
  • Le Grand Garage : Une affaire qui 'vivote'. Il faudrait trouver des pigeons pour les occasions de Maurice. Comme pour la Dora Adenauer. Il faudrait former René et Georges à la vente.
  • Vandenlood : Affaire complexe. Lui vendre encore des voitures à prix d'or et en dollars. Mettre la main sur sa banque avant qu'elle soit dépouillée par la Brigade Finan­cière. Éventuellement récupérer ses autres affaires : le ma­gasin d'accastillage Vawi à Saint-Hélier et la bijouterie en Belgique. Trouver preneur pour ces affaires. Attention, retirer notre compte joint avant toute chose. Voir le montant actuel du compte. Partager (équitablement ?) avec Fernand.
  • Boris et le Guilvinec : Faire travailler Boris en lui laissant, à chaque tournée, un dédommagement. Par exemple un quart de son chargement.
  • Sébastien : Le changer d'école dans quinze jours. Après le 15 août. Le laisser explorer le rempart de Concarneau. Dans l'école de pêche, si il y est admis, organiser ses sorties pour qu'il ait le loisir de faire l'inventaire des 'banques à coffres' de Concarneau.
  • Declain, Maradec, la police et les gendarmes de Concarneau. RAS. Non, passer les voir de temps en temps pour leur donner des nouvelles. Seulement les mauvaises.

– Et t'avais rajouté kek' chose, j'sais plus quoi :
– Ah oui : enlever notre compte courant et nos plans d'as­surance-vie de la Société Générale et les mettre à l'agence où sera Madame Girardin. L'associer aux affaires.
– Ben voilà ! C'était-y pas clair ?
– Si, c'était clair mon chéri, mais on n'y est pas du tout. On en est même loin, tu ne trouves pas.
– Ben pas si loin k'ça ma puce.
– Bon, alors, ma gratif.